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Elections locales - Les députés commencent à retoucher le projet de loi Valls

La commission des lois de l'Assemblée a examiné ce 6 février les amendements au projet de loi organisant les élections locales. En réponse à l'inquiétude des élus ruraux, l'une des dispositions adoptées permet, de manière limitée, de prendre en compte la "répartition de la population" pour le redécoupage des cantons. Sur le volet intercommunal, une majorité de députés s'est prononcée pour l'application du scrutin de liste aux communes de 500 habitants et plus, contre un seuil de 1.000 initialement prévu.

Après le rejet par le Sénat de son projet de loi créant un nouveau mode de scrutin pour les élections des conseillers généraux - rebaptisés au passage conseillers départementaux - le gouvernement ne pouvait pas ignorer l'inquiétude des élus ruraux sur la représentation de leurs territoires au sein des assemblées départementales. Lors de son audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale (voir notre article du 31 janvier), le ministre de l'Intérieur avait affirmé que le gouvernement soutiendrait l'introduction dans le texte de critères tendant à tenir compte des réalités géographiques pour le redécoupage des cantons inhérent à la mise en place des futurs binômes hommes-femmes.
Cette plus grande souplesse donnée aux territoires ruraux se concrétise par un amendement du rapporteur (SRC), Pascal Popelin, que la commission des lois a adopté le 6 février. La population d'un canton ne sera "ni supérieure ni inférieure de plus de 20% à la population moyenne des cantons du département", comme le prévoit le projet de loi initial. Mais lorsqu'il élaborera les décrets modifiant les limites territoriales des cantons, le gouvernement pourra s'écarter de cette règle "pour des considérations géographiques, de répartition de la population sur le territoire, d'aménagement du territoire". Les exceptions devront cependant être "de portée limitée" et devront être "spécialement justifiées".

"C'est pratiquement de la boucherie"

Quelques instants auparavant, le rapporteur avait obtenu l'adoption d'un autres de ses amendements, fixant à 15 le nombre minimum de cantons dans les départements de plus de 500.000 habitants. Le même amendement prévoit que le nombre des conseillers départementaux sera toujours impair, ce qui permettra le maintien d'un canton supplémentaire dans 48 départements.
"Il faut trouver le bon équilibre, c'est l'objet de l'amendement du rapporteur", a souligné Christophe Borgel (SRC). "L'amendement permet de prendre en compte les spécificités évoquées sur tous les bancs", a pour sa part estimé Carlos Da Silva (également élu SRC).
Durant la réunion du 6 février, l'opposition a répété, comme lors de l'audition du ministre de l'Intérieur, le 30 janvier, que le texte représentait "une menace pour la représentation des territoires ruraux. "C'est pratiquement de la boucherie", a lancé Pierre Morel-A-L'Huissier (UMP), tandis que son collègue Eric Ciotti (UMP) a parlé d'"hécatombe des cantons ruraux". Relayant la position du président de son parti, Alain Tourret (radical) s'est également montré préoccupé. Avec le non-cumul des mandats, la mise en place de binômes dans les cantons et le redécoupage électoral "vont alimenter le vote en faveur du FN", a-t-il affirmé. Des élus du Nord se sont indignés d'informations communiquées récemment à la presse régionale par Michel Delebarre, rapporteur du projet de loi au Sénat, concernant le découpage des cantons dans leur département. Des précisions dont ils déduisent que tout est décidé avant même le vote de la représentation nationale.
A la pointe du mouvement d'opposition sur ce texte, François Sauvadet (UDI) a dénoncé une "vaste opération de tripatouillage électoral". L'argument repose non seulement sur le redécoupage de la carte des cantons, mais aussi sur l'abaissement prévu par le texte du seuil à partir duquel il est possible pour un candidat de se présenter au second tour de l'élection départementale (de 12,5% à 10% des voix). "On peut faire un découpage avec un seul esprit, l'esprit républicain", a répondu Christophe Borgel. Tandis que Carlos Da Silva a rappelé que l'objectif de la majorité est de "défendre la parité" dans des assemblées où, actuellement, seulement 13,5% des élus sont des femmes.

