Les TER, locomotives du transport ferroviaire, malgré un coût d'exploitation élevé
Le 7e bilan annuel de l’Autorité de régulation des transports (ART) relève que du fait d’investissements toujours en baisse de SNCF Réseau, le réseau ferré national continue de s’étioler. Ce qui n’empêche pas le transport de voyageurs de progresser, porté notamment par le dynamisme des TER, dont l’offre va croissant. Et ce, en dépit de coûts d’exploitation particulièrement élevés, dus selon l’ART à de mauvaises organisation et gestion de la SNCF. Le rapport pointe également des Transilien-RER à la peine, dont l’offre et le trafic régressent. Comme l’est également le fret ferroviaire, victime de la hausse des énergies et des mouvements sociaux.
L’Autorité de régulation des transports (ART) a publié le 1er mars son rapport intégral venant compléter "l’Essentiel du marché du transport ferroviaire de voyageurs et de fret en 2022", publié en décembre dernier, le tout constituant son 7e bilan annuel du marché français du transport ferroviaire.
Des investissements en baisse, un réseau qui s’étiole
Premier enseignement, le réseau ferré national continue de régresser et de vieillir : 600 kilomètres de voies ont été sortis d’exploitation depuis fin 2019 et l’âge du réseau n’a fait que se stabiliser, à 28,4 ans (22 ans pour le plus utilisé), un âge supérieur de 3 ans (2,5 ans) à l’objectif que s’est fixé SNCF Réseau. Un résultat logique, puisque l’ART constate que la baisse tendancielle des investissements ferroviaires de ce dernier, observée depuis 2015, se poursuit, pour atteindre -11% en 2022 en euros constants. Le taux atteint -56% pour la mise en conformité, et -10% pour le renouvellement et la performance du réseau. L’ART pointe de même que les investissements de modernisation du réseau restent également faibles, ce qui explique le retard de la France dans le déploiement de la commande centralisée du réseau (CCR) et le système européen de gestion du trafic (ERTMS).
Mais une part modale à la hausse, portée par le transport voyageurs…
Pour autant, l’ART souligne que le transport ferroviaire a dépassé en 2022 le "plafond historique" de part modale de 10%, avec une dynamique plus forte que les dynamiques des autres transports en commun. Un résultat issu de la hausse du transport voyageurs. Avec plus de 100 milliards de passagers.km transportés, la fréquentation atteint en effet un niveau record en France, supérieur de 3% par rapport à 2019. À l’inverse, le fret ferroviaire décroche de nouveau depuis le second semestre 2022, alors qu’il avait retrouvé en 2021 un trafic légèrement supérieur à celui de 2017. En cause, la hausse des coûts de l’énergie et les mouvements sociaux. L’ART relève que la part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises reste près de deux fois plus faible qu’en Allemagne.
… lui-même porté par les TER
Cette hausse du transport voyageurs est elle-même le fruit de la dynamique des services TER (+13%) et TGV (+5%), alors que les services Transilien-RER sont, eux, en recul (-11%). Confortant la théorie que l’offre crée la demande, on relèvera par ailleurs que si l’offre globale continue de croître (+9% de trains.km en 2022 par rapport à 2021, +2% par rapport à 2019), elle est seulement tirée par les services TER-Intercités, alors que les Transilien-RER sont là encore en recul (leurs offre et fréquentation restent en 2022 en dessous de leur niveau de 2019). Côté offre, l’ART relève encore que "l’ouverture à la concurrence a montré, dès 2022, de premiers effets d’induction de trafic et de baisse des prix". Un processus dans lequel les régions "confirment leur engagement progressif", à l’exception de la Bretagne, de l’Occitanie et du Centre-Val-de-Loire, où cette ouverture est repoussée au-delà de 2030.
L’ART constate que la fréquentation des TER a progressé pour la majorité des régions. Elle est portée par la fréquentation non-abonnés, qui dépasse dans toutes les régions celles de 2019, avec de fortes disparités toutefois (de +3% en Centre-Val-de-Loire à +43% en Occitanie). En revanche, 4 régions ont vu leur fréquentation abonnés baisser entre 2019 et 2022, singulièrement les régions connexes à l’Île-de-France (Normandie, Hauts-de-France, Centre – Val-de-Loire), "potentiellement affectées par une baisse durable de la mobilité pendulaire". Du fait d’une croissance de l’offre plus modérée, l’ART observe une augmentation des taux d’occupation dans 7 régions sur 11.
Ponctualité mise à mal
Le taux de ponctualité TER a lui diminué dans la plupart des régions (comme pour l’ensemble des services ferroviaires), pour revenir à son niveau de 2019. Des retards dont la responsabilité est partagée entre entreprises ferroviaires (14% découlent d’une défaillance du matériel roulant) et gestionnaires d’infrastructures. En dépit d’une hausse des suppressions de dernière minute (singulièrement marquée en Hauts-de-France, "dont les causes relèvent de l’organisation de l’entreprise ferroviaire exploitant le service", en Grand Est et en Paca), la plupart des régions ont vu un meilleur taux de réalisation de l’offre.
Le contribuable français met davantage la main à la poche
L’ART pointe encore le fait que le coût d’exploitation des TER reste plus élevé en France que dans les pays voisins. Si cela reste sans impact sur les prix payés par les usagers, "qui apparaissent assez comparables à ceux observés en Allemagne, Espagne et Italie", c’est uniquement parce que "les régions compensent ces coûts d’exploitation avec l’État via des concours publics nettement supérieurs à ceux observés dans les autres pays". L’ART juge sans ambages que ce caractère élevé des coûts "dépend en grande partie des modalités d’organisation et de gestion de l’entreprise ferroviaire qui exploite les services de transport de voyageurs". Elle note encore que la "mise en concurrence des contrats de services publics ferroviaires contribue d’ores et déjà, là où elle est mise en œuvre (Hauts-de-France, Pays de la Loire, Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur), à la baisse des coûts d’exploitation et, partant, à une baisse des concours publics et/ou à une amélioration de l’offre ferroviaire".
En dépit d’une hausse des recettes directes issues du trafic pour l’ensemble des régions (hors Centre – Val-de-Loire et Grand Est), et d’une baisse des charges d’exploitation par train.km de près de 25% (hors inflation), l’ART constate que les revenus de l’activité TER ont reculé (en valeur réelle), du fait d’une baisse de ces concours publics, dans la quasi-totalité des régions (hors Bretagne, Grand Est et Occitanie).