Hébergement d'urgence - La prise en charge en CHRS des mères isolées avec enfants ne donnera pas lieu à compensation
La prise en charge financière des familles avec enfants accueillies dans les structures d'hébergement d'urgence - et notamment les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) - est une source ancienne et récurrente de contentieux entre l'Etat et les départements. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (loi Molle) s'est efforcée, dans son article 68, de clarifier les règles en la matière. Cet article, passé relativement inaperçu, modifie l'article L.222-5 du Code de l'action sociale et des familles (CASF), qui définit les publics pris en charge par les services d'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements. A l'élément de la liste "les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique", l'article 68 de la loi Molle a ajouté "notamment parce qu'elles sont sans domicile". Cet ajout anodin est lourd de conséquence puisqu'il transfère officiellement à l'ASE la prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées d'enfants de moins trois ans. Si cela était déjà le cas - à travers les hôtels maternels - pour les femmes enceintes et les mères isolées avec un nouveau-né, la situation était beaucoup moins claire pour les femmes isolées avec un enfant de moins de trois ans. Dans une question écrite, Raymonde Le Texier, sénatrice du Val d'Oise, estime que "cette manœuvre législative permet ainsi à l'Etat de procéder à un transfert de charge insidieux, au détriment des départements". Elle affirme également que "certains présidents de conseils généraux n'ont d'autre choix que de bloquer l'adoption de leur plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD)". Elle demande donc à l'Etat "d'exposer les mesures de compensation qu'il entend mettre en place pour remédier à ce transfert de charge".
Dans sa réponse, le secrétaire d'Etat au Logement confirme que l'article 68 de la loi Molle avait bien pour objet de clarifier un point faisant contentieux et qui était "source d'interprétations variables par les départements". Ainsi, certains conseils généraux "considéraient que ces femmes étaient en CHRS par défaut de logement et non par besoin d'un soutien matériel et psychologique. Ils estimaient que la situation de danger éducatif n'était pas le motif du placement et donc que celui-ci n'avait pas lieu d'être pris en charge par le conseil général au nom de la protection de l'enfance". Pour le secrétaire d'Etat, l'article 68 ne fait que mettre en pratique la compétence de droit commun des départements au titre de l'ASE. Ces derniers ont en effet pour mission d'"apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre" (article L.221-1 du CASF). De façon plus discutable, la réponse ministérielle évoque aussi l'article L.221-2 du même code, qui prévoit que les départements doivent "disposer de structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants", mais cet article vise à l'évidence les hôtels maternels et non pas les CHRS, qui ne sont pas les structures les plus adaptées pour des enfants de moins de trois ans. Conclusion du secrétaire d'Etat au Logement : le texte ne transférant pas de nouvelles compétences aux départements mais se contentant de préciser les modalités de mise en œuvre de compétences existantes, il n'y a pas lieu à compensation.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : question écrite numéro 09100 de Raymonde Le Texier, sénatrice du Val d'Oise, et réponse du secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme (JO Sénat du 9 septembre 2010).