Logement - L'Assemblée nationale débat de la mise en oeuvre du Dalo
A la demande du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, l'Assemblée nationale a organisé, le 18 février, un débat sur l'application du droit au logement opposable (Dalo) créé par la loi du 5 mars 2007. Le groupe socialiste avait à l'époque soutenu le principe du Dalo, mais s'était abstenu lors du vote sur l'ensemble du projet de loi, "considérant que le texte relevait de l'affichage et n'était accompagné d'aucune mesure pour être concrétisé sur le terrain". S'appuyant notamment sur le récent rapport de la Fondation Abbé-Pierre (voir notre article ci-contre du 2 février 2010) et sur le rapport 2009 du Conseil d'Etat intitulé "Droit au logement, droit du logement" (voir notre article ci-contre du 11 juin 2009), l'opposition considère aujourd'hui que les résultats du Dalo ne sont pas à la hauteur des attentes suscitées par le dispositif, seuls 40% des ménages reconnus prioritaires ayant été effectivement relogés.
Pas de Dalo sans logements sociaux
Jean-Yves Le Bouillonnec, député du Val-de-Marne qui introduisait le débat, reconnaît cependant que "pour avoir une approche pertinente de la mise en oeuvre du Dalo, il convient de privilégier une approche territorialisée". Celle-ci met en évidence l'extrême concentration des recours (66% du total) sur Paris et l'Ile-de-France. Autre reproche formulé à l'encontre du Dalo, notamment par Pierre Gosnat, député du Val-de-Marne (gauche démocrate et républicaine) et Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis (SRCD) : l'insuffisance de l'offre de logements HLM, qui ne permet pas de dégager suffisamment de débouchés pour les bénéficiaires du dispositif.
Pour sa part, Jérôme Bignon, député de la Somme (UMP) et ancien membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées lors de l'élaboration du concept de droit au logement opposable, rappelle que le Dalo n'était pas supposé résoudre "par un coup de baguette magique" des difficultés récurrentes depuis plusieurs décennies. Mais il constitue cependant une avancée importante, même si l'effort doit encore être amplifié. Les principaux axes de progrès en la matière résident dans l'augmentation de la production de logements sociaux (déjà passée de 40.000 en 2000 à 125.000 en 2009), la mise en place d'un "accompagnement social pour gérer la demande et l'attribution des logements sociaux" et la lutte contre l'habitat indigne. Etienne Pinte, député des Yvelines (UMP), pointe plutôt le manque de PLAI (logements très sociaux), de logements passerelles et de logements adaptés. Il regrette également que le décret d'application de la disposition de la loi de mobilisation pour le logement du 25 mars 2009 autorisant l'expérimentation d'un système d'occupation temporaire alternatif à la réquisition (voir notre article ci-contre du 18 janvier 2010) "multiplie les obstacles et les contraintes administratives en tout genre".
Les quatre enseignements du Dalo
Dans sa réponse, Benoist Apparu, le secrétaire d'Etat au Logement, tire quatre enseignements de la mise en oeuvre du Dalo. Le premier est "qu'il y a bien en France deux types de territoires", avec une concentration des recours dans une douzaine de départements. Seconde leçon à tirer : "le Dalo met en lumière des blocages importants pour l'accès au logement de certains de nos concitoyens", avec des personnes qui se présentent devant les commissions et sont parfois prioritaires depuis plusieurs années au titre du plan départemental pour le logement des plus défavorisés (PDALPD). Le troisième enseignement réside dans l'émergence d'une demande sociale insuffisamment prise en compte par les politiques locales de l'habitat. Enfin, le Dalo a mis en lumière "la nécessité de réformer notre politique de prise en charge des personnes à la rue".
Benoist Apparu insiste également sur la fréquente inadaptation des logements aux besoins sociaux, avec la nécessité de "construire des logements soit plus petits, soit beaucoup plus grands que ceux que nous construisons aujourd'hui" et de réorienter l'effort de construction vers les zones les plus tendues. Conséquence : "dès cette année, les objectifs de construction seront donc très clairement en baisse dans certains territoires pour permettre d'intensifier les efforts là où les besoins sont les plus aigus". Le secrétaire d'Etat a également confirmé que le gouvernement n'entendait pas mobiliser les logements vacants en les réquisitionnant, ce qui serait contre-productif en adressant "un message négatif" à l'ensemble des propriétaires. Il s'est également refusé à opposer les dispositifs entre eux, considérant notamment que le dispositif Scellier, en développant l'offre locative intermédiaire, contribue à la fluidité du parc de logements, en particulier dans les zones tendues. Sur le cas particulier de l'Ile-de-France, Benoist Apparu a indiqué que la récupération du contingent préfectoral doit permettre d'offrir 5.000 nouvelles réponses par an aux publics relevant du Dalo. Il s'est également déclaré favorable à la proposition de loi déposée par Sébastien Huyghe, député du Nord, et plus de 70 députés du groupe UMP, afin d'augmenter les astreintes financières pour inciter les propriétaires de logements insalubres à réaliser des travaux. Enfin, Benoist Apparu a réaffirmé tenir "absolument à ce que les organismes HLM respectent l'objectif de 40.000 logements vendus par an, sur lequel ils se sont engagés".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Assemblée nationale, débat sur l'application du droit au logement opposable, deuxième séance du jeudi 18 février 2010.
Les derniers chiffres autour du Dalo
Comme toujours lors de ces débats parlementaires sans vote, l'intervention du gouvernement a été l'occasion de rendre publics les derniers chiffres disponibles sur le sujet traité. Benoist Apparu a ainsi indiqué que 21.600 PLAI (prêts locatifs aidés d'intégration) ont été financés en 2009, soit cinq fois plus qu'en 2000. Il a également affirmé que le programme d'intermédiation locative, lancé à la fin de 2008, a permis de reloger, en Ile-de-France, 1.200 personnes dont la grande majorité était jusqu'alors hébergée à l'hôtel. Le secrétaire d'Etat au Logement a reconnu la baisse des aides à la pierre en 2010, mais a réaffirmé que 90% du financement du logement social provient non pas des aides à la pierre, mais des prêts et des aides fiscales. Sur ce dernier point, il a indiqué que les aides non-budgétaires accordées par l'Etat à la construction d'un logement social de type PLUS (prêt locatif à usage social) ont représenté en moyenne 38.000 euros en 2008, contre 18.500 euros en 2004. A noter : Le secrétaire d'Etat a aussi mis en cause la politique de logement social à Paris, en indiquant que, sur les 6.000 logements annuels réalisés dans le cadre de la délégation des aides à la pierre, 3.000 le sont en acquisition-réhabilitation, dont 80% pour des logements déjà occupés, qui n'augmentent donc pas l'offre globale d'habitat. Un point qui devrait être revu lors de la prochaine négociation de la délégation.