Tourisme - Le tourisme, une compétence partagée, très partagée

Au regard de la loi Notr, le tourisme reste une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités. Une source d'"opportunités" pour les uns, de "complexité" pour les autres (l'un n'empêchant pas l'autre, d'ailleurs), ainsi que l'a encore montré un récent débat au Sénat. Au gouvernement, la politique du tourisme se partage entre le Quai d'Orsay, Bercy et le ministère de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités. Une affaire de "co-construction", nous dit-on.

"Le fait que le tourisme demeure une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités constitue une vraie opportunité : cela permet de jouer sur toutes les dimensions et de construire une offre diversifiée de promotion touristique qui prenne en compte les touristes tant étrangers que français, le tourisme social comme le tourisme haut de gamme, le tourisme de court séjour comme celui de long séjour." C'est Jean-Michel Baylet, ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, qui s'exprimait ainsi, le 4 mai, au Sénat, à l'issue d'un débat en séance publique organisé à la demande du groupe RDSE sur les "rôle et action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme".
Auparavant, Jean-François Husson, sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle, avait trouvé plus opportun de parler de "complexité du dispositif" en dressant le tableau suivant : "L'Etat conduit la stratégie nationale de promotion touristique (ce qui est compréhensible) ; la région définit les objectifs régionaux et coordonne les initiatives ; le département garde la main sur les agences départementales du tourisme, les plans des itinéraires de promenade et de randonnée, et élabore les schémas d'aménagement touristique départementaux, qui doivent s'intégrer dans les dispositifs de la région ; quant à la commune ou à l'intercommunalité, elles gèrent et promeuvent le tourisme, chacune à son échelle."

Une commission spéciale dans chaque CTAP ?

Le sénateur Jean-Jacques Lasserre, sénateur (UDI) des Pyrénées-Atlantiques, a notamment demandé au ministre en charge des collectivités, représentant ce jour-là le gouvernement sur la politique du tourisme, "d'intégrer au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP, Ndlr) une commission spéciale déléguée au tourisme". Et cela "en vue de la clarification des rôles de chacun, au niveau des attributions des trois strates : les comités régionaux du tourisme, les comités départementaux du tourisme et les offices du tourisme". En sachant toutefois que la loi Maptam prévoit bien la possibilité de commissions thématiques (commissions que les sénateurs avaient voulu rendre obligatoires pour le tourisme, la culture et le sport lors de l'examen de la loi Notr, ce qui avait finalement été écarté).
"Ayons confiance ! L'intercommunalité saura dialoguer avec les départements, a fortiori avec les régions", estime pour sa part Daniel Percheron, sénateur (PS) du Pas-de-Calais, ex-président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui invite ses collègues à croire en l'"intelligence collective". Il n'est manifestement pas parvenu à convaincre le montagnard Loïc Hervé, sénateur (UDI) de Haute-Savoie, pour qui "la destination intercommunale en matière de promotion touristique n'a que peu de sens. Il est nécessaire de raisonner par destination".
Daniel Percheron a été plus persuasif quand il a considéré qu'"il n'y a pas de tourisme, dans le pays le plus beau, le plus équilibré, le plus harmonieux au monde, sans une ruralité et une agriculture rayonnantes". Jean-Claude Lenoir, sénateur (LR) de l'Orne, est d'accord pour parler de l'attractivité touristique du monde rural (en citant des vers de René Char)... mais "d'abord pour les touristes de proximité".
Il demande quant à lui une meilleure couverture haut débit et en téléphonie mobile pour les "nombreux gîtes ruraux et fermes isolées" qui n'y ont pas accès. Et il n'a pas appuyé Daniel Percheron pour qui il semble "évident" que, "pour l'avenir, l'exercice de la compétence tourisme appelle sinon une cogestion, en tous les cas une co-animation de l'agriculture française au niveau des collectivités locales".

