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Libre administration - Directive Services : "Il y a le feu au lac"

Le calendrier sur les services sociaux se resserre et le ton monte chez les élus. Le gouvernement doit remettre d'ici à la fin de l'année à la Commission son rapport de contrôle de juste compensation des aides pour la période 2006-2008. Dans le même temps, l'administration s'active pour mener à bien la transposition de la directive Services d'ici fin 2009. "Il y a le feu au lac", a déclaré jeudi Jean-Louis Destans, président de la commission Europe de l'Assemblée des départements de France (ADF) et président de la délégation française au Comité des régions, lors d'une table ronde organisée par la Maison européenne des pouvoirs locaux français. "C'est l'organisation de toute une série de services rendus par les collectivités locales qui risque d'être impactée par la directive Services. C'est un risque majeur pour l'organisation du secteur social et médico-social", a-t-il insisté.
Pour l'heure, la Commission européenne se refuse à une définition des services sociaux. Elle s'en tient à une distinction entre missions de services publics (services d'intérêt général), qui correspondent aux compétences régaliennes des Etats membres, et activités économiques qui relèvent de la concurrence et auxquelles sont rattachés les "services économiques d'intérêt général" (Sieg). Selon le président du conseil général de l'Eure, "les services sociaux seront vraisemblablement une sous-partie des Sieg une fois la directive transposée". L'un des enjeux de la transposition tient au "mandatement", un mode unique de gestion qui "ne correspond pas à la tradition française". "Concession, délégation de service public, agrément sont autant d'outils qu'on utilise en fonction des services, il n' y a pas de réponse unique", a encore souligné Jean-Louis Destans.
Les élus s'inquiètent plus généralement de ce qu'ils considèrent être une dérive vers "un gouvernement des juges", puisqu'en l'absence de définition juridique claire, il faut s'en référer à la jurisprudence de la Cour européenne de justice. Ils se plaignent de l'insécurité juridique qui en découle et des atteintes à leur liberté de décision. "La liberté des collectivités est aussi importante que les règles de transparence du marché intérieur", a estimé Jacqueline Gourault, vice-présidente de l'Association des maires de France (AMF). Les élus, qui rappellent que le principe d'autonomie locale est inscrit dans le traité de Lisbonne, semblent gagnés par une certaine irritation, alors que dans un avis motivé du 27 juin 2007, la Commission a rappelé à la France que les mises à disposition de services d'une commune à un groupement de communes relevaient de la concurrence. Bruxelles demande donc la modification de l'article du Code général des collectivités territoriales (L.5211-4-1 II CGCT) autorisant ces mises à disposition. "Cet avis va à l'encontre des orientations nationales et notamment des recommandations de la Cour des comptes", a déclaré André Laignel, maire d'Issoudun et secrétaire général de l'AMF. "On est dans le monde de l'absurde. L'Europe est déjà très éloignée des citoyens, elle le sera encore plus si elle poursuit sur ce chemin", a tancé l'élu qui est également député européen. "Ubu aurait tout à fait sa place dans ce décors."

 

Michel Tendil