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Congrès des maires - Modes de scrutin aux élections locales : le gouvernement avance prudemment

La question des modes de scrutin, en particulier celui qui sera utilisé pour l'élection en 2014 des délégués communautaires, a occupé une bonne partie du premier débat du Congrès des maires consacré à la nouvelle étape de la décentralisation. L'occasion pour le ministre de l'Intérieur, présent au rendez-vous, de faire le point et de dévoiler les pistes du gouvernement. Les prises de parole des maires ont révélé que l'élection pour l'intercommunalité restait un dossier très sensible.

Le ministre de l'Intérieur a entamé cette semaine une concertation avec les responsables des partis politiques et des associations d'élus locaux avant de déposer au début de l'année prochaine un projet de loi sur les modes de scrutin. Invité ce 20 novembre du premier débat du Congrès des maires consacré à "l'acte III de la décentralisation", Manuel Valls, a précisé les pistes qu'il envisageait, sans toutefois tenir les choses comme définitives, sachant que la concertation est en cours.
Alors que l'Assemblée nationale a abrogé ce 20 novembre 2012 le conseiller territorial (la proposition de loi votée par le Sénat fin 2011 dans une version légèrement différente fera l'objet d'une commission mixte paritaire), la question du mode d'élection des conseillers généraux et régionaux est posée. L'élection des deux types d'élus devrait avoir lieu le même jour en 2015. Mais "encore faut-il bien l'asseoir juridiquement", a précisé le ministre. "Il n'y a pas de raison pour changer le mode de scrutin des élections régionales", a indiqué Manuel Valls. Ce qui n'est pas le cas de l'élection des "conseillers départementaux" (sans doute l'appellation qui serait donnée à l'avenir aux actuels conseillers généraux) pour laquelle le gouvernement ne veut pas du "statu quo". Deux principes fixés par le président de la République servent de feuille de route à Manuel Valls : "l'ancrage territorial" de l'élu du département doit demeurer et des progrès doivent être faits en matière de parité. Le ministre de l'Intérieur a avancé deux pistes dans ce cadre-là : "Soit le scrutin de liste départemental, soit le scrutin binominal, c'est-à-dire la possibilité d'élire avec un seul bulletin une femme et un homme sur un canton." Cette dernière hypothèse, innovante, a la faveur du président du Sénat, a récemment indiqué la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu. Le ministre de l'Intérieur a rappelé que les cantons devront être redécoupés pour éviter des écarts de population trop importants entre eux. Sans vraiment dévoiler la manière dont sera effectué ce redécoupage, il a écarté deux hypothèses : un redécoupage basé sur l'arrondissement, parce que "celui-ci ne veut plus rien dire" et un redécoupage basé sur l'intercommunalité. Rappelant que la France a une "intercommunalité de projet", il ne faudrait pas que cela "mette à mal ce travail de projet", a-t-il estimé.

Election de l'intercommunalité : le gouvernement prudent

S'agissant de l'élection des délégués communautaires en mars 2014 (la même année que les élections européennes et sénatoriales), il a confirmé la volonté du gouvernement d'introduire un mode de scrutin similaire à celui en vigueur à Paris, Lyon et Marseille. En élisant leurs conseillers municipaux, les électeurs désigneraient, dans le cadre de la circonscription communale, leurs délégués au conseil communautaire. Ceux-ci seraient les premiers de chaque liste municipale. Ce "fléchage" présente deux avantages : "Clarifier, faire avancer le projet intercommunal et imposer la parité dans les exécutifs et les assemblées intercommunales." Le gouvernement n'est pas opposé à l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires des grandes agglomérations souhaitée par les maires de grandes villes. Mais cela relèvera d'une étape ultérieure. A titre personnel, la ministre de la Décentralisation avait récemment évoqué son souhait d'une élection de ce type en 2020 (lire notre article du 16 novembre 2012 ci-contre). Le ministre de l'Intérieur n'a pas été aussi précis.
Devant un parterre d'élus ruraux, il a plutôt joué la carte de la prudence. Rappelant que l'intercommunalité est "jeune" et soulignant que la France traverse une "crise de repères" et une "crise d'identité", il a estimé que le maire "reste le point de repère partout, que ce soit à Lyon, Evry, ou dans les petits villages". "Attention à ne pas défaire ce qui permet aux gens de vivre ensemble, à ce qui crée de la cohésion dans ce pays", a-t-il ajouté. Marylise Lebranchu a adopté la même attitude que son homologue. "Le maire gardera le permis de construire. C'est un engagement que j'ai pris devant le Premier ministre et le président de la République", a-t-elle indiqué. Une petite annonce qui n'est pas anodine, tant l'urbanisme est une compétence à laquelle les maires sont très attachés. La ministre a toutefois complété ses propos : "Mais ne faut-il pas parler du PLU intercommunal aujourd'hui ?" s'est-elle interrogée.
Ce discours était de circonstance. Même si, à la tribune, des maires de grandes villes ont réclamé l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires au moins dans les grandes agglomérations, des élus de petites communes ont, dans la salle, condamné ce type d'élection, qui signifierait la "mort" des communes. Une perspective qui amènerait les maires à n'être plus que des "animaux de foire", selon le maire de Boissy-sous-Saint-Yon, dans l'Essonne.