Martine Pinville fait du "soutien", Matthias Fekl de la "promotion"

Un mois après, le 7 juin à la Cité de la mode, intervenait en ouverture du colloque "Innover et entreprendre dans le tourisme" Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire auprès d'Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique. Secrétariat d'Etat "qui, comme vous le savez, comprend le secteur du tourisme", a-t-elle précisé au préalable, sans doute à l'attention de ceux qui imaginaient que le tourisme était l'exclusivité de Matthias Fekl, secrétariat d'Etat chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger, auprès de Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
Le décret d'attribution de Martine Pinville dit, au chapitre "développement du secteur du commerce et de l'artisanat", qu'elle est "associée à la définition et au suivi de la politique de l'Etat en matière de soutien aux activités touristiques. Elle concourt à la politique sociale du tourisme visant à permettre l'accès de tous aux vacances". Tandis que celui de Matthias Fekl dit que, lui, "concourt à la définition et à la mise en œuvre de la politique de promotion du tourisme, notamment à la promotion du patrimoine touristique de la France, au développement de l'offre touristique ainsi qu'à la promotion de l'image touristique de la France à l'étranger". Nuance.
Quant à Jean-Michel Baylet, la politique touristique n'est pas une fois citée dans son décret d'attribution où il est toutefois dit qu'il "veille à ce que chaque territoire dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités" (portefeuille "aménagement du territoire"), il "définit et met en œuvre (...) la politique du gouvernement en faveur du développement et de la mise en valeur des territoires et espaces ruraux" (portefeuille "ruralité") et "propose toutes mesures propres à faciliter l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales et veille à leur mise en œuvre" (portefeuille "collectivités territoriales").

Innovation numérique, on est loin de René Char

Devant les acteurs privés et publics participant au colloque "Innover et entreprendre dans le tourisme", Martine Pinville a rappelé les trois axes de sa feuille de route. Le premier, visant à "renforcer la qualité de la destination France, autant pour la clientèle internationale que nationale", semble bien empiéter sur les terres de Matthias Fekl, mais tout cela est "co-construit", assure-t-elle. Cet axe comprend : le développement de la Marque "Qualité Tourisme", celui des labels Familles Plus et Tourisme & Handicap, la formation "autour de la qualité de l'accueil et des langues"... Et c'est aussi dans ce cadre qu'il est question de "développer massivement l'accueil numérique au service des touristes". La secrétaire d'Etat envisage à ce propos de mettre en place un "City pass" associant - sur une carte unique ou un smartphone – une offre de transports publics et des activités touristiques, culturelles et de loisirs.
La question du numérique revient en force dans le second axe intitulé "renforcement de l'attractivité des offres". Une étude sur l'innovation numérique dans le tourisme était d'ailleurs présentée cette journée-là, à la suite de quoi Martine Pinville a prévu d'installer un comité de suivi de la mise en place des préconisations de l'étude". Préconisations formulées par la Direction générale des entreprises (DGE) avec le cabinet de conseil MKG Consulting. La secrétaire d'Etat a, à cette occasion, rappelé avoir "porté l'intégration du tourisme dans les French Tech thématiques". "Il s'agit de mieux structurer et d'animer l'écosystème et ainsi de faciliter les liens entre accélérateur et incubateurs touristiques. Je sais pouvoir compter sur le Welcom City Lab aux cotés de la DGE", a-t-elle ajouté. On est loin de René Char.

Une étude sur le tourisme sociale et solidaire

Martine Pinville a également évoqué "le développement des départs en vacances pour tous", thème du troisième et dernier axe. "Au-delà de la question de principe, le "tourisme pour tous" est aussi un moteur économique, a rappelé la secrétaire d'Etat d'Emmanuel Macron, ajoutant : "Les congés payés, mesure symbolique et sociale du gouvernement du Front populaire, donnèrent naissance à une industrie et une politique d'aménagement touristique pour notre pays. Ne l'oublions pas". Elle a annoncé avoir lancé une étude "sur le tourisme social et solidaire" qui permettrait de "proposer, à l'automne, à l'ensemble de la filière, des "préconisations structurantes notamment sur la question du modèle économique et des sources de développement".

 

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