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Funéraire - Les cimetières s'adaptent à la montée de la crémation

Sans faire de bruit, une nouvelle norme sur les cimetières est entrée en vigueur le 1er janvier dernier dans les communes les plus importantes. Elle oblige celles-ci à disposer d'équipements permettant la conservation ou la dispersion des cendres des défunts ayant fait le choix de la crémation. La règle semble tout à fait comprise et bien perçue par les élus, malgré les dépenses nouvelles qu'elle génère.

La loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire fait obligation aux communes de 2.000 habitants et plus (c'est-à-dire les villes, au sens de l'Insee) de disposer d'au moins un site destiné au dépôt et à la dispersion des cendres des personnes décédées. Après une transition de quatre ans voulue par le législateur pour laisser aux communes le temps d'adapter leurs cimetières, la mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
En fait, beaucoup de cimetières comportent un espace cinéraire depuis de nombreuses années. Celui de la commune de Valleroy (2.489 habitants, Meurthe-et-Moselle) dispose ainsi, depuis 1998, d'un columbarium destiné à recueillir les urnes des défunts crématisés et d'un jardin du souvenir où sont dispersées les cendres funéraires. Depuis, face à une demande régulière, la municipalité a dû prévoir de nouvelles cases de columbarium, la dernière fois en 2012.
En revanche, Cinq-Mars-la-Pile, petite cité d'Indre-et-Loire (3.175 habitants) n'a aménagé qu'en 2011 son cimetière pour y ajouter un columbarium de 12 cases et un jardin du souvenir. "La municipalité réfléchissait à un tel aménagement depuis déjà quelques années. Nous recevions de plus en plus de demandes de la part des familles", déclarent les services de la mairie. Ils expliquent aussi que les élus ont souhaité "prendre les devants" par rapport à la "date butoir" imposée par la loi.

La loi a chassé les doutes

Avant celle-ci, l'absence d'un véritable statut pour les cendres des défunts, le fait que des familles conservaient souvent les urnes à leur domicile, ainsi que le développement de sites cinéraires aux abords des crématoriums... tout cela a pu conduire certains élus à ne pas aménager de site cinéraire dont le coût, sans être insupportable, ne pouvait pas passer inaperçu dans le budget communal, surtout pour une petite commune. Telle est l'analyse que font les responsables de la société Granimond, spécialisée depuis 1989 dans la création d'espaces cinéraires. "Il y a dix ans, on pouvait rencontrer des réticences pour l'aménagement d'un jardin du souvenir", confirme Joseph Le Lamer, président de la fédération française de crémation. Il constate aujourd'hui que les comportements ont évolué.
La loi a en effet balayé un certain nombre d'incertitudes. D'une part, elle a conféré un statut juridique aux cendres des défunts. Qualifiées de "restes mortels", elles sont totalement assimilées à la dépouille du défunt, ce qui n'était pas le cas auparavant. D'autre part, la loi a encadré la destination des cendres en prévoyant que celles-ci sont déposées ou dispersées dans le cimetière, ou encore dispersées "en pleine nature, sauf sur les voies publiques". L'obligation pour les villes – ou les intercommunalités compétentes dans le domaine des cimetières - de disposer d'un site cinéraire s'ajoute à ces règles fondamentales.
Avec de tels principes, "l'évolution pérenne de la crémation a été admise définitivement", concluent les responsables de la société Granimond. La loi a donc entériné la progression fulgurante, au cours des dernières années, de la crémation comme mode de sépulture. Alors que celle-ci ne représentait que 0,4% des décès en 1979, elle a concerné plus de 32% des défunts en 2011 (avec des chiffres bien supérieurs dans les grandes villes). Et le phénomène devrait s'amplifier. La lecture de certains sondages portant sur les intentions des Français concernant leurs obsèques permet en effet de penser que la crémation fera jeu égal avec l'inhumation à partir de 2030.

