Lutte contre l'exclusion - Le CNLE sceptique sur la concrétisation de l'objectif de baisse de la pauvreté
Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) rend public un avis sur le deuxième rapport annuel relatif au suivi de l'objectif de baisse de la pauvreté en France, remis par le gouvernement au Parlement en février dernier (voir notre article ci-contre du 10 février 2011). Le principal enseignement de ce rapport était que le taux de pauvreté monétaire ancré dans le temps (autrement dit augmenté des effets de l'inflation) a diminué de 11% en deux ans pour atteindre 11,6% de la population au 31 décembre 2008.
Un outil utile, mais imparfait
Dans son avis, le CNLE estime que cet outil "offre une synthèse générale de nombreux aspects concernant les situations et risques de pauvreté ou d'exclusion dans notre pays", validant ainsi le travail réalisé par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes). Le Conseil estime d'ailleurs que la publication de ce rapport devrait bénéficier à l'avenir d'une plus grande régularité "pour devenir un vrai rendez-vous annuel sur les engagements et les politiques".
Sur le fond, le CNLE - présidé par Etienne Pinte, député (UMP) des Yvelines - est toutefois plus circonspect et fait part d'un certain nombre de "points de vigilance". Il rappelle tout d'abord que le bon résultat enregistré par le rapport - et qui pourrait permettre au gouvernement de tenir son objectif d'une diminution de la pauvreté monétaire d'un tiers en cinq ans - "ne reflète pas encore toute l'ampleur de la crise survenue au dernier trimestre 2008". Il juge ainsi "regrettable" ce décalage temporaire, dans la mesure où il "limite l'ambition du document qui est de mettre en regard des politiques nationales avec des indicateurs de mesure de la pauvreté". Le CNLE constate également que l'intensité de la pauvreté ne diminue pas depuis 2000. Autrement dit, il n'y a pas de diminution de la grande pauvreté depuis près de dix ans et ce phénomène pourrait s'accentuer. Le Conseil redoute également "que la montée et la persistance du chômage de longue durée ne deviennent l'un des problèmes les plus aigus à affronter, en particulier pour les travailleurs âgés et les jeunes". Il demande donc aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux de mettre en place des actions de prévention du chômage de longue durée et d'accompagnement des demandeurs d'emploi.
L'impact du RSA surévalué ?
La question du chômage des jeunes est une autre préoccupation : alors que l'objectif est une baisse de 3,3 points en cinq ans, le taux de chômage des 18-24 ans a progressé de 2,5 points entre 2002 et 2008. L'avis du CNLE insiste aussi sur la nécessité de travailler rapidement à une amélioration de la qualité des emplois, à travers une plus grande stabilité des contrats, une diminution des temps partiels contraints et une progression ou une meilleure reconnaissance des qualifications.
Enfin, le CNLE regrette "que le rapport transmis au Parlement détaille la liste des actions entreprises en matière de lutte contre la pauvreté sans pouvoir mentionner d'estimation de l'effet quantitatif attendu de chacune d'entre elles". Il s'interroge notamment sur la pertinence de l'optimisme affiché sur le RSA activité. Selon lui en effet, l'importance attribuée à cette prestation "comme pierre angulaire des politiques d'inclusion sociale pose question", pour au moins deux raisons. D'une part, l'étude menée en 2009 par la Drees et l'Insee concluait à un impact limité sur le taux de pauvreté (0,4 point sur le taux de pauvreté, soit environ -3%, et 1,6 point de diminution de l'intensité de la pauvreté), alors que le rapport transmis au Parlement table sur un impact de 15%. D'autre part, la montée en charge du RSA activité est "pour l'instant bien inférieure aux prévisions, n'atteignant qu'environ un tiers des bénéficiaires attendus par les simulations initiales", ce qui pèse nécessairement sur son impact d'ensemble.
Ces constats amènent le CNLE à formuler un certain nombre de préconisations pour le futur rapport 2011. Il recommande ainsi d'approfondir un certain nombre d'indicateurs, et notamment ceux relatifs à l'impact du droit au logement opposable (Dalo) sur le logement des ménages les plus pauvres et ceux permettant de mesurer l'accès des familles les plus précarisées aux dispositifs d'accueil de la petite enfance. Le CNLE suggère également de veiller à une "meilleure explicitation de l'articulation entre les objectifs nationaux présentés dans le rapport et ceux de la déclinaison française de la Stratégie Europe 2020".