Moins d'élus municipaux

L'examen des amendements sur le volet du projet de loi concernant l'élection des délégués communautaires a donné lieu à l'adoption de plusieurs dispositions importantes. A commencer par l'abaissement à 500 habitants du seuil à partir duquel s'appliquera le scrutin de liste pour les municipales (et donc en même temps le "fléchage" pour l'élection des délégués intercommunaux). L'Assemblée des communautés de France (ADCF) voit donc l'une de ses revendications aboutir provisoirement (dans l'attente de l'examen en séance qui débutera le 18 février prochain). Bien qu'ayant rejeté le projet de loi, le Sénat était parvenu en première lecture, après une longue discussion, à se rallier au seuil de 1.000 habitants proposé par le gouvernement (voir notre article du 21 janvier). Présent au cours d'une partie des débats de la commission, le ministre de l'Intérieur s'est déclaré "ouvert" à un seuil abaissé à 500 habitants, constituant cependant la limite la plus basse selon lui. "Je crois qu'il faut garder le fait qu'on procède par étapes pour tenir compte de la vie de certaines de nos communes", a-t-il précisé.
Les députés ont, par ailleurs, adopté un amendement socialiste qui prévoit de réduire de deux le nombre des conseillers municipaux dans toutes les communes de moins de 3.500 habitants. Ils ont aussi rendu obligatoire le dépôt d'une déclaration de candidature à la préfecture ou à la sous-préfecture pour les élections municipales dans les communes de moins de 500 habitants (celles où subsistera le scrutin majoritaire plurinominal). La commission des lois du Sénat avait adopté cette disposition, qui ne demeure pas dans le texte examiné par l'Assemblée, puisque les sénateurs ont rejeté le texte.

Composition des conseils communautaires : délais moins serrés

En outre, la commission des lois a décidé que les élus municipaux qui siégeront dans les conseils communautaires seront appelés "conseillers intercommunaux". Ils ont aussi mis en place un système de suppléance lorsqu'un conseiller intercommunal démissionnera de ses fonctions.
On retiendra, par ailleurs, que les députés ont repoussé du 30 juin au 31 août 2013 la date butoir fixée aux communes pour définir un accord sur la composition du futur conseil communautaire. Du fait de la promulgation de la loi "Richard" qui assouplit les règles sur ce sujet, les élus disposaient de peu de temps pour boucler ce dossier.
Comme les sénateurs l'ont fait en première lecture, les députés ont décidé de supprimer l'écrêtement des indemnités des élus locaux cumulant plusieurs mandats. Alors qu'aujourd'hui la somme écrêtée peut être reversée à d'autres élus, après délibération de l'assemblée concernée, elle reviendrait, si l'amendement devait connaître un sort favorable, à la collectivité où la personne concernée a été élue le plus récemment.

Thomas Beurey / Projets publics

Ce qu'en dit l'AMF
La veille de cet examen en commission des lois, l'Association des maires de France avait fait connaître sa position sur ce volet communal et intercommunal du projet de loi. Demandant "l'obligation de dépôt des candidatures dans toutes les communes quelle que soit leur taille, dès le premier tour", elle s'est ainsi prononcée en faveur d'un seuil de 1.000 habitants pour le scrutin de liste et approuve la réduction du nombre de conseillers municipaux, en tout cas dans les communes de moins de 1.000 habitants. S'agissant du fléchage des futurs conseillers intercommunaux, l'AMF précise que dans les communes de plus de 1.000 habitants, ils serait souhaitable "que les électeurs se prononcent sur une seule liste sur laquelle figureront les candidats au conseil municipal et, parmi eux, ceux appelés à siéger au conseil communautaire.". Enfin, elle demande que dans les communes de moins de 1.000 habitants, "le maire soit prioritairement membre du conseil communautaire".
C.M.

 

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