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Social - Aide à domicile : le rapport Poletti propose de refonder la tarification

Bérengère Poletti a remis le 10 janvier à Roselyne Bachelot-Narquin son rapport relatif aux difficultés financières et à la tarification de l'aide à domicile. Face à la crise structurelle du secteur et au-delà des mesures d'urgence déjà prises, elle propose notamment le transfert aux ARS de la procédure d'agrément, de nouvelles pratiques de mutualisation et une meilleure articulation entre les plans d'accompagnement et les plans d'aide de l'APA. Si le rapport se prononce pour le maintien de la tarification horaire, il préconise néanmoins un nouveau mode de négociation tarifaire avec le département.

Bérengère Poletti, députée des Ardennes, a remis le 10 janvier à Roselyne Bachelot-Narquin son rapport relatif "aux difficultés financières de l'aide à domicile et aux modalités de tarification et d'allocation de ressources des services d'aide à domicile pour publics fragiles". Très argumenté, le rapport confirme que les services d'aide à domicile sont confrontés à "de réelles difficultés financières". Celles-ci se traduisent notamment par une diminution des réserves des organismes d'aide à domicile du fait de l'imputation de leurs déficits successifs.

Des réserves qui s'épuisent

Sur l'échantillon de 365 services et de 3 fédérations regroupant 147 services, la crise de l'aide à domicile aurait ainsi eu pour conséquence, entre 2008 et 2010, une dégradation de la trésorerie des organismes concernés à hauteur de 45,7 millions d'euros pour la trésorerie et de 57 millions pour les fonds propres. Toujours sur l'échantillon, les reports à nouveau déficitaires atteignent 50 millions d'euros en 2010, même si cette année marque une légère amélioration. Le rapport ne fournit malheureusement pas le total des chiffres d'affaires correspondants, ce qui permettrait de calculer les ratios. En revanche, le rapport met en évidence le fait que la crise concerne tous les types de structures : agréées ou autorisées, anciennes et récentes, urbaines et rurales... Bérengère Poletti en tire la conclusion que "les difficultés semblent réparties de façon relativement homogène sur l'ensemble du territoire, ce qui atteste d'un malaise plus profond qu'une simple politique menée par un département moins généreux qu'un autre".
Reprenant les conclusions du rapport des Inspections générales des affaires sociales et des finances (Igas et IGF), le rapport observe que cette crise a certes des causes conjoncturelles, mais aussi structurelles. Plus précisément, les difficultés conjoncturelles - à commencer par la contraction des financements publics - ont mis en relief les faiblesses structurelles de l'aide à domicile auprès des publics fragiles : organisation des services trop rigide, incapacité des financeurs à réguler le dispositif et à améliorer l'efficience des opérateurs, gestion parfois défaillante, règles de tarification appliquées de façon très variable d'un département à l'autre...
Face à ce constat d'une réelle crise de l'aide à domicile, la première réponse a été la mise en oeuvre de mesures d'urgence, en l'occurrence celles adoptées dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Sur ce point, le rapport donne quitus aux trois mesures mises en oeuvre : mise en place d'un fonds exceptionnel de restructuration pour les services les plus en difficulté, rétablissement de l'exonération des cotisations employeurs pour les services d'aide à domicile intervenant auprès des publics fragiles et ouverture d'une possibilité d'expérimentations tarifaires. Bérengère Poletti se garde toutefois de prendre parti dans la polémique sur le décompte de cette aide, les associations dénonçant un fonds d'aide à 25 millions d'euros en 2012, quand le gouvernement arrive à 50 millions en ajoutant l'impact financier du rétablissement de l'exonération pour certains services.

Repenser la gouvernance et améliorer l'efficience

Quel qu'en soit le montant réel, ces mesures d'urgence ne peuvent régler le problème de fond. Le rapport appelle donc à repenser le modèle de tarification de l'aide à domicile, afin d'aboutir à "une allocation des moyens plus efficiente". Mais Bérengère Poletti montre bien que la question de la tarification n'est que la partie émergée de l'iceberg. La traiter suppose de s'attaquer aussi à "un problème de gouvernance et une instabilité de l'offre qui nuisent à un pilotage efficient des services et des prestations rendues autour du bénéficiaire". Pour sortir de cette situation, le rapport formule plusieurs propositions susceptibles d'améliorer l'efficience du secteur.
Parmi celles-ci figurent notamment le transfert aux agences régionales de santé (ARS) de la procédure d'agrément et l'élaboration par le ministère d'un cahier des charges pour les services autorisés. Pour Bérengère Poletti, une telle mesure aurait l'avantage d'intégrer "du même coup l'ensemble des modes de prise en charge en filière, du maintien à domicile, en passant par les établissements d'hébergement, jusqu'aux dispositifs sanitaires".
D'autres mesures visent le bilan et la diffusion de pratiques innovantes, le développement de modalités nouvelles de coordination et de mutualisation entre services, l'élaboration d'un "guide des bonnes pratiques organisationnelles", le développement de plates-formes de services et d'outils communs à tous les organismes ou encore la mise en place d'un intéressement financier pour pousser à l'intégration dans les réseaux de services d'aide à domicile. Bérengère Poletti propose aussi de rendre obligatoire l'élaboration et la mise en oeuvre du projet de service de chaque structure, au demeurant déjà prévu par l'article L.311-8 du Code de l'action sociale et des familles.
Enfin, deux mesures relatives à la gouvernance visent plus particulièrement les départements. La première consisterait à proposer aux départements - par exemple sous la forme de fiches de liaison - des outils "permettant de mieux articuler la mise en oeuvre des plans d'accompagnement élaborés par les services et des plans d'aide de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) formalisés par les équipes médicosociales". Dans le même esprit, le rapport propose de confier à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) une étude sur l'évaluation conjointe des plans d'accompagnement établis par les services d'aide à domicile et des plans d'aide élaborés par les départements au titre de l'APA.

