Archives

Logement - Les associations sceptiques face la suspension des expulsions locatives

Christine Boutin a annoncé le 12 mars, à l'occasion d'un déplacement à Châlons-en-Champagne et à trois jours de la fin de la trêve hivernale, que "cette année, il n'y aura plus personne à la rue en conséquence d'une expulsion", tout en précisant que cette décision ne devra pas porter préjudice aux petits propriétaires "confrontés notamment à des situations d'impayés de loyers". De fait, les mesures annoncées n'empêchent pas les expulsions, mais en atténuent les effets en renforçant la prévention et en obligeant à la recherche d'une solution de relogement. Une lettre aux préfets, datée également du 12 mars, précise les modalités à mettre en oeuvre. Celles-ci concernent également très directement les départements. Ainsi, dès la promulgation de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (en cours d'examen par le Conseil constitutionnel), les préfets sont invités à mettre en place "sans délai", avec les présidents de conseils généraux et les caisses d'allocations familiales, les commissions de prévention des expulsions, désormais rendues obligatoires par la loi. Ils sont également conviés à examiner "avec les départements" les conditions d'attribution des aides accordées par le fonds de solidarité pour le logement (FSL) aux personnes en situation d'impayés ou menacées d'expulsion. Enfin, pour prévenir les expulsions, les préfets sont invités à rechercher, en priorité et sur place, une solution d'intermédiation locative par le biais d'une association ou d'un bailleur social.
Par ailleurs, si le concours de la force publique est néanmoins requis par le juge, le préfet devra, dès réception de la demande, rappeler aux occupants concernés la possibilité de saisir la commission de médiation Dalo (droit au logement opposable). Si le concours de la force publique est finalement accordé pour exécuter la décision judiciaire d'expulsion, le préfet devra veiller "dans tous les cas à ce qu'une proposition au moins d'hébergement provisoire soit faite aux personnes" (dans l'attente d'une solution plus durable par le biais de la commission de médiation). Le délégué général à la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées sera chargé de faire remonter et de diffuser les bonnes pratiques en la matière.
Ces annonces n'ont pas vraiment convaincu les associations, qui souhaitaient un moratoire sur les expulsions compte tenu de la crise économique. La Fondation Abbé Pierre évoque ainsi des "propos généreux, mais peu concrets". La Confédération nationale du logement et le DAL (Droit au logement) jugent pour leur part la proposition insuffisante. Ils craignent notamment que les préfets multiplient les propositions d'hébergement temporaire, plutôt que de proposer des offres de relogement durables. Le collectif des 32 associations intervenant en faveur du logement des plus démunis a donc maintenu sa manifestation du 16 mars place de la République à Paris, qui devrait voir notamment l'érection d'une montagne de matelas.

 

Jean-Noël Escudié / PCA