Santé - ARS : un an pour apprivoiser les élus locaux
A sa toute première réunion avec les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), cet automne, le nouveau ministre de la Santé Xavier Bertrand leur confiait le sentiment que ceux-ci lui avaient jusqu'alors inspiré, en tant qu'élu local : "On ne sait pas comment toucher l'ARS, on ne sait pas comment contacter l'ARS." Pour éviter cette impression de mise à l'écart, partagée par bien des élus, il les appelle aujourd'hui encore à un "dialogue régulier" : "Nous ne sommes pas dans une logique de codécision ; mais la logique de concertation a du sens", a souligné Xavier Bertrand ce 31 mars, face aux directeurs généraux des 26 ARS réunis à Marseille pour un colloque marquant le tout premier anniversaire des agences.
Instances
En un an, les directeurs des ARS paraissent avoir déjà fait fondre quelque peu la glace, face à des élus souvent méfiants et jaloux de leur prérogatives. Il est vrai qu'en instituant les ARS, la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) avait prévu plusieurs espaces pour la concertation. Les élus territoriaux ont ainsi été invités à siéger dans leurs conseils de surveillance. Ils ont aussi trouvé place dans les instances de démocratie sanitaire que sont les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) et, à l'échelon local, les conférences de territoire. Enfin, deux commissions de coordination des politiques publiques de santé associent directement des représentants des collectivités au travail mené sur les terrains de la prévention et du médicosocial. En douze mois, la construction de ces instances a déjà permis de convaincre une partie des élus.
Cadres originaux
Mais des efforts supplémentaires étaient manifestement nécessaires. Plusieurs directeurs généraux ont en effet ajouté à cette architecture quelques cadres de concertation originaux. Ainsi, en Champagne-Ardenne, le directeur général Jean-Christophe Paille a intégré des représentants des conseils généraux "dans l'équipe-projet qui travaille sur le schéma régional d'organisation médicosociale" – un document qui doit trouver à s'articuler avec les propres schémas des départements. Son homologue Martine Aoustin, en Languedoc-Roussillon, a pour sa part tenu à interroger "les 1.545 maires de la région sur leur sensibilité en matière de santé - avec un taux de réponse très important". Et face à un conseil régional du Nord-Pas-de-Calais déjà très impliqué dans le domaine de la santé, le directeur général Daniel Lenoir a quant à lui maintenu un "comité de liaison, de façon à ce que l'articulation se fasse bien entre les politiques générales de santé conduites par l'ARS et l'investissement du conseil régional". En définitive, l'appel à un dialogue avec les élus "est bien passé", et "chaque directeur général d'ARS le fait avec sa propre méthode", se réjouit Emmanuelle Wargon, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales.
Inégalités territoriales
Les élus ont en outre pu se découvrir une passion commune avec les nouvelles agences : la réduction des inégalités de santé - et tout particulièrement le repeuplement des déserts médicaux. Car les ARS ont évidemment entre leurs mains plusieurs outils nouveaux, que bien des collectivités brûlent d'utiliser. Ainsi l'implantation de différents professionnels de santé dans les maisons de santé pluridisciplinaires suscite un réel intérêt de la part des élus des territoires ruraux ou des quartiers défavorisés. A la tribune du colloque de Marseille, cependant, le président de l'Union nationale des professionnels de santé, Alain Bergeau, a émis un avertissement : "Une maison de santé est d'abord un projet de santé porté par des professionnels !" En aparté, la directrice générale Martine Aoustin insiste : "Les collectivités territoriales à elles seules ne peuvent pas faire le projet médical." Au moins l'ARS peut-elle adopter une "posture d'appui avec les associations de maires", ajoute sa collègue des Pays-de-la-Loire, Marie-Sophie Desaulle.
Les ARS peuvent aussi conclure avec les collectivités des contrats locaux de santé publique, qui portent "sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social", aux termes de la loi HPST. En Ile-de-France par exemple, le directeur général Claude Evin constate que les collectivités "sont très désireuses de passer ces contrats".
Enfin, l'Association des régions de France (ARF) a pu affirmer sa disponibilité pour le développement de la télémédecine : "Les régions sont prêtes à être des catalyseurs d'expérimentations, dans le cadre de leurs compétences", a indiqué Solange Ménival, vice-présidente de la commission Santé de l'ARF – qui s'exprimait depuis Bordeaux via une vidéoconférence techniquement délicate...
En somme, après une première année d'observation, bien des collectivités semblent désormais engagées dans la coopération avec les ARS. "On commence à construire ensemble, en ayant mieux compris la place respective, les attentes, et les problématiques, des uns et des autres", conclut Marie-Sophie Desaulle. Joyeux anniversaire : le travail peut enfin commencer.
Olivier Bonnin
Les ARS promises à de nouvelles responsabilités
Venue célébrer à Marseille le premier anniversaire des ARS, qu'elle a elle-même conçues avec la loi HPST, Roselyne Bachelot-Narquin a eu le verbe enthousiaste. "N'ayons pas peur des mots : le pouvoir vous appartient !" Il est vrai que de nouvelles responsabilités ont été promises aux 26 ARS. Tout d'abord, son collègue Xavier Bertrand a fait savoir qu'avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 serait mise en place "davantage de fongibilité" – les ARS auront une liberté d'affectation sur une part accrue de leurs budgets. Et ensuite ? Pour Roselyne Bachelot-Narquin, la perspective est de mettre les ARS "en situation de responsabilité sur l'ensemble des crédits". A terme, le "modèle" serait de "créer des objectifs régionaux d'assurance maladie". Avant d'obtenir ces Ordam, les ARS devront toutefois attendre que le gouvernement s'entende : à l'issue du colloque, Xavier Bertrand assurait à quelques journalistes qu'il n'y en aurait jamais.