La tarification horaire sauve sa tête

Mais le noeud gordien reste, bien sûr, la question de la tarification. Sur ce point, le rapport est prudent tout en traçant des pistes très précises. De façon logique, Bérengère Poletti estime en effet nécessaire de mener un certain nombre d'études préalables, en réalisant notamment une mise à plat complète des coûts au regard des prestations de service assurées, afin d'identifier les variables explicatives. De même, la CNSA devrait élaborer - à partir de cette étude - un référentiel national de suivi des coûts et de l'activité des services.
Avant d'aborder l'aspect financier, le rapport s'attache aussi au cadre de la tarification. Il propose ainsi de systématiser la contractualisation annuelle entre les départements et les services d'aide à domicile, sur le modèle des COG ou des COM de l'Etat. De même, il serait judicieux de favoriser le conventionnement entre les départements et les services relevant de la procédure d'agrément, en prévoyant la possibilité de fixer par voie conventionnelle un tarif de responsabilité que la structure s'engage à rendre opposable aux usagers du service. S'ajoute à cet environnement de la tarification l'élaboration d'indicateurs de qualité et d'efficience, permettant d'assurer le suivi des conventions de financement pluriannuelles.
Sur la tarification proprement dite, on retiendra tout d'abord que le rapport préconise le maintien de la tarification horaire, qui a au moins le mérite d'exister et d'être en phase avec la valorisation horaire des plans d'aide de l'APA ou les aides des caisses de retraite. Exit donc la globalisation des budgets ou les formules forfaitaires, au profit de ce qui demeure "la référence incontournable" de la tarification.

Panier de prestations et tarifs de référence

Ce choix n'empêche pas Bérengère Poletti de proposer plusieurs mesures innovantes. Au lieu de la formule actuelle fondée sur la discussion annuelle entre le département et le service sur l'acceptation par le financeur des charges historiques de la structure, elle suggère de "renverser la procédure en évaluant, en fonction des prestations rendues et selon les besoins des personnes accompagnées, dans un cadre contractuel le montant de la dotation dont le service a besoin pour remplir ses missions". Le rapport relève d'ailleurs que le rapport de l'Igas et de l'IGF, mais aussi les réflexions menées par l'Association des départements de France (ADF) et les représentants des fédérations, "cherchent à entrer dans cette dynamique".
Pour "cadrer" cette nouvelle approche, le rapport propose d'associer cette négociation tarifaire à un panier-type de prestations de base, associé à un tarif de référence national (se présentant sous la forme d'une fourchette, pour tenir compte des différences géographiques et sociodémographiques). Ces outils serviraient de base à la fois à la détermination des tarifs des services d'aide à domicile et à la valorisation des plans d'aide de l'APA (pour la composante concernant les aides humaines), mais aussi - de façon logique - au calcul du ticket modérateur restant à la charge du bénéficiaire.
S'inspirant de la philosophie des "missions d'intérêt général" pour la tarification des hôpitaux publics, Bérengère Poletti propose de compléter les "prix de base" ainsi obtenus par des augmentations de dotation contractualisées entre les départements et les services concernés. Ces majorations permettraient notamment de prendre en compte les "situations de fragilités particulières" (sociales, géographiques...) et de compenser les "missions complexes".

Et maintenant ?

Le rapport a donc le grand mérite de proposer une vision structurée et argumentée de ce que pourrait être une refonte en profondeur de la tarification de l'aide à domicile, assortie d'une amélioration significative de sa gouvernance et de son efficience. Il présente néanmoins un point faible de taille : l'absence quasi totale de chiffrage, même si le raisonnement est supposément conduit à enveloppe plus ou moins constante. Seules quelques mesures, souvent très ponctuelles, font l'objet d'une estimation budgétaire.
Autre point d'interrogation : la réaction des pouvoirs publics face à ces propositions, toutes les mesures importantes passant nécessairement par des dispositions législatives ou réglementaires. Dans son communiqué du 10 janvier, Roselyne Bachelot-Narquin "salue l’engagement de Bérengère Poletti en faveur de nos concitoyens les plus fragiles et la remercie pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions". En français courant - et même si certaines dispositions pourraient être mises rapidement à l'étude -, il convient de comprendre que les mesures concrètes risquent fort d'attendre l'après-présidentielle...

 

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