Projet de loi Grenelle 2 - Le Sénat a déjà examiné 850 amendements en commission
La commission des affaires économiques du Sénat a annoncé le 12 juin qu'elle avait adopté les titres I à IV du projet de loi portant engagement national pour l'environnement dit "Grenelle 2" qui vise à transcrire dans le droit les objectifs généraux définis par le projet de loi Grenelle 1, actuellement examiné par les députés en seconde lecture.
A ce stade, la commission sénatoriale a passé en revue quelque 850 amendements. Au titre I (bâtiment et urbanisme), elle a apporté plusieurs modifications importantes. Tout d'abord, à l'article 1er concernant la performance énergétique des bâtiments, le texte rend désormais obligatoire la mention de l'étiquette énergétique dans les annonces de vente et de location de biens immobiliers à partir du 1er janvier 2011. Il prévoit aussi que l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique à l'issue de l'achèvement des travaux (neuf ou rénovation thermique) ne pourra pas être réalisée par "ceux qui ont contribué, directement ou indirectement, au projet". En outre, la commission a fait préciser que les personnes qui établissent les diagnostics de performance énergétique (DPE) les transmettent à un organisme désigné par l'Etat non seulement à des fins d'études statistiques mais aussi "d'évaluation et d'amélioration méthodologique".
L'éco-prêt à taux zéro étendu aux communes
A l'article 2 (travaux dans les bâtiments tertiaires), les sénateurs de la commission ont souhaité étendre aux bâtiments existants "dans lesquels s'exerce une activité de service public" l'obligation de réaliser des travaux d'amélioration de la performance énergétique dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012. Ils ont aussi demandé à ce que les communes et intercommunalités bénéficient de l'éco-prêt à taux zéro pour financer les travaux. Dans les trois ans suivant l'application de la loi, le gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d'évaluation sur l'application de l'éco-prêt à taux zéro. Un amendement socialiste adopté par la commission prévoit en outre une limitation de la majoration du loyer à 50% de la réduction des charges résultant des travaux d'amélioration du logement.
A l'article 3 traitant des copropriétés, la commission sénatoriale a adopté plusieurs amendements. A l'obligation pour les syndics d'inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires suivant l'établissement d'un DPE la question d'un contrat de performance énergétique, elle a demandé l'ajout d'un plan de travaux d'économies d'énergie. La règle de la majorité simple pour réaliser des travaux d'économie d'énergie est étendue à toutes les copropriétés. Enfin, un amendement de Dominique Braye, l'un des trois rapporteurs du projet de loi, prévoit l'exclusion des travaux d'isolation par l'extérieur du calcul de la surface hors oeuvre afin d'"éviter l'effet dissuasif de la majoration des taxes d'urbanisme assises sur la surface hors oeuvre lorsque celle-ci se trouve accrue par des travaux d'isolation".
Concernant l'inopposabilité du refus de permis de construire lorsque la construction utilise des énergies renouvelables ou ENR (article 4), les sénateurs ont limité ce principe aux dispositifs domestiques de production d'ENR et introduit un délai de 6 mois après la publication de la loi pour l'entrée en vigueur de cette mesure. De plus, le caractère conforme de l'avis de l'architecte des bâtiments de France dans la procédure de délimitation du périmètre est supprimé.
A l'article 5 prévoyant la simplification des directives territoriales d'aménagement (DTA), la commission sénatoriale a précisé que les projets de nouvelles directives territoriales d'aménagement et de développement durable (DTADD) sont élaborés en "association" et non en concertation avec les collectivités territoriales. L'avis de ces dernières est également requis pour qualifier de projet d'intérêt général les projets de protection des espaces, les constructions, les travaux et les installations nécessaires à la mise en oeuvre des DTADD. Quant aux DTA en cours d'élaboration, elles pourront être achevées selon la procédure en vigueur avant la date de publication de la loi Grenelle 2.
Concernant les documents d'urbanisme (article 6), les sénateurs ont voulu introduire des objectifs de "maîtrise de l'énergie" et de "production énergétique à partir de sources renouvelables" aux objectifs généraux des documents d'urbanisme et supprimé dans cet article comme dans ceux consacrés aux schémas de cohérence territoriale (Scot) et aux plans locaux d'urbanisme (PLU) l'objectif de restauration des continuités écologiques en raison de l'"insécurité juridique" que cela risquait d'entraîner au niveau local.
La lutte contre l'étalement urbain inscrite dans le Scot
A l'article 9 consacré au verdissement et au renforcement des Scot, les sénateurs ont d'abord introduit un objectif de "lutte contre l'étalement urbain" dans le projet d'aménagement et de développement durable du Scot. Le document d'orientation du Scot précisant "les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers", peut également imposer "la réalisation d'une étude globale de densification des zones déjà urbanisées". Une "valeur limite" au "niveau maximal de densité de construction" pourra aussi être fixée par le document d'urbanisme. Les Scot devront aussi être compatibles "avec les directives de protection et de mise en valeur des paysages". De plus, "lorsqu'un Scot est approuvé après l'approbation d'un programme local de l'habitat ou d'un plan de déplacements urbains, ces derniers doivent, si nécessaire, être rendus compatibles dans un délai de trois ans". Dominique Braye a également obtenu l'extension du champ d'application du principe d'urbanisation limitée à toutes les communes situées à moins de 15 kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 15.000 habitants. La commission a adopté un amendement du groupe socialiste donnant la "possibilité à un syndicat mixte de Scot dont au moins deux membres sont des autorités organisatrices de transport urbain (Aotu) d'exercer certaines compétences en matière de transports et déplacement".
