Budget - Loi de finances pour 2008 : au final, quels changements pour les collectivités ?
Le Parlement a définitivement adopté, dans la nuit du 18 au 19 décembre, le projet de loi de finances pour 2008, après un ultime vote du Sénat sur le compromis élaboré la semaine dernière en commission mixte paritaire. Au terme d'un marathon de deux mois, ce budget de transition offre peu de marges de manoeuvre fiscales, notamment parce qu'il doit financer le coûteux "paquet fiscal" voté l'été dernier. Au nom du gouvernement, le secrétaire d'Etat André Santini a qualifié le texte de budget "sincère" qui "muscle la croissance" et "s'inscrit dans une dynamique vertueuse de modération de la dépense publique". "Le déficit budgétaire s'apprête à exploser (...). En réalité, ce budget annonce des impôts nouveaux. Certes, ils n'interviendront pas avant les municipales mais juste après", a dénoncé à l'inverse Jérôme Cahuzac (PS).
Si l'amplification sans précédent du crédit impôt recherche a été considérée comme la mesure phare du PLF, du point de vue des collectivités, on retiendra évidemment surtout la fin du "contrat de croissance et solidarité", qui a tant fait parler d'elle depuis les premières annonces de François Fillon en juillet... En notant que le Sénat est intervenu pour atténuer les effets les plus brutaux du dispositif initialement proposé, à savoir des baisses importantes, pour certaines collectivités, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de la compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non-bâties. Au final, l'effort demandé aux collectivités a été chiffré à 400 millions d'euros, selon la majorité. Les concours de l'Etat s'élèvent au total à 65 milliards d'euros.
Zoom sur ce nouveau "contrat" et sur une partie des autres dispositions relatives aux collectivités territoriales au sein des "ressources affectées".
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Le remplacement du "contrat de croissance et solidarité" par un "contrat de stabilité" entériné par la future loi de finances implique une révision, tant du périmètre de "l'enveloppe normée" que de son indexation. L'article 36 de la loi de finances (ancien article 12 du projet) indique ainsi : "En 2008, la dotation globale de fonctionnement, la dotation spéciale pour le logement des instituteurs, la dotation élu local, la dotation globale d'équipement, la dotation générale de décentralisation, la dotation générale de décentralisation pour la formation professionnelle, la dotation générale de décentralisation pour la Corse, la dotation départementale d'équipement des collèges, la dotation régionale d'équipement scolaire, la dotation de compensation de la suppression progressive de la part salaires de la taxe professionnelle versée aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, la dotation de compensation de la réduction de la fraction imposable des recettes de la taxe professionnelle, les dotations de compensation des exonérations des parts départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non-bâties afférentes aux terrains agricoles (hors Corse) et la dotation de compensation de la taxe professionnelle, y compris la réduction pour création d'établissements, forment un ensemble dont le montant est augmenté, de la loi de finances initiale de l'année précédente à la loi de finances initiale de l'année de versement, par application d'un indice égal au taux prévisionnel d'évolution des prix à la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de versement associé au projet de loi de finances de cette même année."
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On se souvient que l'article 11 quater du projet de loi de finances, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, prévoyait un taux réduit de la TVA pour les travaux de déneigement, applicable aux communes mais pas aux départements. Afin de stigmatiser la différence de traitement proposée entre communes et départements, les sénateurs avait rejeté cet article : la suppression est maintenue dans la version définitive.
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Concernant le produit des radars automatiques, autre sujet brûlant, l'article 16 du PLF est devenu l'article 40 de la loi de finances pour 2008, dans une version de compromis élaborée par la commission mixte paritaire. Le texte conserve l'idée sénatoriale de prendre en compte la longueur de la voirie appartenant à chaque collectivité territoriale et non le choix de l'Assemblée de se baser sur l'accidentologie propre à chaque département. Ainsi, le produit des amendes perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction sera affecté successivement : au compte d'affectation spéciale "Contrôle et sanction automatisés des infractions au Code de la route", dans la limite de 194 millions d'euros ; puis, comme auparavant, aux communes et groupements, en vue de financer des opérations destinées à améliorer les transports en commun et la circulation (articles L.2334-24, R.2334-10 à R.2334-12), dans la limite de 100 millions d'euros répartis par le Comité des finances locales ; enfin, de manière inédite, aux départements, à la collectivité territoriale de Corse et aux régions d'outre-mer, dans la limite de 30 millions d'euros, afin de financer des opérations contribuant à la sécurisation de leur réseau routier. Cette part sera répartie proportionnellement à la longueur de la voirie appartenant à chaque collectivité territoriale concernée et les investissements pouvant être financés par cette voie seront définis par décret. Une fois ces trois parts attribuées, le solde sera affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
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Au nombre des innovations figure également la création d'un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole et de leurs groupements ainsi que des départements de métropole et des régions de métropole afin de contribuer à la réparation des dégâts causés à leurs biens par des événements climatiques ou géologiques graves (article L.1613-6 du Code général des collectivités territoriales inséré par l'article 48 de la loi de finances pour 2008). Ce fonds est doté de 20 millions d'euros par an, ce montant évoluant chaque année, à compter de 2009, comme la dotation globale de fonctionnement.
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Les ressources locales seront accrues par l'extension de la taxe sur les imprimés papier. Cette taxe, prévue à l'article L.541-10-1 du Code de l'environnement, est versée aux collectivités territoriales au titre de participation aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination qu'elles supportent. En vertu de l'article 84 de la loi de finances pour 2008 et à compter du 1er juillet 2008, tout donneur d'ordre qui émettra ou fera émettre des imprimés papiers, y compris à titre gratuit, à destination des utilisateurs finaux, sera redevable de la contribution, étant entendu que sont exclus de l'assiette de la cotisation les publications de presse ainsi que les imprimés papiers "dont la mise sur le marché par une personne publique ou une personne privée, dans le cadre d'une mission de service public, résulte exclusivement d'une obligation découlant d'une loi ou d'un règlement" et les livres (définis comme "un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d'une oeuvre de l'esprit d'un ou plusieurs auteurs en vue de l'enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture").
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Enfin, concernant la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), le texte définitif retient l'idée du Sénat de limiter le mécanisme de garantie d'augmentation prévu à l'article L.2334-18-2 du CGCT. Pour les années 2008 et 2009, les communes éligibles percevront une dotation égale à l'année précédente, majorée de la prévision d'évolution des prix à la consommation hors tabac, soit, pour 2008, 1,6% au lieu des 5% prévu en l'état antérieur du droit.
Philippe Bluteau, avocat / Cabinet de Castelnau