Famille - La Halde demande la suppression des discriminations dans l'accès aux prestations familiales
Dans une délibération qui doit être prochainement publiée au Journal officiel, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) prend clairement position sur le lien entre l'attribution des prestations familiales et la situation des enfants au regard du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La Halde indique en effet avoir "reçu de nombreuses réclamations de parents d'enfants étrangers, qui s'étaient vu refuser le bénéfice des prestations familiales par les CAF, au motif qu'ils ne pouvaient justifier de la régularité de l'entrée de leurs enfants sur le territoire national". Plus précisément, les intéressés se sont vu refuser ces prestations au motif qu'ils n'étaient pas en mesure de fournir le certificat de contrôle médical délivré par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem, ex-OMI), attestant la régularité de leur entrée sur le territoire.
La mise au point de la Halde - effectuée par le biais d'un "rapport spécial" annexé à la délibération - est sans ambiguïté. Elle reconnaît certes que les caisses d'allocations familiales appliquent la réglementation en vigueur, et notamment les articles L.512-1 et L.512-2 du Code de la sécurité sociale. Ces articles - modifiés par la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 - et les textes auxquels ils font référence prévoient en effet que l'enfant étranger doit, pour ouvrir droit aux prestations familiales, produire un document permettant de démontrer la régularité de son séjour en France. Mais cette disposition est en contradiction avec plusieurs autres sources de droit. La Halde cite ainsi l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) - prévoyant que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur l'origine nationale, sauf à justifier d'un motif raisonnable et objectif - et l'arrêt Gaygusuz de la Cour européenne, qui a clairement acté que les prestations sociales constituent un droit patrimonial, couvert par l'article 14. Elle cite aussi l'article 8 de la CEDH, prévoyant que les Etats signataires doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes présentes sur leur territoire le droit au respect de la vie privée et familiale, ou encore la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour toutes ces raisons, la Halde a, dans huit délibérations successives, "relevé le caractère discriminatoire de ces dispositions et a recommandé au ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports d'initier une modification législative et réglementaire". Elle a également présenté des observations devant les juridictions saisies, qui l'ont toujours suivie sur le fond.
N'ayant reçu aucune réponse et estimant toujours que "les dispositions précitées du Code de la sécurité sociale sont contraires aux stipulations de la Convention européenne des droits de l'Homme ainsi qu'à celles de la Convention internationale des droits de l'enfant", la Halde demande à nouveau au ministre de la Santé, par cette démarche peu fréquente, "d'initier une modification de ces textes". Celle-ci ne serait pas sans intérêt pour les départements. Faute du versement des prestations familiales, ceux-ci peuvent en effet être amenés à intervenir par le biais de l'hébergement d'urgence ou de l'aide sociale à l'enfance.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, délibération 2008-179 du 1er septembre 2008 (à paraître au Journal officiel).