Congrès des maires - Les bonnes résolutions
Au final, il semblerait que sur beaucoup de sujets, les représentants des maires et l'exécutif national soient plutôt sur la même longueur d'ondes, tout au moins sur le papier ou dans les discours. En tout cas, les vingt propositions que l'Association des maires de France a consignées dans sa "résolution générale" adoptée au terme de son congrès ont déjà trouvé des débuts de réponse tant dans l'allocution du président de la République du 20 novembre (voir notre article du 20 novembre) que dans les propos des nombreux ministres venus s'exprimer durant les trois jours de ce grand rendez-vous annuel. Ainsi, les termes de "partenariat" Etat-collectivités et de "pacte de confiance" se retrouvent des deux côtés. De même, tous mettent en avant le rôle important que devra jouer le futur Haut Conseil des territoires.
L'intervention, ce jeudi 22 novembre, de la ministre Marylise Lebranchu, chargée de clore ce congrès, a confirmé ces convergences. Une intervention qui donnait une nouvelle occasion au gouvernement de rappeler les principes qui dicteront la future loi de la décentralisation... mais qui n'a en revanche guère apporté d'éléments nouveaux. Sauf une précision de calendrier : "Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres dès le mois de février, pour une adoption avant l'été prochain" par le Parlement, a déclaré Marylise Lebranchu, alors que le texte devait initialement être examiné en Conseil des ministres en novembre avant d'être décalé "au tout début de l'année 2013". "J'entends les impatiences, mais j'assume le temps de la concertation, voire de la négociation", a affirmé la ministre pour justifier ce nouveau petit report.
Premier grand principe ayant dicté la "base d'écriture" du futur projet de loi : parce que "les territoires sont divers", "la loi reconnaîtra cette diversité et la capacité des territoires à s'organiser", ce qui constituera "un élément de simplification". Une organisation qui sera à définir, on le sait, dans le cadre des Conférences territoriales de l'action publique qui, a précisé Marylise Lebranchu, comprendront bien un collège représentant les communes.
La ministre a illustré son propos sur la diversité : une région chef de file en matière d'économie pourra mettre en œuvre cette compétence avec d'autres niveaux de collectivités, par exemple pour l'aménagement des zones d'activité ; un département chef de file sur les solidarités sociales pourra se mettre d'accord avec une commune ou un EPCI souhaitant par exemple se voir déléguer la gestion du RSA ; l'Etat lui-même pourra déléguer son rôle d'ingénierie technique à tel ou tel département souhaitant le prendre en charge…
20 milliards de prêts : "Ce n'est pas une mince annonce !"
Au chapitre financier, auquel deux tables rondes ont été consacrées au fil du congrès (voir ci-contre nos trois articles finances des 21 et 22 novembre), la résolution de l'AMF demande notamment une "stabilisation des dotations de l’Etat au minimum à leur niveau actuel" (y compris pour 2014 et 2015…), l'élaboration d'une loi de finances spécifique aux collectivités (une idée aussi promue par le président de l'Assemblée des départements de France), un "meilleur équilibre" entre impôts économiques et impôts ménages… et, encore et toujours, "une véritable péréquation".
Marylise Lebranchu a elle aussi reparlé de péréquation rappelant les efforts déjà proposés par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances et insistant sur la nécessité d'avoir des critères "justes et simples" en prenant en compte, non seulement la richesse fiscale, mais aussi "le revenu médian et les charges particulières de certaines communes".
S'agissant de l'accès des collectivités au crédit, elle a évidemment rappelé le feu vert donné aux élus par le chef de l'Etat, deux jours plus tôt, au projet d'agence de financement des collectivités, un feu vert dont se réjouit l'AMF dans sa résolution. "Dès lundi nous reprenons le chantier", a ainsi pu lancer la ministre. Mais elle a aussi tenu à insister sur l'enveloppe de 20 milliards d'euros de prêts sur fonds d'épargne promis par François Hollande : "Faire passer de 12 à 20 milliards des fonds dédiés aux collectivités, ce n'est pas une mince annonce !", a-t-elle relevé, indiquant qu'elle avait souvent entendu les élus locaux se plaindre des difficultés particulières liées au financement de leurs grands projets structurants. "Ce seront vraiment des prêts de long terme. Pourra-t-on imaginer des prêts à 35 ans ? Pourquoi pas…", a-t-elle glissé. Quelques instants plus tôt lors des séances d'actualité au Sénat, Jean-Marc Ayrault avait d'ailleurs lui aussi mis en avant l'importance de cette enveloppe destinée, a-t-il rappelé, à financer des projets dans les domaines "des transports, de l'eau, de l'assainissement, des travaux par exemple pour les bâtiments scolaires, du numérique…".
En rythme et en souplesse
Plusieurs des vingt propositions de la résolution de l'AMF concernent naturellement l'intercommunalité. Comme en avait largement témoigné la table ronde ayant ouvert le congrès mardi 20 novembre, le sujet représente toujours une préoccupation dominante parmi les élus ruraux prenant la parole (voir ci-contre notre article "Modes de scrutin aux élections locales : le gouvernement avance prudemment"). L'AMF insiste notamment en faveur du "maintien d’un lien organique fort entre les communes et leurs outils intercommunaux pour l'élection des délégués communautaires". De façon moins prévisible, la résolution pose aussi sur le principe de "la reconnaissance des métropoles de dimension européenne dotées d’un statut spécifique". Ce dont Marylise Lebranchu s'est d'ailleurs ouvertement félicitée.
Enfin, la ministre en charge de la Décentralisation comme l'AMF sont revenues sur l'une des principales annonces de François Hollande : l'étalement sur deux ans de la réforme des rythmes scolaires. L'AMF pour dire que les "maires apprécient que le président de la République ait pris en compte leurs nécessaires besoins de souplesse". Marylise Lebranchu pour souhaiter toutefois que le moins de communes possible "demanderont une dérogation pour repousser l'échéance à 2014". S'agissant du fonds de 250 millions d'euros également annoncé par le chef de l'Etat pour aider les communes qui auraient le plus de mal à mettre en œuvre cette réforme, la ministre a précisé : "On verra la répartition de cette aide financière de l'Etat. Ce sera notamment à vous, Association des maires de France, de discuter avec nous des clefs de répartition." La veille, le ministre de l'Education, Vincent Peillon, avait pour sa part conseillé aux maires de "se saisir dès 2013" de ce fonds qu'il qualifie de "fonds d'amorçage". Et avait, plus globalement, assuré que sa loi de refondation de l'école "donnera plus de pouvoirs aux collectivités dans la contractualisation".
En marge de ces bonnes résolutions, les échanges entre élus qui ont nourri ces trois jours de congrès – y compris les interventions venant de l'auditoire – ont toutefois montré que les attentes n'ayant pas encore trouvé de réponse concrète ne manquent pas. Manque criant de moyens, problèmes d'urbanisme, questions énergétiques, prévention de la délinquance, déploiement du très haut débit, sensation d'étouffement par les normes, déserts médicaux… Sur tous ces sujets – abordés par ailleurs dans nos autres articles du jour consacrés au congrès - l'impatience est parfois grande.