Logement - Le Sénat veut adapter le Duflot à l'outre-mer et défend à son tour la défiscalisation
Il y a quelques jours, la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale publiait son rapport sur la défiscalisation des investissements, dans lequel elle défendait notamment le dispositif de défiscalisation dans le logement social (voir notre article ci-contre du 28 mai 2013). C'est aujourd'hui au tour du Sénat de remettre son propre rapport sur le sujet, présenté au nom de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer. Le titre du rapport - "L'aide fiscale à l'investissement outre-mer : levier incontournable du développement" - suffit à en comprendre le sens général. Comme l'Assemblée, le Sénat défend fermement le maintien des dispositifs de défiscalisation outre-mer - mis en place par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) - et estime que "la suppression de ces dispositifs aurait des conséquences catastrophiques pour des outre-mer aux situations économique et sociale extrêmement tendues".
Un "effet booster" sur l'offre de logement social
Rédigé par Eric Doligé, sénateur (UMP) du Loiret, et Serge Larcher, sénateur (PS) de la Martinique, ce nouveau rapport est toutefois plus fouillé que celui de l'Assemblée. Il rappelle notamment que, selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), l'outre-mer souffre d'un déficit de 100.000 logements aidés, "avec un besoin en rythme annuel pendant dix ans estimé à 12.000 logements sociaux dans les départements d'outre-mer (DOM) et à 2.500 pour les collectivités d'outre-mer (COM)".
Au-delà de "l'effet booster sur le logement social", qui était déjà évoqué dans le rapport de l'Assemblée (+70% de HLM construits depuis 2009), les deux sénateurs soulignent aussi que "la part des logements très sociaux (LLTS) a triplé sur la même période". En outre, selon la Fédération des entreprises publiques locales (EPL), chaque logement construit ou réhabilité permet la création ou le maintien d'1,5 emploi, si bien que le logement social représente environ 18.000 emplois outre-mer. Si le rapport est ouvert à quelques aménagements sur les dispositifs de défiscalisation des investissements dans les entreprises, il est en revanche intraitable sur le maintien en l'état du volet investissement du logement social, sous réserve de quelques améliorations ponctuelles.
Mais l'un des mérites du rapport du Sénat est d'aller au-delà du seul secteur du logement social. Il relève ainsi que le dispositif de défiscalisation a permis une réorientation partielle de la LBU (ligne budgétaire unique), en particulier en faveur de la réhabilitation des logements existants. Il s'intéresse aussi au logement intermédiaire, indispensable pour assurer une fluidité du parc social et offrir des solutions aux classes moyennes. Sur ce point, les rapporteurs jugent nécessaire d'amender le dispositif Duflot "pour l'adapter aux réalités des outre-mer et permettre la construction de logements intermédiaires dans ces collectivités" (malgré le fait que le taux de la réduction d'impôt est déjà fixé à 29% outre-mer, contre 18% en métropole). Le rapport estime ainsi que cette adaptation locale pourrait passer par une réduction de neuf à six ans de la période de défiscalisation et par un relèvement du taux applicable pour les investissements réalisés dans les collectivités d'outre-mer.
La budgétisation : un "miroir aux alouettes"
Cette soudaine agitation - avec deux rapports simultanés - sur la défiscalisation outre-mer ne doit rien au hasard. En effet, le ministère des Finances ne cache pas qu'il a ces dispositifs dans le collimateur. La défiscalisation outre-mer représentera, cette année, un coût total de 965 millions d'euros (dont 480 millions pour le logement social). En outre, Bercy considère que ces dispositifs bénéficient surtout à des métropolitains aisés. L'idée est donc - pour le cas du logement social - de remplacer la défiscalisation par une budgétisation de l'aide, sous forme de subventions de l'Etat.
En période de disette budgétaire, l'argument ne convainc pas vraiment les sénateurs. Ils y répondent d'ailleurs par avance, en affirmant que l'augmentation de la LBU en compensation de la suppression de la défiscalisation dans le logement social est "un miroir aux alouettes". Le ministre des Finances est en tout cas prévenu de ce qui l'attend s'il tente de faire voter une mesure de ce type au Parlement.
Une seule mesure trouverait éventuellement grâce aux yeux des sénateurs. En effet, "la mise en place d'un prêt à taux zéro ou d'un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des Dépôts pourrait constituer un dispositif alternatif à la défiscalisation permettant de réduire le coût de la dépense fiscale sans nuire au rythme de construction de logements sociaux dans les outre-mer".