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Développement économique - Les régions bientôt de vrais patrons ?

L'Etat et les régions ont signé, mercredi, un acte de confiance autour de quinze engagements qui conforte le rôle de chef de file des conseils régionaux en matière économique. Un peu tôt, toutefois, pour crier victoire : le nouvel acte de la décentralisation pourrait rétablir la clause de compétence générale au profit des régions... et des départements, qui n'entendent pas renoncer à leur rôle.

Le vieux désir des régions d'être les patrons du développement économique est-il en passe de se réaliser ? On pourrait le penser, à première vue. Sans attendre le nouvel acte de la décentralisation, l'Etat et la quasi-totalité des présidents de régions se sont retrouvés à l'Elysée, mercredi 12 septembre, pour signer un "acte de confiance" pour la croissance et l'emploi. Quinze engagements qui traduisent l'essentiel des revendications portées par les régions depuis la loi Raffarin de 2004 qui faisait d'elles le "chef de file" mais qu'elles considèrent comme une occasion manquée… Cette réunion "marque un tournant historique dans les relations entre l'Etat et les régions", s'est aussitôt félicitée l'ARF, dont les rapports avec l'ancien exécutif étaient plutôt houleux.
Les régions exerceront ainsi leurs nouvelles responsabilités économiques dans le cadre d'un schéma de développement économique et de l'innovation élaboré après une large concertation avec tous les acteurs. Elles ne partent pas de rien puisque ce schéma prendrait la suite des SRDE lancés en 2004 à titre expérimental pendant une période de cinq ans. L'expérience n'avait pas été officiellement reconduite, mais, à la demande de la Commission européenne, les régions avaient poursuivi l'exercice en élaborant des stratégies régionales d'innovation… Cette fois-ci, le tout s'inscrirait dans le cadre d'une stratégie nationale d'innovation élaborée entre l'Etat et les régions. L'acte ne précise pas en revanche si le schéma régional doit être "prescriptif" et donc s'imposer aux autres échelons de collectivités, comme elles le demandaient dans leurs propositions pour un nouvel acte de la décentralisation présentées au début du mois de juillet. Ce à quoi s'opposent les départements... Et c'est là une nuance de taille, d'autant que parmi les pistes de réformes du prochain acte de décentralisation, il pourrait être question de rendre aux départements et aux régions la clause de compétence générale (voir encadré ci-dessous).

Banque publique d'investissement

Le bras armé de cette politique sera la Banque publique d'investissement (BPI) dont le projet de loi sera présenté en octobre. Alors que le rapport de la mission de préfiguration de cette banque mettait les régions en retrait par rapport à leurs exigences, l'Elysée a tranché en leur faveur. Au niveau national, les régions seront membres du conseil d'administration de la banque. Elles présideront son comité national d'orientation. Au niveau régional, elles présideront là encore le comité d'orientation de la BPI en région. Elles créeront avec la banque des "plateformes communes d'accueil des entreprises" pour satisfaire leurs besoins de financements : prêts, garanties, fonds propres... Ce pourrait être l'aboutissement du guichet unique qui figurait déjà dans la logique des SRDE mais qui s'est perdu depuis dans le maquis des aides.
Au-delà, les régions aspirent à pouvoir véritablement peser sur les choix stratégiques des entreprises sur les territoires, un peu à la manière des länder qui ont la possibilité des prendre des parts. Sans aller jusque-là, les régions pourraient présider le comité d'engagement régional de la BPI pour les activités en fonds propres. Mais à une condition : qu'elles aient mutualisé des "moyens substantiels d'intervention".
Dans leur déclaration, les partenaires s'engagent également à poursuivre le financement des pôles de compétitivité pour les trois prochaines années "dans le cadre de responsabilités redéfinies", comme l'avait recommandé la Datar, dans un rapport de juin dernier. Promesse de François Hollande pendant la campagne, le crédit d'impôt recherche sera bel et bien renforcé au profit des PME innovantes.
Les partenaires s'engagent aussi à faire progresser de 10.000 le nombre d'entreprises exportatrices en trois ans. La déclaration ne fait pas mention des tout nouveaux guichets régionaux de l'export installés par le précédent gouvernement.

