Dépendance - L'Igas propose de transférer aux départements la compétence sur les GIR 5 et 6 de l'APA
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publie un rapport qui ne manquera pas d'intéresser les conseils généraux, à un moment où les relations entre les départements et l'Etat sont quelques peu tendues sur le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et sur d'autres allocations de solidarité. Le document est une synthèse des enseignements à tirer des contrôles menés en 2009 et 2010 sur la gestion de l'APA dans six départements : Côte d'Or, Corse-du-Sud, Hérault, Pas-de-Calais, Seine-Maritime et Yvelines. Le rapport tire également parti des informations issues d'une mission similaire menée l'an dernier sur quatre autres départements : Ain, Bouches-du-Rhône, Haute-Corse et Eure-et-Loir. Les conclusions posées à l'époque (voir notre article ci-contre du 12 octobre 2009) se trouvent d'ailleurs largement confirmées par les six contrôles supplémentaires.
Si le ton du rapport est modéré, l'Igas constate que "les conseils généraux se sont bien investis dans la gestion de l'APA" mais que "des points faibles subsistent". Elle relève notamment la nécessité de renforcer la maîtrise des dépenses et des évaluations. L'Igas présume même "une dérive dans l'ouverture des droits dans au moins deux des quatre départements caractérisés par la proportion élevée du nombre de leurs bénéficiaires". Même dans les autres département, le rapport affirme que des économies restent possibles grâce à un meilleur cadrage des évaluation et des contenus du plan d'aide, ainsi qu'à un renforcement "de la rigueur des contrôles".
Les procédures de traitement et de prise de décision sur l'APA mériteraient également une "mise au point", afin de permettre une attribution plus rapide. Contrairement à la direction générale de la cohésion sociale, prête à des aménagements sur le sujet, l'Igas estime que le passage du délai légal de deux à trois mois "ne paraît pas acceptable". Pour mettre un terme aux difficultés soulevées par le financement d'aidants familiaux par l'APA au titre de l'aide à domicile, elle est en revanche favorable à l'idée de subordonner ce type d'emploi à l'accord express du président du conseil général, après évaluation médicosociale. Sur la question de la participation des usagers au financement du plan d'aide, l'Igas s'inquiète de la question de l'opposabilité ou non des tarifs de l'aide à domicile. Elle estime nécessaire de "consolider" la possibilité - qui manque aujourd'hui de bases légales - de tarifs plafonds opposables aux services d'aide à domicile.
Sur les relations, parfois tendues, entre les caisses de retraite et les départements à propos de la prise en charge des personnes âgées, l'Igas se prononce pour une complète remise à plat. Elle se déclare notamment favorable à "un scénario ambitieux transférant, en matière d'aide à domicile, la compétence pour les GIR 5 et 6 [les personnes les moins dépendantes, NDLR] aux départements". Cette proposition figurait déjà dans le rapport Gisserot en 2005 et dans celui de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de l'Assemblée nationale sur "l'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale des collectivités territoriales" (voir notre article ci-contre du 22 février 2007), mais sa reprise par l'Igas à l'approche du débat sur le cinquième risque lui donne un relief particulier. L'Inspection générale voit dans une telle mesure un intérêt en termes de continuité de la prise en charge et d'économies de gestion (en mettant fin aux doubles instructions et évaluations de dossiers). L'enjeu financier n'est pas négligeable - sans être pour autant considérable -, puisque la Caisse nationale d'assurance vieillesse a prévu en 2010 une enveloppe de 332 millions d'euros pour l'évaluation des besoins et l'aide à domicile. A défaut de ce scénario audacieux, l'Igas préconise de renforcer la coordination entre caisses de retraite et départements, en confiant du même coup au régime général une compétence d'action sociale pour attribuer des aides à domicile en lieu et place des régimes qui n'attribuent que peu ou pas d'aides de ce type à leurs assurés (cas du régime des fonctionnaires notamment) et des petits régimes de retraite.
Jean-Noël Escudié / PCA