Médicosocial - L'Igas et l'IGF confirment la crise de l'aide à domicile auprès des publics fragiles
Le gouvernement rend public le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les difficultés de l'aide à domicile auprès des publics fragiles. Intitulé "Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d'aide à domicile en direction des publics fragiles", ce rapport répond à la commande passée, en mai 2010, par les six ministres concernés.
Les rapporteurs, qui ont notamment mené des investigations dans huit départements, "confirment l'existence de difficultés dans le secteur de l'aide à domicile", conduisant à des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Ces difficultés sont toutefois de gravité variable. Certaines structures ont enregistré pour la première fois un résultat négatif en 2008, tandis que d'autres connaissent des résultats déficitaires depuis 2006-2007, avec un endettement croissant, des fonds propres négatifs et des difficultés de trésorerie.
Ces situations ont "des causes multiples" à expertiser au cas par cas, mais l'Igas et l'IGF dégagent néanmoins un certain nombre de "grands facteurs explicatifs" : niveau de tarification ne couvrant pas le coût de revient des services, baisse de l'activité alors que les charges se maintiennent, frais de personnels excessifs au regard de l'activité, nombre d'heures non productives trop important et fusion ou rachat hasardeux d'un autre service. Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans cette activité de main-d'œuvre (80 à 90% des frais de structure), les marges de manœuvre sont réduites, hors diminution des effectifs. Pour autant, la situation n'est pas totalement homogène. Les coûts de revient présentent ainsi de "grandes disparités", allant - selon les structures - de 13 à 26 euros de l'heure. Il est vrai toutefois que les services présentant les coûts les plus élevés sont généralement tournés presque exclusivement vers les personnes handicapées lourdement dépendantes. Le niveau de rémunération des personnels varie également en fonction du salaire minimum légal et de la convention collective applicables. Ces conventions, "si elles protègent les salariés, renchérissent les dépenses de personnel et introduisent un certain nombre de contraintes qui placent les services déjà fragiles en difficultés sérieuses".
Trois pistes possibles
Face à ces marges de manœuvre limitées, le rapport se focalise sur trois grandes pistes possibles, alternatives ou cumulatives. La première consisterait à revoir la procédure de tarification par les départements, aujourd'hui "très hétérogène [...], tant sur la mise en place de la tarification elle-même, que sur la procédure, le niveau de tarification, le traitement des services agréés, le reste à charge laissé au bénéficiaire et les modalités de paiement des prestations". La mission propose donc de passer d'une approche "statique" de la tarification - fondée sur la mise en évidence, par chaque service tarifé, de ses coûts d'exploitation - à une approche "dynamique" prenant en compte le projet d'établissement pour déterminer un tarif spécifique à partir des tarifs "standards". Le rapport propose également de distinguer deux tarifs : un tarif "aide à la personne" pour les prestations requérant des prestations spécifiques et un tarif "aide à l'environnement" opposable à tous les financeurs et dont on aimerait que la mission donne une définition un peu plus précise.
La seconde piste concerne la solvabilisation des besoins des personnes dépendantes. En pratique, cela consisterait à moduler le tarif de prise en charge en fonction du degré de dépendance. Pour les personnes les moins dépendantes, le rapport pousse à développer le recours au service mandataire, "notamment au sein des services prestataires autorisés, qui peuvent y trouver un relais d'activité". Ce développement des services mandataires suppose toutefois "une sécurisation juridique et une meilleure reconnaissance de la valeur ajoutée de ce mode d'intervention au travers de la tarification".
Enfin, le troisième axe concerne l'amélioration du contrôle d'effectivité, par les départements, de l'utilisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), qui doit "être conçu comme une partie intégrante d'un contrôle de la qualité de la prestation". La mission juge en effet ce contrôle encore insuffisant, malgré les améliorations apportées par certains départements grâce à la mise en œuvre de nouveaux outils (échanges de fichiers dématérialisés, Cesu préfinancé, télégestion...). La principale voie d'amélioration en la matière passe d'ailleurs par le développement de l'usage du Cesu préfinancé. Pour cela, le rapport estime que "la CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie] devrait soutenir cette démarche en contribuant au financement de la mise en place de ces outils par le biais des conventions qu'elle signe avec les conseils généraux comme elle le fait aujourd'hui, et en valorisant leur mise en place dans la dotation qu'elle leur verse".
Jean-Noël Escudié / PCA
L'ADMR 29 au bord du redressement judiciaire
C'est un exemple parmi d'autres, mais il est significatif des difficultés des services d'aide à domicile, qui mêlent difficultés structurelles et, parfois, faiblesses de gestion. L'association - tête de réseau de 93 associations locales qui interviennent auprès de 18.000 personnes âgées ou handicapées et de 2.300 familles du Finistère et emploient 3.700 salariés - a fait l'objet, en décembre, d'une procédure d'alerte (refus de certification des comptes en l'état), lancée par son commissaire aux comptes. Pour expliquer ses difficultés, elle fait valoir qu'elle perd 50 centimes d'euros sur chaque heure effectuée (20,45 euros de financement pour 21 euros de prix de revient). Elle demande donc au département un tarif à 22,06 euros. Mais, dans une interview au Télégramme de Brest du 22 janvier, Pierre Maille, le président du conseil général, oppose une fin de non-recevoir en indiquant que "ça ne fait pas partie de l'engagement pris, ni de nos principes" et en soulignant que d'autres associations "fonctionnent parfaitement autour de 20-21 euros". Face à une situation encore aggravée par la dissidence de certaines associations locales, il estime que "la meilleure solution est [...] le redressement judiciaire et la désignation d'un administrateur qui fasse le travail de reconstruction indispensable".