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Sanitaire et social - Le Sénat revient à la charge sur les agences régionales de santé

Le rapport sénatorial "Les agences régionales de santé : une innovation majeure, un déficit de confiance" fustige - entre autres - les dysfonctionnements des ARS, leur installation "à la hussarde", leur manque de confiance envers les acteurs proches du terrain, et propose cinq séries de recommandations pour les faire évoluer.

Jacky Le Menn, sénateur (PS) d'Ille-et-Vilaine, et Alain Milon, sénateur (UMP) du Vaucluse, ont remis leur rapport d'information, fait au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur "Les agences régionales de santé : une innovation majeure, un déficit de confiance". Et l'ancien directeur d'hôpital et le médecin ne sont pas tendres pour les ARS...

Un contentieux déjà ancien

Ce n'est certes pas la première fois que le Sénat tient les ARS dans son collimateur. Dans un rapport d'information de 2012, rédigé par le rapporteur général de la commission des affaires sociales et président de la Mecss, il s'inquiétait déjà du manque de transparence sur les crédits délégués aux ARS par l'assurance maladie dans le cadre des fonds d'intervention régionaux (voir nos articles ci-contre du 29 février et du 19 juillet 2012). Il y a un an, l'audition, par la Mecss, des représentants des ministères sociaux et de la CNSA donnait lieu à des échanges musclés sur la gouvernance insuffisante des ARS, avec en particulier l'évocation de "frictions" entre les agences et les collectivités territoriales (voir notre article ci-contre du 26 mars 2013). Difficile de ne pas faire le lien avec le limogeage exprès, il y a quelques jours, du directeur général de l'ARS Rhône-Alpes - la seconde de France - pour cause de rapports conflictuels avec les élus et le conseil régional.
Avec le rapport d'information de Jacky Le Menn et Alain Milon, le Sénat passe d'une approche pointilliste à une vision plus globale des ARS. Mais le jugement d'ensemble n'est pas plus aimable pour autant... Au contraire, le jugement sur les difficultés ou dysfonctionnements des ARS tend à se durcir. Si le rapport se félicite de l'absence de rupture dans la mise en œuvre des missions lors de la création des agences et reconnaît qu'"une précipitation certaine a prévalu dans cette phase de démarrage qui explique en partie les difficultés rencontrées aujourd'hui", les amabilités s'arrêtent là.

"Toutes les conséquences de la création des ARS n'ont pas été tirées"

Les rapporteurs estiment en effet que "toutes les conséquences de la création des ARS n'ont pas été tirées". Ceci se manifeste notamment dans l'absence de réforme de l'administration centrale, qui n'a pas modifié ses méthodes de travail reposant "sur une vision prescriptive, voire tatillonne". Le rapport considère aussi que "l'équilibre des pouvoirs autour du directeur général [de l'ARS, ndlr] n'a pas été atteint, tant en interne que vis-à-vis de l'extérieur" et appelle à une meilleure implication des élus en amont, dans la concertation et la préparation des décisions. De façon plus large les ARS ne font pas suffisamment confiance aux acteurs les plus proches du terrain et n'appliquent pas le principe de subsidiarité.
Le rapport formule donc cinq grandes recommandations, qui se déclinent en un ensemble de mesures. La première recommandation vise précisément à tirer les conséquences de la création des ARS sur l'administration. Ceci passe notamment par la fin du fonctionnement "en tuyaux d'orgue" des administrations centrales des ministères sociaux, par une meilleure adaptation des objectifs fixés dans les Cpom (contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens) aux spécificités des territoires, ou encore par le fait de "donner toute sa place à la subsidiarité".
La seconde recommandation consiste à "recoudre le lien social à l'intérieur des ARS", afin de réparer les effets de l'installation "à la hussarde" des agences. Pour cela, le rapport préconise d'améliorer la fluidité des parcours professionnels, d'engager une vraie politique de prévention des risques psychosociaux, de faire vivre les instances représentatives du personnel, voire "d'évaluer précisément l'intérêt de créer un statut unique pour les agents des ARS".

Simplification, gouvernance et démocratie sanitaire

Le troisième axe n'est pas le moins ambitieux, puisqu'il s'agit de "simplifier et rendre plus efficace l'exercice des missions". Pour concrétiser cette ambition, il convient - entre autres - de stabiliser le périmètre de compétence des agences, de consolider le fonds d'intervention régional (FIR), de renforcer les moyens d'action des ARS sur l'organisation des soins de ville, mais aussi de "revoir les modalités d'exercice des missions dans une logique d'accompagnement des acteurs plus que de contrôle".
Quatrième recommandation : démocratiser la gouvernance et accroître la transparence. Outre la meilleure association des élus - déjà évoquée -, le rapport préconise de rendre la prise de décision plus collégiale en précisant les missions des comités exécutifs et comités de direction, de démocratiser le conseil de surveillance en créant quatre collèges dotés d'un nombre égal de membres (Etat, assurance maladie, collectivités, ainsi qu'usagers et personnalités qualifiées), de n'attribuer qu'une voix à chaque membre, mais aussi d'élire le président au sein du collège des collectivités territoriales.
La dernière recommandation vise à affermir la démocratie sanitaire, notamment en fournissant aux conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) les moyens d'exercer leurs compétences de matière indépendante, en confortant leur mission d'organisation de débats publics, en fixant des délais minimums d'examen et de consultation pour les avis qu'elles doivent rendre, mais aussi en "évaluant l'intérêt des conférences de territoire" et en rendant leur constitution facultative. Une proposition qui pourrait bien déplaire aux départements...

Références : Sénat, rapport d'information de Jacky Le Menn et Alain Milon, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales (déposé le 26 février 2014). 

 

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