Dépendance - Le chantier du cinquième risque s'accélère... mais conserve son calendrier initial
Au lendemain du remaniement gouvernemental, le chantier du cinquième risque, désormais érigé au rang de priorité de l'action gouvernementale, s'est brusquement accéléré. Une accélération qui doit moins au calendrier - inchangé - qu'à l'engagement de l'exécutif dans le dossier. Très discret jusqu'à présent sur le sujet, François Fillon a ainsi pris les devants à l'occasion de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 16 novembre. Le Premier ministre a indiqué aux députés que "conformément aux engagements que le président de la République a pris, nous allons ouvrir - et ce sera la responsabilité de Mme Roselyne Bachelot - le grand chantier de la dépendance, afin de trouver les moyens, notamment financiers, d'assurer une fin de vie décente à l'ensemble de nos concitoyens". Il n'a toutefois pas évoqué d'échéance ni même fait allusion à la création d'un cinquième risque. Il est vrai que le Premier ministre avait annoncé en juin dernier que la création du cinquième risque serait adoptée avant la fin 2010 et "opérationnelle" en 2011, ce qui n'est plus d'actualité. En revanche, François Fillon a indiqué que "même si tel n'est pas son principal objectif, cette réflexion sur la dépendance sera l'occasion d'apporter des réponses concrètes aux difficultés sérieuses de financement que rencontrent les départements". Il n'a pas précisé quel sera le lien entre la réforme de la dépendance et l'allègement des charges qui pèsent sur les départements, mais celui-ci pourrait bien passer - dans le prolongement du rapport de Valérie Rosso-Debord - par la remise en cause du versement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) aux personnes classées en GIR 4 (voir notre article ci-contre du 25 juin 2010). Cette annonce d'un lien entre cinquième risque et allègement des charges départementales précède ainsi la création du fonds d'aide pour les départements en difficulté financière, doté de 150 millions d'euros et présenté au Conseil des ministres du 17 novembre, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010.
Intervenant après le Premier ministre dans la même séance de questions, Roselyne Bachelot-Narquin - la nouvelle ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale - s'est voulue rassurante en affirmant "que les propositions des conseils généraux [sur la dépendance, ndlr] seront entendues, avec d'autres". Interrogée par Marie-Françoise Pérol-Dumont - députée et présidente du conseil général de la Haute-Vienne - sur la possible remise en cause de l'APA pour le GIR 4 (plus de 470.000 bénéficiaires actuellement), la ministre s'est bien gardée de démentir ni de confirmer, se contentant de "rendre hommage à l'excellent travail qui a été accompli par Valérie Rosso-Debord".
Le choix du PLFSS
La séquence s'est achevée par l'intervention télévisée du chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy s'est fait plus précis en déclarant souhaiter "la création, pour la première fois depuis 1945, d'un nouveau risque, d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, le cinquième risque". Sur le calendrier de la réforme, il s'est strictement conformé à ce qu'il avait déjà indiqué : une "grande consultation" de six mois avec tous les acteurs concernés (y compris les organisations syndicales), des décisions à l'été 2011 et un projet de loi examiné à la rentrée. Dans le contexte de rigueur sur les budgets et les comptes sociaux, le chef de l'Etat s'est dit conscient de "l'impasse financière considérable" d'une telle réforme. Il a néanmoins évoqué - sous une forme interrogative et en se gardant de trancher - trois sources possibles de financement, alternatives ou cumulatives : un système assurantiel (recours plus ou moins étendu aux mutuelles et aux assurances, avec une éventuelle incitation fiscale), augmentation de la CSG et introduction d'un recours sur succession (financement différé). En revanche, l'idée de l'instauration d'une seconde journée de solidarité n'a pas été évoquée. La principale nouveauté reste toutefois l'annonce par Nicolas Sarkozy qu'"il y aura dans le PLFSS [projet de loi de financement de la sécurité sociale, ndlr], le budget de la sécurité sociale 2012, un système qui permettra d'apporter une réponse à l'angoisse de la dépendance". Le choix du PLFSS comme support législatif de la mise en place du cinquième risque peut en effet s'interpréter de deux façons : la volonté de ne pas retarder la réforme en échappant - via le PLFSS - au traditionnel encombrement parlementaire du dernier trimestre ou le choix d'une réforme a minima, dont le contenu limité s'accommoderait mal d'un texte spécifique."
Réagissant mercredi dans un communiqué aux propos du chef de l'Etat, Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), souligne que "les présidents de conseils généraux estiment que le coût [...] doit impérativement être couvert par la solidarité nationale" et que "le recours au système assurantiel" ne pourra "qu’aggraver les inégalités sociales". Il assure enfin que l'ADF "tiendra toute sa place dans ce débat qu’elle a déjà lancé avec ses partenaires depuis plusieurs mois".
Jean-Noël Escudié / PCA