Développement des territoires - Lutter contre l'étalement urbain, un chantier au long cours
La superficie de l'espace urbain en métropole a progressé de 19% en dix ans, selon une enquête que l'Insee vient de publier. La surface du territoire urbain est ainsi passée entre 1999 et 2010 de 100.000 à 119.000 km2 et "désormais 21,8% du territoire métropolitain est urbain", précise l'Insee. Un étalement urbain qui se poursuit au fil des années et contre lequel les collectivités locales ont toutes les peines à lutter. "On voit la tendance qu'il faut inverser, une dynamique qui reste importante malgré la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) pour la redensification", affirme Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui cherche toutefois à nuancer les chiffres donnés par l'Insee. "On a inclusion de fait de communes classées en rural qui passent au-dessus des 2.000 habitants ou qui sont intégrées dans un tissu urbain continu", détaille ainsi le responsable de l'ADCF. Depuis 1999 en effet, 1.368 communes rurales sont devenues urbaines. 231 communes dans le premier cas, 1.137 dans le second. Et ce sont les petites unités urbaines (moins de 10.000 habitants) qui augmentent le plus (+ 9.700 km2 entre 1999 et 2010). "A elles seules, elles expliquent plus de la moitié de la croissance de l'espace urbain, alors que seulement 16% de la population urbaine y vit, détaille l'Insee. La croissance du territoire urbain s'observe donc surtout dans la partie la moins dense de l'espace urbain." Et c'est l'absorption dans l'espace urbain de ces anciennes communes rurales qui "est la principale raison de sa croissance démographique", explique l'Insee. Depuis le recensement de 1999, la part de la population vivant en ville a augmenté, passant de 75,5% à 77,5%, tandis que la croissance démographique dans les territoires qui étaient déjà urbains en 1999 n'a été que de 4,3% contre 5,6% pour l'ensemble du territoire. De quoi alerter les communes et autres collectivités qui cherchent à réguler l'espace utilisé par les particuliers. Ce qui ne veut pas dire que les grandes agglomérations n'ont pas augmenté. La taille des très grandes agglomérations a augmenté de 30% !
"Libérer des terrains dans des zones stratégiques"
Des moyens fiscaux et juridiques existent pour lutter contre cet étalement. Dans le cadre des quatre groupes de travail dits "Apparu" sur l'urbanisme de projet, de nouveaux leviers fiscaux pour pénaliser la rétention foncière ont été proposés. Objectif : libérer des terrains à des prix abordables dans des espaces stratégiques. La proposition des groupes de travail consisterait à revoir les politiques d'abattements des taxes sur les plus-values revenant à l'Etat, comme la taxe nationale sur les plus-values immobilières (PVI) et la taxe sur les plus-values de cession de terrains rendus constructibles, créée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. "Ce serait une façon de libérer des terrains dans des zones stratégiques et denses, des zones proches des équipements collectifs", détaille Nicolas Portier. Autre instrument utilisable : relever la fiscalité locale et permettre la majoration de la taxe annuelle foncière sur les propriétés non bâties (TFPBN). "Certains spéculent et attendent", souligne le responsable de l'ADCF, qui prêche toutefois pour la prudence. "On peut faire cette liste de zones stratégiques mais ce doit être le plan local d'urbanisme (PLU) qui doit identifier ces zones où le taux d'imposition augmenterait, insiste-t-il, et le mieux serait d'avoir un choc d'offre, que les abattements soient perdus à partir d'une certaine échéance, il faut qu'il y ait un avantage à remettre ces terrains sur le marché." Enfin, d'autres outils vont voir le jour, qui ont été décidés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010. Celle-ci instaure en effet une taxe d'aménagement (TA) qui va se substituer à plusieurs participations existantes, et un versement pour sous-densité (VSD), qui devrait permettre de lutter contre l'étalement urbain. Mais ces nouveaux dispositifs n'entreront en vigueur qu'en 2012, s'appliquant aux autorisations d'urbanisme déposées à partir du 1er mars. "Est-ce que ces efforts vont permettre d'inverser des tendances lourdes ?", questionne toutefois Nicolas Portier, soulignant que ces outils sont surtout placés entre les mains des collectivités locales dont les PLU vont monter en puissance dans dix ou quinze ans… "On espère redensifier l'urbain, c'est un chantier au long cours de dix ans où il y a des moyens assez décentralisés. Beaucoup va reposer sur la volonté des élus, les schémas de cohérence territoriale (Scot), et la qualité des PLU."