Grenelle 2 - Le toilettage du Code de l'urbanisme se poursuit
Transversalité des enjeux oblige, deux secrétaires d'Etat, Benoist Apparu côté logement et urbanisme, et Chantal Jouanno côté environnement, ont pris part à l'examen du volet bâtiments et urbanisme du projet de loi Grenelle 2 par la commission des affaires économiques (CAE) de l'Assemblée nationale. Le point sur les principaux amendements adoptés ou rejetés sur ce texte en constante évolution, qui repassera une dernière fois en commission du développement durable le 7 avril prochain avant d'être examiné en séance publique par les députés à partir du 4 mai.
Diagnostic de performance énergétique
L'article 1er du titre I s'enrichit d'un objectif de réduction des gaz à effet de serre, de performance énergétique et environnementale au regard des émissions à effet de serre, ainsi que de maîtrise de l'énergie et de production d'énergie renouvelable, et ce dans la logique de l'objectif européen dit des "3 x 20". Concernant le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui, à compter de 2013, doit être remis au propriétaire par le maître d'ouvrage lors de la construction ou de l'extension d'un bâtiment, il a été précisé qu'il comprendra une estimation des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment en question, calculée suivant une méthode adaptée aux bâtiments neufs et qui tient compte des différents usages des énergies. En revanche, la commission a rejeté un amendement visant à réduire de deux ans (au 31 décembre 2011) le délai de réalisation du DPE dans les copropriétés à chauffage collectif. Toutefois, un amendement prévoit que les immeubles en copropriété (de 50 lots ou plus) équipés d'une installation de chauffage ou de refroidissement collectif dont la date de dépôt de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001 (soit l'application de la RT 2000) seront exemptés de DPE. Dans ces bâtiments, un audit énergétique sera réalisé afin de définir un plan de travaux dont les modalités seront définies par décret. La commission a également rejeté un amendement gouvernemental visant à instaurer une obligation de mesures des consommations énergétiques dans le parc immobilier tertiaire.
Contre l'avis du gouvernement, un amendement précise que c'est le maître d'œuvre qui a pour obligation de respecter la réglementation thermique. Le maître d'ouvrage étant quant à lui simple porteur de l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique auprès de l'autorité qui a délivré le permis de construire à l'issue de l'achèvement des travaux. Afin de ne pas diluer les responsabilités, les architectes et contrôleurs techniques ayant contribué au projet de construction pourront établir cette attestation. Les infractions aux dispositions relatives à la perméabilité et l'isolation pourront faire l'objet de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale.
Taxes et crédits d'impôts
Un amendement prévoyant d'élargir le dispositif de la TVA réduite aux communes et EPCI à fiscalité propre engageant des travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments a été rejeté. Après l'article 3 bis, un article additionnel étend en revanche le champ d'application du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater du CGI pour les dépenses concourant aux économies d'énergie et à l'utilisation des énergies renouvelables à trois groupes de collectivités : départements et régions d'outre-mer, collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et Saint Barthémy et Mayotte. Quant à la durée d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des logements qui sont financés à l'aide d'un prêt social de location-accession, elle est allongée de cinq ans, à l'instar des autres logements sociaux, lorsque le logement concerné répond à des exigences élevées de qualité environnementale.
Déclaration préalable et directives territoriales d'aménagement
L'article 4 du projet de loi prévoit que, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre. La liste des dispositifs et matériaux concernés sera fixée par décret et non plus dans la loi. Par ailleurs, la commission a élargi la liste des groupements associés à l'élaboration des directives territoriales d'aménagement et de développement durable (DTADD). Sont désormais concernés l'ensemble des EPCI compétents en matière de schéma de cohérence territoriale (Scot). Si l'adoption des directives territoriales d'aménagement (DTA) intervient après publication de la loi, elles seront soumises aux dispositions applicables aux DTADD. En outre, lors de toute modification d'une DTA approuvée avant la publication de la loi, il pourra être décidé de lui appliquer les dispositions applicables aux DTADD.
Compatibilité entre les documents d'urbanisme
La hiérarchie des normes entre documents d'urbanisme et entre ces derniers et certains autres documents (chartes des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux, orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau, objectifs des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, des schémas régionaux de cohérence écologique et des plans climat-énergie territoriaux) est précisée. Ainsi, un amendement détermine les documents avec lesquels les Scot et schémas de secteur doivent être compatibles. Lorsqu'un Scot ou un schéma de secteur existe, le PLU doit être compatible. En leur absence, le rapport de compatibilité ou la prise en compte des documents précités par le PLU doit être directement examiné. Le délai dans lequel le Scot, le schéma de secteur ou le PLU doit être rendu compatible avec un document approuvé après son entrée en vigueur est fixé à 3 ans.
