Directive services - Rien n'est encore joué sur les services sociaux en Europe
Avec quinze millions d'emplois, les services d'intérêt général représentent 25% de la population active européenne, mais aussi 70% de son PIB. Ce sont donc des pans entiers de l'activité économique européenne qui, bientôt, seront soumis aux règles de la concurrence et du marché intérieur. Un mois après l'adoption de la directive Services, les Vingt-Cinq sont appelés à ratifier le texte avant la fin de l'année. Les Etats auront ensuite trois ans pour supprimer les entraves à la libre circulation des prestataires de services, y compris les services économiques d'intérêt général (SIEG). Pour en comprendre les enjeux, le Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) organisait une journée de sensibilisation, mercredi 13 décembre. Car tout n'est pas encore gravé dans le marbre. "Les collectivités doivent être partie prenantes dans la transposition du texte", insiste Laurent Ghékière, vice-président de la commission Entreprises, marché intérieur et concurrence du CEEP.
Les prestataires soumis à "autorisation préalable"
En dehors de la suppression du principe du pays d'origine, le texte prévoit l'instauration d'un guichet unique pour les prestataires étrangers. Grâce à un intense travail de lobbying, le CEEP a contribué à faire adopter deux autres points essentiels. Tout d'abord, le Parlement et le Conseil, en tant que co-législateurs, ont interdit la "libre prestation de services" : tout SIEG devra reposer sur l'établissement permanent de la structure dans le pays d'accueil. Un moyen de s'assurer de la continuité du service. Ainsi, pour pouvoir exercer en France, un gestionnaire allemand de logements sociaux devra-t-il s'établir en France. Le second point est celui du "régime d'autorisation préalable" auquel le prestataire sera soumis. Ce principe prévu par les traités (article 86-2 du Traité CE) trouve pour la première fois, une traduction dans le droit positif via la directive Services. Concrètement, l'Etat et les collectivités pourront imposer un certain nombre d'exigences au prestataire désireux de s'implanter, à condition qu'elles soient "non-discriminatoires", "nécessaires" et "proportionnelles". Avant d'accorder toute subvention, les collectivités devront donc se demander si elles mettent en place un système d'agrément. Dans ce cas, elles devront le notifier à Bruxelles.
L'aide aux "personnes dans le besoin"
Le travail de lobbying dans les couloirs de Bruxelles a également permis de mieux circonscrire le champ de l'application de la directive. Un certains nombres de secteurs en sont exclus. Il s'agit, en premier lieu, des services d'intérêt général à caractère non économique (éducation nationale, transports, télécommunications, etc.) couverts par des directives sectorielles. C'est également le cas de la santé et des services sociaux. Les collectivités, notamment les communes et les départements, ont un rôle important à jouer dans ce dernier domaine. Il en va du logement à l'aide à l'enfance, à la famille et aux personnes dans le besoin. Or, la notion de "personnes dans le besoin" reste vague : c'est une boîte vide que les Etats vont devoir remplir au moment de la transposition du texte dans trois ans. Toutes les activités non couvertes par la définition resteront dans le champ de la directive et seront donc soumises aux règles de la concurrence. Pour Laurent Ghékière, "les collectivités doivent donc prendre part dès à présent aux discussions pour inclure un maximum de services dans cette définition".
Michel Tendil