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PLFSS 2011 - L'Assemblée ne veut pas des maisons de naissance et revient sur les allocations aux enfants de l'ASE

Lors des deux journées complètes qu'elle a consacré, les 19 et 20 octobre, à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011, la commission des affaires sociales de l'Assemblée  nationale a adopté de nombreux amendements, qui figureront donc dans le texte soumis à l'examen des députés. Deux d'entre eux méritent notamment d'être signalés, car ils correspondent à des dossiers sensibles pour les collectivités.
Le premier amendement supprime l'article 40 du PLFSS. Celui-ci prévoit la mise en place - à titre expérimental et dans le prolongement des propositions du plan "périnatalité 2005-2007" - de maisons de naissance, structures légères destinées à suivre et à procéder à l'accouchement de femmes présentant des grossesses physiologiques sans risques, sous la responsabilité exclusive de sages-femmes (voir notre article ci-contre du 18 octobre 2010). L'examen de cet article en commission a donné lieu à de longs et vifs échanges, dépassant les clivages politiques traditionnels. Ce sont en fait les députés médecins - de Jacqueline Fraysse (PCF) à Pierre Morange (UMP) - qui ont obtenu l'abrogation de cet article. Pour Guy Lefrand, médecin et député (UMP) de l'Eure, par exemple,  "ces 'maternités bobo' [sic] paraissent un ovni juridique et une aberration médicale. Elles sont d'une grande inutilité financière. Sur le plan scientifique, le rapport bénéfices-risques semble particulièrement défavorable". D'autres députés - toujours médecins - se sont dits prêts, si l'article était maintenu, à demander que ces maisons de naissance soient autorisées sous la réserve expresse qu'elles réalisent plus de 300 accouchements par an (allusion transparente au seuil d'activité opposé aux maternités des petits hôpitaux). Les tentatives de plaidoyer du rapporteur du PLFSS pour l'assurance maladie n'ont pas résisté à ce flot de critiques. Il reste maintenant à savoir si le gouvernement tentera de faire rétablir l'article 40 lors de la discussion du texte en séance plénière. Rien n'est moins sûr si l'on en juge par le soutien du bout des lèvres apporté à la mesure par Roselyne Bachelot-Narquin lors de l'audition des ministres par la commission des affaires sociales, le 13 octobre (voir notre article ci-contre du 21 octobre 2010). La ministre de la Santé avait en effet indiqué que "pour le moment, l'expérimentation ne concernera [...] qu'un faible pourcentage de naissances" (moins de 1%) et avait affirmé ne pas porter de jugement de valeur "sur cette demande qui émane de certaines femmes". Une solution de compromis pourrait donc consister à demander un approfondissement du dispositif et notamment davantage de précisions sur le contenu du décret qui doit donner le cadre précis de l'expérimentation.
Le second amendement concerne un sujet tout aussi sensible : la question du versement des allocations familiales aux foyers dont les enfants sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements et placés auprès d'une assistante maternelle ou d'un établissement pour l'enfance. De nombreux parlementaires contestent, dans une telle situation, le maintien - sur décision du juge des enfants - du versement des allocations correspondantes à la famille, alors que l'article L.521-2 du Code de la sécurité sociale prévoit la possibilité de les verser directement aux départements, puisqu'ils assurent la prise en charge et l'entretien du ou des enfants à la place des parents. Lors de l'audition du 13 octobre, Nadine Morano avait opposé une fin de non-recevoir à un éventuel amendement sur le sujet. La secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité faisait notamment valoir la difficulté juridique d'une mesure systématique, incompatible avec les statuts et la vocation des caisses d'allocations familiales. Mais la commission est néanmoins revenue à la charge sous une autre forme, avec un amendement d'Yves Bur, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général. Modifiant l'article L.521-2 du Code de la sécurité sociale, l'amendement prévoit que la part laissée à la famille pour les allocations d'un enfant pris en charge par l'ASE ne peut excéder 20% du total, ce qui limite de fait la marge de décision du juge des enfants. L'auteur de l'amendement reconnaît toutefois lui-même qu'il s'agit là d'un "amendement d'appel" et qu'il n'a donc pas nécessairement vocation à figurer dans le texte final du PLFSS. Mais il va servir de support pour rouvrir le débat sur ce sujet sensible pour les départements.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (examiné en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale les 19 et 20 octobre 2010).