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Commande publique - "Les manipulations de marchés persistent de façon inquiétante"

Dans son rapport annuel 2008, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) propose, en complément de son "guide d'audit de la corruption" publié en 2007, une méthode d'investigation permettant de détecter des éléments de fraudes ou de corruption. Ce service, à composition interministérielle, est placé auprès du garde des Sceaux. L'une de ses missions essentielles est de rassembler les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêts ou d'atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics.

Quand l'efficacité prime sur la légalité...

Le SCPC dresse un tableau sans concession de la situation actuelle. Il évoque des systèmes de pouvoir et de gestion concentrés "dans les main d'un même homme (élu, décideur privé, haut fonctionnaire), élément central d'un réseau où l'efficacité prime souvent sur la légalité, où s'efface toute frontière entre sphères publique et privée". "Dans le domaine des marchés publics, les procédures ont été depuis une dizaine d'années, régulièrement allégées pour des raisons de prétendue efficacité : augmentation croissante des seuils de mise en concurrence, simplification administrative, alors que les comportements de manipulation des marchés persistent de façon inquiétante. La concentration des pouvoirs, mais aussi un allègement des délégations, favorisent les contournements de la règle, les arrangements, voire les tentatives de corruption, face à des opérateurs privés exerçant un indéniable pouvoir d'influence."

Rechercher des preuves, étape par étape 

La méthode d'investigation proposée dans le rapport doit permettre de réaliser les contrôles internes préalables à une éventuelle saisie de la justice. Il s'agit d'abord, non pas de mettre à jour telle infraction déterminée, mais de prendre conscience des failles que comporte son organisation. Première étape donc, une analyse approfondie des supports informatiques et comptables, avant de passer aux aspects plus techniques ou factuels. Le SCPC insiste sur la nécessité de donner la priorité à la dimension financière et technique et donc de minorer la place occupée par le "facteur humain" - c'est-à-dire les témoignages, dénonciations ou révélations - afin de rassembler de réelles preuves.
En cas de doute, ou lorsque le mécanisme de fraude semble particulièrement complexe, la mise en œuvre d'une procédure d'investigation interne peut s'imposer. Il faut alors analyser l'ensemble des contrats, les relations avec les fournisseurs et détecter les éventuelles sociétés-écrans. Cette approche doit permettre de "reconstituer les circuits financiers", c'est-à-dire l'origine de la surfacturation et la destination de l'argent de la corruption. Le rapport précise, face à chaque type de fraude suspectée (par exemple "détournement de paiement"), les points à vérifier.
Naturellement, la collecte d'éléments prouvant l'existence de montages frauduleux est loin d'être simple. Elle nécessite de mobiliser des compétences et des moyens qui ne peuvent être à la portée de toutes les collectivités. La méthode, très détaillée, présentée par le SCPC, a donc pour principale vertu de guider une collectivité qui suspecterait ce type de pratique.
 

L'Apasp et H.L.

 

Références : rapport annuel 2008 du Service central de prévention de la corruption; rapport annuel 2007, "guide d'audit de la corruption".