Une norme d'une grande souplesse

Les élus locaux n'ignorent pas une telle évolution et sont sensibles à la satisfaction des demandes de leurs administrés, y compris celles qui sont nouvelles. Au moment de la discussion parlementaire de la proposition de loi "Sueur", le bureau de l'Association des maires de France (AMF) n'avait pas refusé la définition d'une norme de nature législative, à condition qu'elle ne s'applique qu'aux communes de 2.000 habitants et plus. Les députés avaient retenu ce chiffre, alors que les sénateurs avaient fixé plus haut le seuil (10.000 habitants et plus avec toutefois un délai de mise en conformité limité à deux ans).
C'est que, telles qu'elles sont prévues, les règles ont un impact financier limité. "La législation n'impose pas de prescriptions techniques précises", soulignent les services de l'AMF. "Les élus locaux ont une entière liberté sur le choix des solutions, qui peuvent être mises en œuvre de manière tout à fait simple et donc à un coût maîtrisé", précisent-ils. Cela explique, d'ailleurs, que même des communes de moins de 2.000 habitants aient été nombreuses à doter leur cimetière d'équipements cinéraires, en l'absence de toute obligation légale.
Connaissant les contraintes financières des communes clientes, certaines entreprises de marbrerie funéraire ont quand même fait du prix leur argument de vente numéro 1. L'une d'elles propose aux communes un "kit" avec ses notices de montage. Il comprend : un columbarium de six cases et son livre du souvenir, un jardin du souvenir avec une stèle gravée, ainsi qu'un banc. Ces éléments en granit massif sont livrés, mais non posés, pour le prix de 3.996 euros hors taxes. Ce "prix imbattable" est "adapté aux tout petits budgets", affirme la société.

Réfléchir à son projet

Bien d'autres propositions commerciales existent. Quoi qu'il en soit, avant de faire leur marché, les élus ont intérêt à connaître les avantages et les inconvénients des solutions techniques. Si le columbarium est devenu un équipement très répandu, c'est qu'il permet un gain de place dans les cimetières, déclare-t-on chez Granimond. C'est également une solution avantageuse pour les familles. D'une part, son coût est modéré (pour une concession d'une durée de 30 ans, il faut prévoir entre 200 et 1.000 euros). D'autre part, l'entretien de l'équipement est assuré par la mairie, ce qui ôte un souci aux familles, surtout lorsqu'elles ne résident pas à proximité. Quant aux espaces concédés pour l'inhumation des urnes (appelés aussi "cavurnes"), ils donnent la possibilité aux familles de créer leur propre monument. Le coût de sa création leur incombera, de même que celui de l'entretien, fait remarquer le spécialiste des équipements cinéraires. Dans ce cas, la commune n'aura donc pas de frais à supporter.
Lors de la réalisation d'un investissement, une attitude pragmatique sera sans doute la meilleure, comme le suggère Joseph Le Lamer. "Il ne s'agit pas de réaliser des équipements monumentaux. La commune peut, dans un premier temps, prévoir six cases de columbarium. Puis, en fonction de la demande, elle pourra procéder par la suite à l'acquisition de nouvelles cases". Un choix qui paraît sensé, quand on sait que les familles choisissent majoritairement de déposer les urnes dans les caveaux de familles. Il faut aussi savoir que les cas de dispersion de cendres sont encore plutôt rares. Par exemple, la commune de Valleroy en signale "un ou deux par an" dans son cimetière.
Pour maîtriser les coûts inhérents à la création de sites cinéraires, la solution peut être encore de faire appel à l'intercommunalité. A l'instar de la communauté de communes du pays de Hanau (Bas-Rhin), qui après être devenue compétente pour les équipements cinéraires des cimetières municipaux, a passé un appel d'offres, en 2006. Depuis, tous les cimetières, y compris ceux des plus petites communes, disposent d'un espace cinéraire. L'achat mutualisé a permis de réduire les coûts, selon le président Bernard Brumbter. Les communes demeurent chargées de la gestion des concessions.

 

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