Habitat - Le Conseil d'Etat veut "reconstruire le droit au logement"
Le Conseil d'Etat consacre son rapport annuel 2009 au thème "Droit au logement, droit du logement". Ce rapport, qui doit être publié prochainement à la Documentation française, se fixe comme ambition de "comprendre pourquoi la France ne construit pas assez de logements ou ne les construit pas assez bien, malgré l'amélioration tangible des dernières décennies". A travers ses propositions, le Conseil d'Etat entend "ne pas faire une grande loi de plus, mais reconstruire les droits du et au logement". Pour cela, le rapport procède à une analyse détaillée des politiques du logement, en particulier à travers leurs - nombreuses - traductions juridiques. La construction législative et réglementaire du droit au logement est pourtant relativement récente, puisque sa première apparition remonte à la loi du 22 juin 1982 sur les droits et obligations des locataires, dont l'article 1er indique que "le droit à l'habitat est un droit fondamental". D'autres textes sont ensuite venus préciser le contenu de cette notion, comme la loi du 31 mai 1990 sur la mise en oeuvre du droit au logement, la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions ou la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable.
Malgré la construction de ce corpus juridique, l'accès au logement demeure encore "un parcours du combattant". Le rapport passe en revue les difficultés d'application et les limites de la notion de droit opposable au logement (Dalo), au premier rang desquelles figurent la difficulté d'ajustement entre l'offre et la demande, mais aussi "l'effacement progressif" de l'Etat après la période de la reconstruction, au profit du marché puis, dans un deuxième temps, des collectivités territoriales. Sur ce dernier point, le Conseil d'Etat relève que "la décentralisation entamée en 1982 l'a [NB : l'Etat] en particulier privé de la maîtrise sur l'urbanisme et le foncier. Un malthusianisme local et un éclatement de la gouvernance entre une multitude d'acteurs - ayant l'aptitude à se paralyser mutuellement - en ont résulté".
A partir de ce constat, le Conseil d'Etat formule un ensemble de propositions intéressantes, même si elles n'ont pas toujours l'aspect de refondation ex nihilo revendiqué en introduction. En matière de développement de l'offre, le rapport propose ainsi de "mieux articuler" les documents d'urbanisme (Sdau, POS et PLU) et ceux relatifs à l'habitat (PDH et PLH) et de fixer une obligation de 20% de logement sociaux pour tout programme immobilier de plus de dix logements. Il invite également à revisiter des pans importants du droit du logement. Sur ce point, il estime que les collectivités territoriales devraient davantage utiliser la constitution de réserves foncières, pour laquelle il existe déjà un cadre juridique adapté. Sur la gouvernance, le rapport propose de promouvoir un "partenariat décentralisé" permettant de "favoriser une responsabilisation accrue des collectivités territoriales, en veillant au maintien d'un financement étatique prépondérant". Cette décentralisation devrait se faire principalement au profit des intercommunalités, "sauf en région parisienne où le niveau régional apparaît être le seul pertinent". Le rapport demande par ailleurs à l'Etat de renoncer à ses objectifs annuels de ventes de logements HLM.
Enfin, sur la mise en oeuvre du Dalo, le Conseil d'Etat préconise de développer les outils d'évaluation et d'aide à la décision et d'"investir massivement" dans la connaissance de la demande. Il propose aussi d'abandonner la fixation d'un objectif annuel de production de logements, pour se centrer sur le seul logement social et de fixer un effort budgétaire minimal "autour de 2% du PIB". Au passage, le Conseil d'Etat propose de mettre à jour un certain nombre de notions fondamentales comme celles de sur et de sous-occupation, les indices d'indexation des loyers ou l'indice du coût de la construction.
Dans un communiqué du 10 juin, la ministre du Logement "salue le travail juridique du Conseil d'Etat qui permettra de faire progresser le droit au logement opposable (Dalo) dans notre pays et de faciliter l'accès pour tous à un logement décent". Christine Boutin rappelle néanmoins "que les lois successives ont permis de donner une plus grande efficacité à la politique du logement". Elle considère aussi que "plusieurs problèmes évoqués par le rapport ont déjà trouvé une solution dans la loi qu'elle a défendue au Parlement" : assouplissement des règles d'urbanisme pour construire davantage, mobilité au sein du parc HLM et surloyers, garantie des risques locatifs, meilleure articulation entre le Dalo et la lutte contre l'habitat indigne, prévention des expulsions ou pilotage plus efficace de la politique d'hébergement.
Jean-Noël Escudié / PCA