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Industrie - Les outils de la réindustrialisation au banc d'essai

Crédit impôt recherche, pôles de compétitivité, création de nouvelles activités... élus et entreprises s'interrogent sur l'efficacité des différents dispositifs destinés à relancer l'industrie en France, dont la situation est alarmante. De nombreuses attentes pèsent déjà sur la future Banque publique d'investissement .

Malgré un discours très volontaire sur l'industrie, les résultats tardent à venir. La situation s'est même aggravée ces derniers mois. D'après les données de l'Insee publiées le 20 septembre 2012, les commandes dans ce secteur sont en baisse de 1,1% en juillet 2012, après une baisse de 1% en juin. Sur les trois derniers mois, la baisse atteint 1,6%. Côté défaillances d'entreprises, les chiffres ne sont pas meilleurs. 157 entreprises de plus de 50 salariés ont ainsi fait l'objet d'une défaillance au deuxième trimestre 2012, soit 49,5% de plus qu'au printemps 2011. La chute des emplois est importante : 750.000 perdus en dix ans. Des chiffres que le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a mis en avant, le 19 septembre, à l'occasion des 30 ans du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), soulignant le rôle important que l'organisme joue en matière de sauvetage d'entreprises. En 2011, le Ciri est ainsi intervenu auprès de 68 entreprises, représentant 92.000 emplois. 35 de ces dossiers ont connu une issue positive, 31 sont en cours de négociation et deux dossiers seulement se sont soldés par un échec. "Le Ciri est une réussite car il correspond à un processus d'anticipation, a affirmé Arnaud Montebourg. Il a un bilan extraordinaire." Les nouveaux 22 commissaires au redressement productif, qui ont été mis en place durant l'été 2012 et qui remplacent les dix commissaires à la réindustrialisation créés sous Nicolas Sarkozy, se veulent la déclinaison du Ciri dans les territoires. "Ils vont donner la position du gouvernement dans ces procédures car un emploi gagné, un outil industriel sauvé, c'est une fierté, une force", a souligné le ministre.
Mais l'ensemble des dispositifs publics d'aide à la réindustrialisation sont-ils efficaces ? C'est le cas notamment du crédit impôt recherche (CIR). Créé en 1983 et réformé en 2008, il consiste en un crédit d'impôt sur les dépenses de recherche et développement. Le dispositif représente une dépense fiscale d'environ 5 milliards d'euros par an et bénéficie pour 65% à l'industrie. Si tout le monde s'accorde pour dire que la réforme engagée en 2008 pour le rendre plus efficace a été la bienvenue, des critiques sont émises quant à la cible atteinte. Il susciterait des "effets d'aubaine".

"Il faut être plus clair sur notre stratégie industrielle"

"Il y a un certain nombre d'effets d'aubaine pour les grands groupes qui ne font pas beaucoup de recherche, signale ainsi Maurice Vincent, sénateur-maire de Saint-Etienne, à Localtis. Il serait bon d'optimiser ces financements, et de faire en sorte que la totalité de ce qu'ils coûtent soit efficace !" De fait le dispositif fera l'objet d'une réforme, comme s'y est engagé l'Etat auprès des régions, le 12 septembre. Dans le même esprit, les aides à la réindustrialisation (ARI), mises en place en 2010 pour accompagner des projets de réindustrialisation présentant un potentiel de développement de l'activité et de l'emploi, devraient prochainement faire l'objet d'une réflexion, a récemment laissé entendre Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires et du Logement. 
Quant aux pôles de compétitivité, d'après la dernière évaluation réalisée en juillet 2012, leur bilan est plutôt positif. Le gouvernement s'est engagé à les poursuivre pour les trois prochaines années. Le dispositif, lancé en 2005, a coûté 6 milliards d'euros dont 3 milliards issus des fonds publics. Selon l'évaluation de 2012, les deux tiers des entreprises impliquées déclarent avoir créé des emplois et 84% en avoir maintenu du fait de leur adhésion aux pôles. 93 startups sont issues de projets R&S des pôles, soit 5% des créations d'entreprises innovantes en France. "Il faut laisser le temps au temps", estime Jean-Paul Alduy, président de Perpignan Métropole et premier vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), qui organisait une table-ronde sur le sujet le 19 septembre, dans le cadre de la Conférence des villes. "C'est une bonne stratégie pour soutenir les politiques territoriales. Mais il est vrai qu'on a souffert de la politique de 'stop and go' du gouvernement dans ce domaine, notamment dans le domaine des énergies renouvelables." Même remarque pour Pierre Mongin, président de la RATP, qui considère que les pôles "n'ont pas assez intégré une stratégie de l'Etat". "L'Etat doit définir des priorités par rapport aux différentes filières industrielles. Il faut être plus clair sur notre stratégie industrielle", a-t-il insisté lors de la Conférence des villes.

"Les emplois de demain sont dans les industries émergentes"

La création et le financement de nouvelles activités sont également au centre des préoccupations des élus en matière d'industrie. "Là où nous allons chercher les emplois de demain, ce sont dans les industries émergentes, considère Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris. La locomotive, ce qui va tirer la richesse de demain, c'est la centaine d'entreprises qui naissent aujourd'hui avec des emplois à haute qualification et difficilement délocalisables. La performance de l'euro public investi dans ces industries est largement supérieure à celle de l'euro investi pour sauvegarder des emplois dans des industries déclinantes."
Beaucoup d'espoirs sont placés dans la future Banque publique d'investissement. Cette banque, dont le projet de loi doit être présenté en octobre, devrait voir le jour d'ici la fin de l'année. Elle doit participer au financement et à l'accompagnement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aura une capacité d'intervention de plus de 30 milliards d'euros, en prêt et en capital. "On va avoir la consolidation de ressources existantes et un apport de nouvelles ressources pour financer de manière plus simple les PME, explique Maurice Vincent. Cela va permettre de mobiliser des ressources supplémentaires pour des projets qui auraient sinon du mal à se développer." Reste la question de la gouvernance de la banque, les régions souhaitant peser sur les choix stratégiques des entreprises sur les territoires. Or les métropoles veulent elles aussi avoir leur mot à dire. "Elles gèrent et distribuent des aides donc c'est logique qu'elles s'y intéressent mais il ne faut pas que cela devienne l'outil des régions. Les agglomérations ont elles aussi leur rôle et la banque aura aussi vocation à soutenir des projets nationaux", souligne Maurice Vincent.

 

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