Le texte prévoit un renforcement du rôle des préfets lorsqu'ils constatent que l'absence de Scot nuit gravement à la cohérence des politiques publiques (urbanisme, habitat, développement économique, transports et déplacements). Les sénateurs ont ajouté le développement rural à cette liste. Ils ont aussi prévu que "tout établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de schéma de cohérence territoriale peut prendre l'initiative de proposer au préfet" d'engager cette procédure "en vue de l'extension du périmètre" de son Scot, le préfet n'étant pas "tenu par la liste des communes établie par l'autorité à l'initiative de la proposition". Les sénateurs ont ramené la périodicité de l'évaluation des résultats d'un Scot de 12 à 6 ans et ajouté les transports et les déplacements aux domaines passés en revue lors de cette évaluation. L'établissement public en charge du Scot "délibère" alors "sur son maintien en vigueur ou sur sa révision partielle ou complète". Les sénateurs ont aussi souhaité associer l'organisme gérant le Scot à l'élaboration d'un PDU et d'un PDH.
Des objectifs de modération de la consommation d'espace dans le PLU
A l'article 10, ils ont ajouté aux objectifs des plans locaux d'urbanisme (PLU) "les orientations générales des politiques d'aménagement et d'urbanisme". Le PLU "comporte un projet d'aménagement et de développement durable et peut comporter des plans de secteurs qui couvrent, chacun, l'intégralité du territoire d'une ou plusieurs communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale et qui précisent les orientations d'aménagement et de programmation ainsi que le règlement spécifique à ce secteur". Le PLU fixe aussi des "objectifs de modération de la consommation de l'espace". Dans le cas d'un PLU intercommunal, un vote "à la majorité renforcée" est nécessaire "pour outrepasser un avis négatif de plus de deux tiers des communes". Enfin, dans l'analyse décennale des résultats d'un PLU, les résultats relatifs à la consommation des espaces seront pris en compte.
A l'article 11, la commission sénatoriale a ajouté que "les équipements performants de récupération" pourront aussi dépasser, dans la limite de 30% les règles relatives au gabarit, à la hauteur, à l'emprise au sol et à la densité d'occupation des sols.
A l'article 13, Dominique Braye a obtenu la restriction du champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances pour simplifier le code de l'urbanisme. L'autorisation donnée au gouvernement ne doit ainsi pas permettre à celui-ci de "redéfinir le champ d'application des évaluations environnementales, de modifier les règles des taxes et participations d'urbanisme ni de réformer les dispositions contentieuses de ce code". La durée de l'habilitation est en outre ramenée de 30 à 18 mois. La commission a également modifié à l'article 14 la procédure d'appel contre les décisions de l'architecte des bâtiments de France à l'occasion des demandes de travaux dans les zones de protection du patrimoine architectural et paysager (ZPPAUP).
A l'article 15, l'un des autres rapporteurs du projet de loi, le sénateur Jean Bizet, a fait voter une dérogation à la loi Littoral pour permettre aux éleveurs de moutons de "pré-salé" de construire les bâtiments et installations nécessaires à cette activité.
Une taxe sur les plus-values immobilières liées aux infrastructures de transport
Sur le titre II (transports), la commission sénatoriale s'est prononcée en faveur de la création d'une taxe sur la valorisation des plus-values immobilières effectives liées à la réalisation d'une infrastructure de transport collectif. Cette mesure soutenue depuis longtemps par la commission permettra de répondre en partie à l'immense besoin de financement des projets de transport inscrits dans le Grenelle de l'environnement.
Sur le titre III (énergie et climat), la commission a notamment adopté des dispositions prévoyant la mutualisation des coûts des postes de transformation nécessaires au raccordement au réseau des installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Elle a maintenu la possibilité pour toute personne morale d'obtenir des certificats d'économie d'énergie et, pour la redevance sur les concessions hydroélectriques, conservé le principe d'un plafond qui sera fixé lors du renouvellement de chaque concession. En revanche, elle a reporté à sa prochaine réunion l'examen de l'article relatif aux éoliennes.
Sur le titre IV (biodiversité), la commission a créé des comités national et régionaux associant l'ensemble des acteurs concernés à l'élaboration et la gestion de la trame verte et bleue, prévu la compatibilité des documents d'urbansime avec les orientations nationales et les schémas régionaux de cette trame et supprimé le risque de caducité pesant sur ces derniers en cas d'absence de révision. Elle a également encadré les conditions d'acquisition de zones humides par les agences de l'eau. Enfin, elle a prévu un examen préalable de la conception des installations d'assainissement non-collectif lors du dépôt d'une demande de permis de construire ou d'aménager.
La commission se réunira une dernière fois le 8 juillet prochain pour examiner les titres restants du projet de loi (risques santé déchets, gouvernance et dispositions complémentaires). Conformément à la nouvelle procédure législative, la discussion en séance plénière prévue en septembre prochain s'engagera sur le texte issu de ses travaux.
Anne Lenormand