Dépendance - L'Igas et l'IGF vont enquêter sur les excédents de la CNSA
La ministre de la Santé, le ministre du Travail et des Relations sociales et celui du Budget ont confié à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF) une mission d'enquête sur les excédents de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette mission - qui devra "tenter de comprendre l'origine de la sous-exécution des dépenses médico-sociales et les moyens d'y remédier" - répond à la fois à des considérations conjoncturelles et à des raisons de fond.
Sur le premier point, il s'agit d'abord de mettre un terme aux accusations récurrentes de "détournement" des excédents de la CNSA au profit des pouvoirs publics, en particulier pour financer les engagements de l'Etat dans les contrats de projets Etat-régions. Ces accusations - portées notamment par le GR31, collectif regroupant la plupart des gestionnaires d'établissements pour personnes âgées ou handicapées - ont encore été renouvelées lors du dernier conseil d'administration de la CNSA, le 31 mars. Les membres du GR31 ont d'ailleurs refusé, à cette occasion, de voter le budget modificatif pour 2009, rejoints en cela par les représentants de l'Assemblée des départements de France (voir notre article ci-contre "La fin de l'abondance pour la CNSA"). De son côté, le gouvernement rejette totalement cette accusation. Lors de sa conférence de presse consacrée à la présentation de la politique en faveur des personnes âgées et handicapées, le 31 mars, Valérie Létard - la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité - déclarait ainsi que "contrairement à ce qu'affirment certains, pas un euro des moyens affectés à la CNSA n'a été détourné de son objet. Ce n'est pas le gouvernement qui le dit, c'est la Cour des comptes". La mission de l'Igas et de l'IGF devrait donc permettre d'y voir plus clair.
Autre raison conjoncturelle : la possible - bien qu'incertaine - perspective de mise en place du cinquième risque de la protection sociale (voir notre article ci-contre "Dépendance : que reste-t-il du cinquième risque ?"). Dans cette hypothèse, la CNSA serait très vraisemblablement érigée en régime à part entière de protection sociale. Une telle transformation pourrait difficilement être envisagée sans une vision claire de la situation comptable et de l'origine des excédents.
La raison de fond se lit dans la lettre de mission adressée aux deux inspections générales. Celle-ci laisse en effet transparaître un certain agacement sur la sous-consommation des crédits de la CNSA, qui "entame la crédibilité" des différents plans de financement en faveur de la construction et de la modernisation des établissements pour personnes âgées et pour personnes handicapées. Pour la seule année 2008, le budget exécuté fait ainsi apparaître une sous-consommation de crédits de 560 millions d'euros. Cette somme ne représente certes qu'environ 3% du budget total de la CNSA, mais elle est néanmoins du plus mauvais effet. Les ressources de la Caisse destinées aux établissements sociaux et médico-sociaux proviennent en effet de l'assurance maladie, dans le cadre des objectifs de dépenses votés par la Parlement. Or la sous-consommation des crédits depuis la mise en place effective de la CNSA (en mai 2005) atteindrait un montant cumulé de l'ordre de 2 milliards d'euros, alors que le déficit de l'assurance maladie ne cesse de se creuser... Dans un premier temps, la Caisse et les pouvoirs publics se sont contentés de l'explication sur les décalages inévitables dans la programmation des opérations d'investissements. Les reports d'opérations expliqueraient ainsi la sous-consommation des crédits inscrits dans les budgets primitifs. Mais, face à l'ampleur des reports, cette explication n'est plus crédible. La lettre de mission indique donc très clairement à l'Igas et à l'IGF dans quelle direction chercher. C'est désormais la question de la crédibilité des projets présentés au financement de la CNSA qui est posée, le gouvernement se demandant même si ces excédents n'auraient pas conduit à utiliser "une ressource non pérenne à des engagements permanents de moyens de fonctionnement".
Les fédérations et organismes gestionnaires d'établissements auraient tort de se réjouir trop tôt de cette mission qui, dans un premier temps, semble pourtant donner raison à leurs demandes. La lettre de mission précise en effet que les conclusions de l'Igas et de l'IGF seront rendues publiques en juin, "en même temps que les travaux relatifs à la mise en place du cinquième risque afin d'en alimenter les réflexions". Ces dernières seront ensuite mises en oeuvre par le biais du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010. En d'autres termes, les investigations des deux inspections générales pourraient bien conduire à un réajustement des versements de l'assurance maladie à la CNSA ou à la réaffectation d'une partie de ces dotations à d'autres mesures prévues dans le cadre de la mise en place du cinquième risque.
Jean-Noël Escudié / PCA