Insertion - Le Sénat renforce les contrôles sur le RSA, la Halde conteste les conditions d'accès
Le Sénat a entamé, le 23 octobre, l'examen par articles du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion, déjà adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 7 octobre. Jusqu'à présent, le texte n'a fait l'objet que de modifications marginales. Il est vrai que le gouvernement, échaudé par le sort du projet de loi de mobilisation sur le logement - qui vient de faire l'objet d'une réécriture quasi totale -, avait pris les devants. Fait pour le moins inhabituel, Roger Karoutchi, le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, est ainsi intervenu aux côtés de Martin Hirsch pour appeler "l'ensemble de ceux qui ont déposé des amendements à les retirer", ajoutant que "sur un texte aussi fort en faveur des exclus, il faut un grand geste d'unanimité". A défaut de la lettre, l'esprit du message a été entendu par les sénateurs, puisque seuls ont été adoptés à ce jour les amendements de la commission des affaires sociales et quelques amendements émanant du groupe de l'Union centriste.
Parmi ceux qui valent d'être mentionnés figure notamment un renforcement des contrôles sur les bénéficiaires. L'Assemblée nationale avait déjà introduit une disposition prévoyant que le demandeur ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou assimilé "doit fournir une attestation des services fiscaux de son pays d'origine indiquant qu'il n'est pas imposable dans son pays". Le Sénat a ajouté que, pour l'appréciation de la condition d'isolement, "lorsque l'un des membres du couple réside à l'étranger, n'est pas considéré comme isolé celui qui réside en France". Un amendement précise aussi que le bénéficiaire du RSA "ne peut refuser plus de deux offres raisonnables d'emploi telles que définies à l'article L.5411-6-2 du Code du travail" (qui vient d'être introduit par la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi). Les sénateurs ont en revanche retiré "l'inexactitude [...] des déclarations" de la liste des motifs pouvant donner lieu à une amende administrative. Seules subsistent donc parmi les motifs la fausse déclaration ou l'omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du RSA.
Les sénateurs ont par ailleurs clarifié les possibilités de cumul avec l'"aide personnalisée de retour à l'emploi" (qui se substitue à la prime de retour à l'emploi dans le cadre du RSA). Le Sénat a également clarifié l'article relatif à l'instruction administrative des demandes de RSA, en rétablissant la nécessité d'une convention du département avec les organismes instructeurs autres que la CAF et la MSA (centres communaux et intercommunaux d'action sociale, associations ou organismes à but non-lucratif).
Autre modification : les sénateurs ont introduit la création de sa propre activité dans les possibilités d'orientation du bénéficiaire qui peuvent être décidées par le président du conseil général. Le bénéficiaire candidat à ce type d'insertion pourra ainsi être orienté vers un réseau d'appui à la création et au développement des entreprises. Enfin, les sénateurs ont introduit dans le projet de loi les dispositions de la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion, déposée par l'Union centriste et adoptée en première lecture le 13 mai dernier (voir notre article ci-contre). Ces dispositions, qui permettent aux départements d'avoir une meilleure visibilité sur l'activité des CAF et des caisses de MSA, s'appliqueront donc par extension au RSA.
Un texte discriminatoire ?
Si, après les débats animés sur son financement, le parcours parlementaire du projet de loi paraît désormais bien balisé, un obstacle inattendu vient de se dresser en l'espèce de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Dans une délibération du 20 octobre, celle-ci estime en effet que le texte "comporte plusieurs dispositions revêtant un caractère discriminatoire". La Haute Autorité considère ainsi que le stage préalable de 5 ans exigé des seuls étrangers non-communautaires constitue "une discrimination fondée sur la nationalité". Même jugement sur l'application de cette condition aux conjoints, concubins ou partenaires pacsés des bénéficiaires du RSA, pour qu'ils soient pris en compte au titre des droits de ce dernier. Plus surprenant : la Halde juge discriminatoire la limite d'âge de 25 ans (qui existe déjà pour le RMI). Elle demande par conséquent la réalisation d'"une étude sur les conséquences de la condition d'âge fixée pour les bénéficiaires du RSA, au regard en particulier des difficultés d'insertion sociale et professionnelle des jeunes âgés de moins de 25 ans" (étude au demeurant déjà prévue par le texte lui-même, après un amendement introduit à l'Assemblée nationale). Enfin, la Halde profite de cette délibération pour rappeler une nouvelle fois (voir notre article ci-contre) son opposition - qui dépasse le cadre du seul RSA - à l'article L.512-2 visé par le projet de loi et qui lie la prise en compte des enfants étrangers à leur arrivée régulière sur le territoire national dans le cadre de la procédure du regroupement familial.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 octobre 2008, examiné depuis le 22 octobre par le Sénat).