Dépendance - Les CCAS en quête de solutions pour l'aide à domicile
"Touche pas à mon CCAS !" Du haut de sa tribune, Patrick Kanner a tenu à épingler ce badge, mercredi 8 février à Montpellier. Le président de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (Unccas) visait ainsi la proposition de loi du sénateur Eric Doligé, qui supprimerait l'obligation faite aux communes de disposer d'un CCAS (voir notre article d'août 2011). En réalité, cette journée de l'Unccas était consacrée à un autre sujet : la crise de l'aide à domicile. Mais le slogan de Patrick Kanner peut tout aussi bien s'appliquer en la matière…
Son organisation vient de le montrer par une enquête, menée en septembre et octobre, auprès de 245 centres communaux ou intercommunaux - sur un total de 1.717 gestionnaires de services d'aide à domicile. Certes, en 2010, les adhérents de l'Unccas ont encore pu assurer 30,4 millions d'heures à domicile, auprès de quelque 204.000 bénéficiaires. Mais cette activité est en baisse depuis 2008 pour 48% des répondants à l'enquête. En cause, notamment, la baisse des volumes d'heures prévus dans les plans d'aide que les conseils généraux établissent pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il est vrai que les départements subissent toujours de lourdes difficultés financières : une quinzaine seraient sur le point de "remettre les clés" à leurs préfets, selon les termes d'André Vezinhet, le président du conseil général de l'Hérault, en introduction à la journée…
Faute d'être convenablement financés, 51% des services d'aide à domicile auscultés par l'Unccas ont connu un déficit entre 2008 et 2010. Les plus grosses organisations ont été plus fréquemment touchées, notamment après la suppression, en 2011, d'une partie des exonérations de charges instituées en 2005. L'une des dispositions de la loi de finances pour 2012 est certes censée leur donner un peu d'air : elle octroie 50 millions d'euros à l'ensemble des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Une circulaire a récemment détaillé le dispositif (voir notre article du 20 janvier) et un arrêté du 26 janvier 2012 vient d'en préciser les modalités de distribution par l'intermédiaire des directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS). Sa répartition géographique a elle-même été définie en fonction de la situation financière des habitants et de la part des plus de 75 ans : "Le Nord-Pas-de-Calais aura 900.000 euros, le Languedoc-Roussillon 2,8 millions, et Midi-Pyrénées 4,7 millions", a donné pour exemple Patrick Kanner, par ailleurs président du conseil général du Nord. S'il salue globalement cette "avancée", il s'interroge sur ces critères de répartition et juge que ce fonds "ne répondra pas aux questions structurelles".
Tarifications horaires et forfaitaires
Une partie des répondants à l'enquête de l'Unccas identifient eux-mêmes une raison de fond à leurs difficultés : le mode de tarification, qui est actuellement horaire. Certes, 56% des services s'en disent satisfaits. Mais 38% le rejettent, principalement au motif que cette "tarification ne prend pas en compte les coûts réels du service", comme le précise l'enquête. De fait, "le paiement à l'heure ne couvre pas forcément les tâches de formation des personnels ou d'organisation", souligne Hélène-Sophie Mesnage, adjointe au délégué général de l'Unccas.
Avec l'Assemblée des départements de France (ADF), seize fédérations du secteur se sont donc lancées dans cette expérimentation en septembre dernier : tester, dans plusieurs départements, une tarification forfaitaire, et pluriannuelle, qui permettrait de parer aux variations de volumes horaires (voir notre article du 22 septembre). Anne-Paule Roposte, directrice de l'autonomie au CCAS de Besançon, a rendu compte de l'initiative dans le Doubs : "Le forfait apporte de la lisibilité au département, qui est sûr de sa dépense pour les prochaines années. Et il sécurise dans le même temps les recettes de l'opérateur." Et pour l'usager ? "Il sait ce qu'il paye à la fin du mois, et peut compter sur une souplesse de notre part : si 25 heures sont prévues, par exemple, nous pouvons en rajouter 10% si nécessaire."
Adjoint à la directrice générale à la Cohésion sociale, Philippe Didier-Courbin a jugé cette expérimentation "intéressante". Pour autant, l'Etat souhaite également tester de nouvelles règles de tarification horaire, qu'ont recommandées l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), ainsi que la députée Bérengère Poletti (voir notre article du 11 janvier). Un cahier des charges est actuellement en préparation pour mener ces deux types d'expérimentations. D'après Philippe Didier-Courbin, il pourrait être soumis dès mars à la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), avant d'être présenté par arrêté. Cependant il prévient : "Ces expérimentations nous serviront de laboratoires d'idées et de propositions, mais de nouvelles évolutions législatives seront sans doute nécessaires." Il reviendrait donc à la prochaine Assemblée nationale de se prononcer sur cette tarification de l'aide à domicile… A moins que celle-ci ne préfère enfin, comme l'espère l'Unccas, exhumer un débat plus large : comment financer la dépendance ?