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Europe - Les services publics s'invitent dans la présidence française

L'avenir des services publics locaux ne figure pas sur l'agenda officiel de la présidence française de l'Union européenne mais les élus se mobilisent pour en faire un enjeu important des six mois à venir.

C'est une illustration de plus du malaise qui règne dans le fonctionnement des institutions européennes. Un peu partout, associations d'élus, parlementaires européens, Comité des régions, Conseil économique et social et syndicats se mobilisent pour réclamer une reconnaissance des services publics locaux (services d'intérêt général) en Europe. Mais la Commission reste sourde à leurs appels et refuse de légiférer pour s'en tenir à une politique du "cas par cas". Et il y a peu de chances qu'elle change d'avis d'ici la fin de la mandature en 2009. Le début de la présidence française a donné l'occasion à l'Association française du Conseil des communes et région d'Europe (AFCCRE) de monter au créneau pour demander une directive cadre, solution écartée par la Commission dans une communication de novembre 2007. Selon Bruxelles, le protocole ajouté au traité de Lisbonne se suffit à lui-même. Ce texte consacre la "rôle essentiel" des "autorités nationales, régionales et locales" dans la mise en oeuvre des SIG. Officieusement, on estime à Bruxelles que le "non" irlandais ne remet pas en cause la valeur du traité du moment qu'il a été signé.
Aujourd'hui, la question des SIG ne figure pas parmi les priorités de l'agenda officiel de la présidence française mais pourrait bien resurgir. Pour l'heure, le gouvernement français n'affiche pas de position tranchée et invite plutôt Bruxelles à sortir de l'ambiguïté. "Ce qui a trait aux services publics et à leur libre organisation relève de l'Etat et des  collectivités territoriales et locales, il faut le dire clairement", a fait valoir Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, à l'adresse de la Commission, lors d'un séminaire organisé au Sénat par l'AFCCRE, vendredi 11 juillet. Un mois après le référendum irlandais, le secrétaire d'Etat a appelé la Commission à "ne pas s'attirer la suspicion". "Tant qu'il y aura insécurité juridique, la présidence française sera particulièrement vigilante", a-t-il prévenu.

 

"Gouvernement des juges"

S'ils se félicitent de quelques avancées sectorielles, notamment dans le domaine des transports avec le règlement de 2007, les élus de l'AFCCRE, rejoints pour l'occasion par leurs homologues allemands et italiens, plaident pour une directive transversale qui clarifierait une fois pour toute la notion de SIG. Seule garantie, estiment-ils, de les "protéger" de la seule application des règles du marché. "Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est désormais inscrit dans la Constitution, il doit être respecté par la Commission au nom de la subsidiarité", a souligné Louis Le Pensec, président de l'AFCCRE. Pour l'association, la fourniture, l'organisation, la gestion et le financement des services publics locaux doivent donc relever du seul choix des collectivités.
L'un des enjeux tient à la coopération intercommunale et à la mise à disposition de services publics entre les communes et leurs intercommunalités. Dans un avis motivé à la France en juin 2007, la Commission a en effet considéré que ces services relevaient des marchés publics et donc de la concurrence. En l'absence de règles claires, c'est à la Cour de justice des Communautés européennes de dire le droit au fil de ses arrêts. De nombreux élus dénoncent un "gouvernement des juges" et craignent à présent de voir remise en cause de l'exception "in house" (ou contrat de prestation intégrée) qui permet à une collectivité de passer un contrat avec son prestataire sans passer par le Code des marchés publics.
Autre point à régler rapidement : celui du mandatement. En France, les collectivités et le secteur de l'économie sociale en général, fonctionnent en effet sur la base du régime d'autorisation. Le mandatement exigé par Bruxelles va plus loin puisqu'il impose aux prestataires une obligation de service rendu. Seul cet acte rend les subventions compatibles avec le droit européen.

 

Les services sociaux dans l'illégalité

Hormis les quatre secteurs sortis in extremis de la directive services de 2006 (logement social, garde d'enfants, aide aux familles et aux personnes en difficulté), tous les autres services sociaux d'intérêt général (SSIG) sont dans l'illégalité. "L'ensemble du secteur associatif des services sociaux fonctionne avec des subventions non-conformes au droit européen", a alerté le député européen Bernard Lehideux. Or, mauvaise nouvelle : au 19 décembre 2008, la France devra remettre à Bruxelles un rapport sur le financement des SSIG. Il pourrait y avoir quelques redressements.
Alors que le statu quo semble devoir durer, Jacques Toubon propose de prendre les devants au niveau national. "La Commission a fermé une porte, les Irlandais en ont fermé une autre, par où va-t-on passer ? On a déjà une ouverture avec la transposition de la directive Services", a-t-il indiqué. Une mission de transposition composée d'experts doit se prononcer à la rentrée, mais, selon le député européen, elle n'a pas été dotée de moyens suffisants. Reprenant les préconisations du Conseil économique et social d'avril dernier, Jacques Toubon réclame deux lois : l'une sur la définition des missions d'intérêt général, l'autre sur le mandatement. Un appel du pied au gouvernement appuyé par Louis Le Pensec. Selon le vice-président du conseil régional du Finistère, "on fait souvent porter à tort la responsabilité sur Bruxelles". Et de citer deux exemples : l'assainissement et la formation, où en ouvrant les Satese (services d'assistance technique et d'étude aux stations d'épuration) et l'Afpa (Association nationale pour la formation des adultes) à la concurrence, "le législateur français est allé plus loin que ce qu'exigeait le droit européen".
En attendant, la mobilisation des élus et des professionnels réunis au sein du collectif SSIG ne faiblit pas. La conférence sur les SSIG organisée à Paris les 28 et 29 octobre 2008 pourrait constituer une bonne occasion de poser les bases du chantier. A moins que les députés européens n'en prennent eux-mêmes l'initiative.

 

Michel Tendil

 

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