Archives

Commande publique - Le décret portant le seuil de 4.000 à 20.000 euros supprimé au 1er avril 2010 ?

Le Conseil d'Etat pourrait, s'il décidait de suivre les conclusions du rapporteur public présentées le 6 janvier 2010, annuler les dispositions du décret du 19 décembre 2008 rehaussant de 4.000 à 20.000 euros le seuil des marchés publics dispensés de publicité et de mise en concurrence préalable.
La modification de l'article 28 du Code des marchés publics (CMP) introduite par ce décret serait en effet contraire aux principes de la commande publique rappelés à l'article 1er du CMP. Plusieurs arrêts du Conseil d'Etat ont récemment rappelés que les principes communautaires et constitutionnels de liberté d'accès, d'égalité de traitement, de transparence des procédures et de bonne utilisation des deniers publics s'appliquaient à tous les marchés entrant dans le champ d'application du code, y compris ceux qui ne sont pas soumis à des procédures formalisées. Or, selon le rapporteur public, les dispositions du décret iraient à l'encontre de ces principes en permettant à l'ensemble des pouvoirs adjudicateurs de déroger à toute forme de publicité et de mise en concurrence pour tous leurs marchés de moins de 20.000 euros.
S'il est délicat d'obtenir des statistiques fiables sur le montant de ces petits marchés, leur montant cumulé, estimé à plus de 215 millions d'euros, n'est pas négligeable. Le décret pose problème car il dispense la plupart des marchés des petites collectivités de toute mesure de publicité et de mise en concurrence, aussi simples soient-elles, alors qu'il peut exister localement plusieurs opérateurs susceptibles de candidater.
Le rapporteur public ajoute que le gouvernement, en justifiant l'adoption de ce décret par la volonté de s'aligner sur les autres pays de l'Union européenne, est dans le faux : la situation observée dans ces pays est bien différente. L'Allemagne et l'Autriche disposent en effet d'un seuil de 50.000 euros mais ces pays exigent, en contrepartie, que des devis soient demandés et qu'une trace écrite soit conservée. Par conséquent, si aucune procédure formelle n'est prévue, il existe tout de même un cadre réglementaire minimum permettant d'assurer le respect des principes fondateurs du droit de la commande publique.
Le rapporteur a donc demandé au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 19 décembre 2008 en tant qu'il modifie l'article 28 du CMP. Mais il précise également que le principe de rétroactivité des décisions jurisprudentielle pourrait entraîner de sérieuses complications. Une annulation rétroactive signifie en effet que la procédure utilisée pour tous les marchés de moins de 20.000 euros passés entre fin 2008 et 2010 serait de facto irrégulière... ce qui ouvrirait la voie à un nombre considérable de contentieux.
L'insécurité juridique et les risques financiers que créerait une telle situation n'étant pas souhaitables en ces temps de crise économique, le rapporteur public propose donc de supprimer l'effet rétroactif de l'annulation et de lui donner un effet différé. Non sans ironie, la date d'effet de l'annulation, si elle devait être prononcée par le Conseil d'Etat, pourrait être fixée au 1er avril 2010.

 

L'Apasp