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Enfance - Les travailleurs sociaux dénoncent la "dérive gestionnaire" de l'aide sociale à l'enfance

L'Association nationale des assistants de service social (Anas) s'en prend vertement aux départements à propos de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Formulées dans un communiqué du 6 décembre, les critiques portent plus spécialement sur un aspect de l'ASE : la prise en charge financière de l'hébergement de familles se retrouvant sans solution de logement. L'association se fonde sur des éléments recueillis auprès des travailleurs sociaux de 25 départements. Selon elle, il en ressort que, dans la moitié de ces départements, "le droit n'est pas respecté, aux dépens des familles". L'Anas pointe différentes formes de ce non-respect du droit : omission volontaire d'une partie du cadre législatif, ajout de critères restrictifs à ceux prévus par les textes, diffusion d'une règle tacite et orale, organisation des services amenant chaque acteur à faire le choix du refus de l'aide... Pour l'association, "ces refus de soutien, donc de prévention, renforcent la précarité des familles, pouvant aller jusqu'à créer les conditions qui vont amener à proposer une mesure de protection".
L'Anas estime donc qu'il est "plus que jamais nécessaire de recentrer les départements sur leur responsabilité" car "leur pouvoir devient pour certains de la toute puissance" : "Les familles sont tellement fragiles que faire valoir leurs droits est impossible ; les associations sont pour beaucoup dépendantes financièrement du conseil général ; l'Etat et ses organismes de contrôle (Igas) n'ont pas les moyens d'une action permanente." L'Anas suggère donc une solution curieuse, mais originale : modifier la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance pour donner aux professionnels une fonction de "signalement d'aide sociale en danger" auprès de la défenseure des enfants (qui doit se fondre prochainement dans le défenseur des droits). L'association demande également à la direction générale de la cohésion sociale de prendre position sur la question. Ainsi que le souligne sa présidente, l'Anas a pris soin de ne nommer aucun département ayant fait l'objet de l'étude, tout en ajoutant : "Une position que nous pourrions revoir si besoin."

Un avis technique détaillé

Cette prise de position de l'Anas s'appuie sur un intéressant document d'une trentaine de pages, intitulé "Avis technique et préconisations concernant la prise en charge de frais d'hébergement par l'aide sociale à l'enfance". Celui-ci regroupe notamment les principaux enseignements de l'enquête réalisée auprès des travailleurs sociaux de 25 départements, ainsi que l'avis technique et les préconisations de l'Anas. Il consacre également un chapitre à un exemple de "dérive institutionnelle", dans lequel la non prise en charge, par le département, de l'hébergement en hôtel d'une famille de trois enfants finit par provoquer le signalement de cette famille par ce même département.
L'Anas a aussi sollicité l'avis juridique de deux experts, dont elle reproduit les conclusions : Pierre Verdier - considéré comme le "pape" de l'ASE, à travers son "Guide de l'aide sociale à l'enfance" maintes fois réédité - et Laurent Selles. Pierre Verdier rappelle ainsi que "l'hébergement de familles (qu'il soit d'urgence ou durable) n'est pas une prestation obligatoire d'aide sociale à l'enfance". En revanche, toute famille en difficulté ne disposant pas de ressources suffisantes - notamment pour se loger - doit bénéficier des "allocations mensuelles" prévues par l'article L.222-3 du Code de l'action sociale et des familles. De son côté, Laurent Selles s'attarde plus particulièrement sur les conditions légales permettant ou imposant la prise en charge partielle ou totale des frais d'hébergement et sur les motifs qui peuvent être invoqués afin de justifier le refus ou l'arrêt de la prise en charge. Il apporte aussi un éclairage intéressant sur l'impact, en matière d'hébergement des familles en difficulté, de la nationalité des parents et de leur statut au regard du droit au séjour.

 

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