 

Scrutin de liste pour les communes de 1.000 habitants et plus ?

Si le principe du "fléchage" est arrêté, la manière dont les élus municipaux seront "fléchés" vers l'intercommunalité reste à définir précisément. "C'est un vrai sujet", a reconnu Manuel Valls. "On se voit évidemment avec les associations d'élus pour trouver le meilleur système pour que ce fléchage ne mette pas en cause le fonctionnement des intercommunalités", a-t-il indiqué. On peut se demander en particulier dans quelle mesure l'opposition sera représentée au sein des conseils communautaires. Le ministre n'a pas répondu sur ce point. Le fléchage sera mis en oeuvre dans les communes où s'applique le scrutin de liste. Le gouvernement prévoit d'abaisser celui-ci à 1.000 habitants. Mais le gouvernement "reste ouvert" sur ce seuil, qui est inférieur à ce que beaucoup préconisent. Le ministre de l'Intérieur le sait : le consensus n'existe pas sur cette question. En Ille-et-Vilaine et en Gironde par exemple, les maires sont majoritairement pour que le scrutin de liste soit mis en oeuvre pour les communes de 2.000 habitants et plus. "Ne politisons pas les petites communes", a lancé, dans la salle, Gérard César, sénateur-maire de Rauzan (Gironde). Salve d'applaudissements. "Entre la politisation d'un côté et le fait personnel de l'autre, il faut trouver le bon équilibre", a répondu Manuel Valls.
L'autre enjeu du fléchage réside dans le développement de la parité dans les conseils municipaux. Dans les communes de moins de 3.500 habitants, où le scrutin majoritaire s'applique actuellement, on ne compte que 32% de conseillères municipales. L'extension de l'application du scrutin de liste permettrait d'introduire la parité dans 3.700 conseils municipaux supplémentaires, selon l'Association des maires ruraux de France. 27.000 communes resteraient soumises aux règles du "panachage". "Il n'y a pas encore assez de femmes dans les conseils municipaux", a déploré Françoise Gatel, présidente de l’Association des maires d’Ille-et-Vilaine. Mais, dans l'auditorium du Parc des expositions de Paris, certaines femmes maires ont tenu un discours auquel on ne s'attendait pas : "Rien n'est plus blessant que cette condescendance, que l'on doive sans cesse nous considérer comme une espèce en voie d'extinction [...], nous faire en permanence l'aumône des quotas", a lancé la maire d'une petite commune. Avant de conclure : "S'il vous plaît, lâchez-nous avec la parité, pas de quotas dans nos communes, où il est déjà si compliqué de trouver des bénévoles."

"Mariages forcés"

Sur ce thème de l'intercommunalité, la question de la révision des périmètres en cours est revenue à plusieurs reprises, des maires déplorant que le préfet oblige leur commune à intégrer contre son gré une communauté de communes. Marylise Lebranchu a minimisé l'ampleur des difficultés rencontrées sur le terrain. "Il reste une petite dizaine de départements où il y a un ou deux cas à problème", a-t-elle dit. En ajoutant qu'elle plaidait, dans chacune des communes concernées, pour la poursuite de la concertation. "Nous restons très ouverts, nous faisons passer des messages clairs aux préfets pour terminer cette carte de l'intercommunalité, en tenant compte à la fois de l'avis de la commission départementale et de la particularité des cas qui nous sont soumis", a pour sa part affirmé Manuel Valls.
Plus généralement, ce débat sur l'acte III de la décentralisation a permis de vérifier que la création des conférences régionales des exécutifs était plutôt bien accueillie par les élus locaux. Ce lieu de concertation entre les représentants des collectivités territoriales sur la manière de répartir les compétences entre elles va permettre de "mieux prendre en compte la diversité des territoires", a par exemple souligné Michel Delebarre, président de l'Association des communautés urbaines de France. Il a été souligné à ce sujet le besoin de mieux coordonner les interventions des acteurs locaux, que ce soit les collectivités ou l'Etat déconcentré.
Les questions de l'ingénierie territoriale et du développement des territoires ruraux ont aussi été très présentes au cours des débats.

 

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