Politique de la ville - Le volet économique des contrats de ville suscite de fortes attentes
"Le volet emploi et développement économique des contrats de ville, c'est une révolution ou tout du moins une évolution forte de la politique de la ville." A l'occasion d'un colloque organisé le 7 avril 2015 par l'Union sociale pour l'habitat et la Caisse des Dépôts (sur le sujet voir aussi notre article du 9 avril 2015), Raphaël Le Méhauté, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a exprimé son enthousiasme vis-à-vis de la nouvelle formule des contrats de ville, insistant sur ce "tournant" pris par la politique de la ville avec la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. En cours de signature, ces contrats comprennent quatre piliers : "cohésion sociale", "cadre de vie et renouvellement urbain", "valeurs de la République et citoyenneté" et "développement de l'activité et de l'emploi". Derrière la question de l'habitat, la question de l'emploi est un fort sujet de préoccupation avec un taux de chômage des jeunes d'environ 40% dans les quartiers prioritaires de la ville, voire 65% dans certains quartiers comme La Castellane, à Marseille.
La création d'entreprises et le développement d'activités économiques dans les quartiers prioritaires ont fait l'objet d'une circulaire du 25 mars 2015 des ministères de la Ville et de l'Emploi sur la signature des contrats de ville (voir ci-contre notre article du 1er avril 2015). "En lien en particulier avec la direction régionale de la Caisse des dépôts et consignations, vous veillerez à ce que les contrats de ville prévoient la mise en place ou la consolidation de dispositifs de détection et d'émergence des porteurs de projets et favorisent le déploiement des réseaux d'accompagnement à la création et au développement d'entreprises", peut-on y lire, en annexe. Pour Raphaël Le Méhauté, "il faut absolument faire quelque chose".
Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local de la Caisse des Dépôts, a ainsi mis en avant l'intérêt de combiner les deux volets, social et urbain, que l'on a "trop souvent opposés". Insistant sur la "pléthore de dispositifs existants", elle estime qu'il n'est pas nécessaire d'en ajouter, mais plutôt de chercher à mieux les combiner. "Les moyens sont là, a-t-elle insisté, il faut les mettre à la disposition des territoires." Dans ce domaine, la Caisse des Dépôts a signé en juin 2014 avec l'Etat une convention d'objectifs pour les quartiers prioritaires pour la période 2014-2020 (voir ci-contre notre article du 18 juin 2014). Des actions sont programmées en matière de soutien à la création et au développement d'activités dans les quartiers, comme le développement des CitésLab, un service d'amorçage de projets mis en place par la Caisse des Dépôts, en partenariat avec le ministère de la Ville et les collectivités locales. A l'heure actuelle, 70 chefs de projets CitésLab sont présents sur le territoire. L'objectif est de couvrir l'ensemble des quartiers prioritaires par des dispositifs d'émergence et de détection de projets de ce type.
Ouvrir les quartiers par la création d'activités
Des initiatives sont également prises directement par les collectivités territoriales, à l'image de la ville de Reims qui va acquérir deux étages de l'immeuble "Hôtel des Solidarités" qui est en construction dans le quartier Croix-Rouge, un des quartiers prioritaires de la ville. Ce bâtiment est destiné à accueillir exclusivement des entreprises et des services relevant de l'économie sociale et solidaire. La ville souhaite y créer une pépinière pour accompagner des porteurs des projets qui seront ou non des habitants du quartier. "Il ne suffit pas de donner envie de créer, il faut aussi une finalité, et mettre en place des filières", a affirmé François Cornuz, directeur général de Domofrance. Le bailleur social a initié la mise en place du projet R3, qui consiste en une plateforme de recyclage et de valorisation des encombrants, sur la rive droite de Bordeaux. Trois régies de quartier, Lormont, Cenon et Bacalan, sont mobilisées autour du projet. L'idée est de proposer aux bailleurs, syndicats de propriétaires, entreprises et collectivités, un modèle viable et pérenne du traitement des encombrants. R3 va collecter chaque jour des encombrants de toute nature dans des zones de stockage organisées par les bailleurs sociaux ou directement chez les habitants des trois quartiers concernés. Une fois collectés, les déchets sont triés, revalorisés, réparés ou démantelés. D'ici à trois ans, entre sept et neuf emplois devraient être créés sur le site R3.
Reste que les activités créées ne bénéficient pas nécessairement aux habitants des quartiers dans lesquelles elles ont lieu. "Ce n'est pas parce que l'on crée de l'activité qu'elle bénéficie aux habitants des quartiers", a ainsi souligné Denis Trassard, directeur interrégional adjoint de la Caisse des Dépôts. Pour François Cornuz, l'important est "d'ouvrir les quartiers" grâce à ces activités, et de "donner envie de travailler".