Gestion des fonds européens

Second volet de cet acte : l'emploi et la formation face à l'urgence du chômage. "Les régions verront leurs responsabilités renforcées en matière de formation des demandeurs d'emplois." Elles piloteront le service de l'orientation tout au long de la vie. Là encore, l'acte ne précise pas si leurs choix seront prescriptifs.
Les régions seront impliquées dans le dispositif des emplois d'avenir. Une fois la loi votée (les députés l'ont adoptée ce jeudi), elles signeront avec le Premier ministre une convention-cadre pour identifier des filières prioritaires et les formations adéquates. De même, début 2013, elles seront associées à la mise en œuvre des contrats de génération.
Enfin, François Hollande a accédé à la demande des régions de gérer elles-mêmes les fonds européens, comme le fait l'Alsace depuis près de dix ans… Ces fonds représentent une manne de 20 milliards pour la période actuelle (2007-2013), les montants de la future programmation, eux, ne sont pas encore arrêtés. Des expérimentations seront possibles dès 2013 dans les régions qui le souhaitent. "C'est là essentiel et c'est ce que nous souhaitions pour pouvoir participer comme chefs de file en matière économique à l'indispensable redressement du pays", s'est réjoui mercredi Martin Malvy, le président de la région Midi-Pyrénées.
Nulle part en revanche, l'acte ne fait allusion aux fameux doublons dénoncés de longue date par l'ARF qui réclame de vrais transferts de compétence de l'Etat aux régions. Mais les discussions se poursuivent. L'Etat et les régions ont d'ailleurs prévu de se retrouver chaque trimestre.

Michel Tendil

Acte 3 de la décentralisation : les départements et les régions de nouveau dotés de la clause de compétence générale ?

Ouvrant ce 13 septembre les débats des Assises des petites villes qui se tiennent pour deux jours à Castelnaudary dans l'Aude, la ministre déléguée chargée de la décentralisation a affirmée qu'elle n'était pas venue avec des réponses toutes faites, mais qu'elle souhaitait "écouter" les élus locaux.
"C'est un changement de méthode important avec ce qu'on a connu jusqu'à présent", a-t-elle souligné. Toutefois, le gouvernement semble avoir réuni plusieurs pistes de réformes pour le prochain acte de décentralisation. L'une d'entre elles consisterait à rendre aux départements et aux régions la clause de compétence générale que le législateur leur a ôtée en 2010 – seules les communes disposent aujourd'hui de la possibilité de mener des actions dans tous les domaines. Ce retour de la clause générale de compétence ne se fera pas, cependant, sans l'identification claire des principales compétences des différents niveaux de collectivités, a ajouté Anne-Marie Escoffier. La ministre a donné comme exemples les transports, la formation, ou encore l'économie, autant de compétences sur lesquelles les régions ont un rôle de premier plan. Elle a souligné que ces compétences continueront parfois à être exercées partiellement par les autres catégories de collectivités territoriales. "Sur la base de cette compétence générale", les collectivités auraient la possibilité de lancer localement des expérimentations sur des champs de compétences nouveaux, a encore déclaré la ministre. Ces expérimentations constituent pour le gouvernement un des moyens de répondre à l'enjeu de construction de politiques adaptées aux spécificités des territoires. Parmi les réponses à cet enjeu, le gouvernement veut également s'appuyer sur le principe de subsidiarité : il s'agit de trouver le meilleur niveau pour répondre aux besoins. L'attribution de pouvoirs normatifs aux régions "fait partie des domaines de réflexion" du gouvernement. Les autres solutions semblent cependant être privilégiées.

Thomas Beurey, Projets publics, à Castelnaudary