L'article 6 regroupe désormais l'ensemble des objectifs devant figurer dans les Scot, PLU et cartes communales. Les énumérations correspondant aux articles 9 et 10 sont remplacées par un renvoi à l'article L.121-1 du Code de l'urbanisme. La définition des Scot est également simplifiée, donnant une portée générale à l'article L.122-1 qui énonce ainsi les principes généraux du droit de l'urbanisme que doivent respecter les Scot et les documents qu'ils comprennent. En outre, les Scot deviennent de véritables instruments de valorisation des espaces verts lors de l'ouverture d'une zone à l'urbanisation. La liste des documents soumis à évaluation environnementale est aussi complétée par des documents spécifiques mais susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement (schémas de secteur, prescriptions particulières de massif, PLU comprenant les dispositions des plans de déplacements urbains, cartes communales permettant la réalisation de travaux ayant des incidences sur un site Natura 2000).
Aux termes d'un amendement gouvernemental, le schéma d'aménagement régional peut être modifié par décret, à condition que la modification ne porte pas atteinte à son économie générale. Le projet de modification est alors soumis à enquête publique. Un dispositif identique est prévu s'agissant du plan d'aménagement et de développement durable de Mayotte.
Un amendement à l'article 10 simplifie par ailleurs la définition des PLU et étend le délai de mise en comptabilité entre les Scot et les plans d'occupations des sols (POS).
Déclaration de projet
Un article additionnel après l'article 12 facilite, lorsqu'une déclaration de projet est prise par l'Etat, les "adoptions nécessaires" de certains schémas directeurs et plans d'aménagement (ceux des régions Ile-de-France, d'outre-mer et de la Corse). Ainsi, cet amendement agit en complément d'un décret qui vient d'être pris dans un autre cadre, celui offert par la loi Boutin de mars 2009. Lequel décret visait aussi à préciser le rôle de la déclaration de projet, qui permet notamment une mise en compatibilité forcée des Scot et des PLU et ouvre la possibilité d'assouplir certaines règles de construction définies dans les documents d'urbanisme. Mais il s'agit bien d'"assouplir" les règles, pas de "s'en affranchir", ont commenté les rapporteurs du projet de loi et dépositaires de cet amendement. Par ailleurs, il a été acté que cette procédure devra faire dans certains cas l'objet d'une évaluation environnementale.
Infractions en matière d'urbanisme
Un autre article additionnel relevant de la comptabilité publique, très attendu des élus et des services de l'Etat, vient renforcer la portée de l'article L.480-8 du Code de l'urbanisme qui permet au communes de percevoir les astreintes recouvrées en cas d'infractions d'urbanisme. Initialement prévu dans le cadre d'une autre proposition de loi, un amendement défendu par les rapporteurs a permis de le glisser dans ce projet de loi Grenelle 2. En cas d'infraction constatée, suite à un amendement de Jean Dionis du Séjour, il a ainsi été introduit la possibilité pour "les communautés d'agglomération et communautés de communes compétentes en matière d'urbanisme et d'environnement d'exercer l'action civile".
Réforme des ZPPAUP
Sur amendement à l'article 14, il est proposé de modifier le Code du patrimoine en vue d'une complète refonte du dispositif des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). "Cette réforme vise à simplifier et assouplir le dispositif", résument le petit groupe de députés à l'origine de cet amendement, dont font partie Serge Poignant et Christian Jacob. La modification d'articles, conséquente et s'étalant sur trois pages, transforme ces ZPPAUP en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine. En bref, la définition de ces aires pouvant être créées par les communes s'élargit par rapport à celles des ZPPAUP car elle intègre désormais des objectifs de développement durable. A l'instar du PLU, cette définition se fonde sur trois documents (rapport de présentation, règlement, documents graphiques) et fait l'objet d'une concertation. Son suivi est assuré par une instance consultative regroupant entre autres des représentants de collectivités, du préfet et des services déconcentrés de l'Etat (Dreal). La nouveauté est aussi dans la simplification qu'elle prévoit en cas de procédure d'autorisation de travaux. Simplifiée car cette procédure serait désormais encadrée par des délais de traitement administratifs raisonnables et un arbitrage du préfet en cas de conflit avec l'architecte des Bâtiments de France.
Energie éolienne
Plusieurs amendements correspondant aux principales propositions de la mission parlementaire commune sur l'énergie éolienne ont été adoptés par la commission : création des schémas régionaux de l'éolien, seuils pour la puissance installée et l'implantation des mâts, modalités des garanties financières pour le démantèlement, soumission au régime des ICPE, avec un régime adapté distinct de celui des installations à risque Seveso. Par ailleurs, l'article 34 bis, fixant l'objectif de production d'électricité à partir de l'énergie éolienne à 25.000 MW pour 2020, a été supprimé. Les objectifs devront être définis dans le cadre d'un débat parlementaire préalable, après avis de la Commission de régulation de l'énergie.
Publicité
Une série d'amendements à l'article 15 quater du projet de loi, qui comporte des dispositions sur la réglementation de la publicité, ont été adoptés. Au sein des agglomérations, l'un d'eux vise ainsi à interdire la publicité dans les zones Natura 2000 et à renforcer l'encadrement de la réglementation locale sur les enseignes lumineuses, qui sont facteur de nuisances et de consommations énergétiques. Un article additionnel a par ailleurs relevé le montant de l'amende en cas d'infraction en matière de publicité. Enfin, au sein de la commission départementale des sites consultée en matière de publicité, le droit d'entrée des établissements publics de coopération intercommunale a aussi été acté.
Philie Marcangelo et Morgan Boëdec / Victoires-Editions