Lutte contre la fraude - Le décret conditionnant le RMI et l'API à une évaluation du train de vie sur le point de paraître

Le gouvernement se prépare à publier, "dans les prochains jours", un décret liant l'octroi du RMI et d'autres prestations à une évaluation des éléments de train de vie du demandeur. C'est ce qu'indique dans son édition du 9 janvier le quotidien économique La Tribune, qui s'est procuré un exemplaire du texte. Eric Woerth, le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, l'a confirmé le même jour en Conseil des ministres dans le cadre d'une communication relative à la lutte contre la fraude, qu'il s'agisse de fraude fiscale ou sociale, indiquant que "afin de mieux lutter contre la fraude aux prestations sociales, le décret permettant de prendre en compte le train de vie sera promulgué dans les jours à venir".
Selon La Tribune, "le droit au RMI sera ainsi remis en cause lorsque le montant de l'évaluation atteindra ou dépassera la moitié du montant annuel du revenu minimum". Ce texte - qui devrait aussi concerner la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de parent isolé (API) et la CMU complémentaire (CMU-C) - prendrait effet au 1er janvier 2008.
Si la date de parution de ce texte peut étonner - en plein déroulement du Grenelle de l'insertion -, son principe n'a en revanche rien de surprenant. Il s'agit en effet de l'application de l'article 132 de la loi du 21 décembre 2006 de financement pour la sécurité sociale pour 2007. Celui-ci - intégré aux articles L.262-10 du Code de l'action sociale et des familles et L.553-5 du Code de la sécurité sociale - prévoit en effet que "lorsqu'il est constaté par l'organisme local de sécurité sociale, à l'occasion de l'instruction d'une demande ou lors d'un contrôle, une disproportion marquée entre, d'une part, le train de vie du demandeur ou du bénéficiaire et, d'autre part, les ressources qu'il déclare, une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie est effectuée. Cette évaluation forfaitaire est prise en compte pour la détermination du droit à la prestation. Les éléments de train de vie à prendre en compte, qui comprennent notamment le patrimoine mobilier ou immobilier, sont ceux dont la personne a disposé au cours de la période correspondant à la déclaration de ses ressources, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit". L'allusion à l'étranger vise notamment le cas des ressortissants européens installés en France et disposant de revenus confortables dans leur pays d'origine, mais qui demanderaient néanmoins le RMI.
Le décret devrait fournir tous les éléments nécessaires pour procéder à cette évaluation dans un cadre objectif. Selon La Tribune, le décret retiendrait ainsi "un quart de la valeur locative annuelle de logement détenu ou occupé par l'allocataire, 80% du montant des dépenses de travaux, charges et frais d'entretien des immeubles, 80% des dépenses en personnels et services domestiques, 6,25% de la valeur vénale d'une voiture si elle dépasse 10.000 euros, 0,75% de la valeur des objets d'art, bijoux et métaux précieux, 80% des dépenses de voyages ou de clubs de sport".
La parution de ce décret ne constituera de toute façon qu'une étape, le gouvernement ayant l'intention d'aller plus loin dans la lutte contre la fraude. Lors du conseil des ministres du 11 octobre dernier (présentation du PLFSS 2008), Eric Woerth avait déjà dévoilé les grandes lignes de son plan de lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Celui-ci prévoit notamment la mise en place d'un numéro unique d'allocataire pour la fin de 2008 et la création d'un répertoire commun à tous les organismes sociaux. Dans sa communication en Conseil des ministres ce 9 janvier, Eric Woerth précise en outre notamment qu'une délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF) "sera opérationnelle d'ici fin avril 2008". Il s'agira, indique-t-il, d'une "structure légère et réactive, chargée de coordonner l'intervention des services de l'Etat et d'articuler leur intervention avec celle des organismes sociaux et, le cas échéant, des collectivités locales".
Si le montant total de la fraude est difficile à estimer, la Cnaf indiquait, dans sa conférence de rentrée du 27 septembre dernier, que les fraudes recensées en 2006 sur toutes les prestations qu'elle verse s'élevaient à 35,1 millions d'euros. Le RMI et l'API arrivent en tête de ce "palmarès", qui ne concerne toutefois que les fraudeurs qui se sont fait prendre.

 

Jean-Noël Escudié / PCA