Finances locales - L'agence de financement des investissements locaux officiellement créée
Les responsables de onze collectivités se sont réunis, le 22 octobre, au siège de l'Association des maires de France (AMF) à Paris, pour donner officiellement naissance à l'Agence France locale (AFL), un outil de financement des investissements locaux que les élus ont obtenu de haute lutte, notamment face à l'administration de Bercy. En tant que membres fondateurs, les représentants de la région Pays de la Loire, de trois départements (Aisne, Essonne, Savoie), de quatre communautés urbaines ou d'agglomération (Lille, Lyon, Valenciennes, Vallée de la Marne) et des villes de Bordeaux, Grenoble et Lons-le-Saunier étaient présents pour cet événement historique.
Un peu plus de trente ans après les lois de décentralisation Mauroy-Defferre, la décision obtenue avec l'accord du gouvernement, révèle que "l'Etat fait confiance aux collectivités locales", a estimé Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, venue pour l'occasion avec la ministre déléguée en charge de la décentralisation, Anne-Marie Escoffier.
La naissance de la structure traduit aussi l'émancipation et la maturité des collectivités françaises, qui seules, sans que l'Etat ne les y pousse, se sont organisées pour parvenir à créer une solution nouvelle de financement de leurs investissements. Un outil dont l'Etat est totalement absent. Le conseil d'administration de la société territoriale, entité qui décidera des orientations stratégiques, sera en effet exclusivement composé des représentants des collectivités membres. On notera au passage que cette structure sera distincte de la société financière, qui avec ses professionnels de la finance, réalisera les opérations sur les marchés.
Garantie solidaire des collectivités
L'Etat n'apportera pas non plus sa garantie. A la place, les fondateurs de l'agence ont prévu de multiples verrous de sécurité. D'abord, l'agence répondra à toutes les règles de la réglementation de Bâle 3. Surtout, en cas de défaut de paiement, l'agence pourra compter sur "un mécanisme de garantie solidaire limité", représentant 0,8% des encours de chaque collectivité. Or, à ce jour, les adhérents de l'agence ont "une solidité remarquable", a fait valoir Jacques Pélissard, président de l'AMF et du conseil d‘administration de la nouvelle Société territoriale. Dernière règle de sécurité : la santé financière des collectivités sera vérifiée non seulement avant la demande d'adhésion, mais aussi avant toute nouvelle demande de prêt, ce qui permettra de détecter une éventuelle dégradation de la situation financière de la collectivité.
La mise au point de ces précautions a permis de venir à bout des "fortes réticences" longtemps exprimées par Bercy, comme l'a reconnu elle-même Marylise Lebranchu. La détermination sans faille des élus locaux et le soutien de l'exécutif au plus haut niveau en faveur du projet d'agence, ont contribué aussi, bien sûr, à lever les réserves.
Une agence au service de ses adhérents
Compte tenu des délais liés à la délivrance de l'agrément par l'Autorité de contrôle prudentiel – le dossier lui sera remis en janvier prochain – l'Agence France locale ne lancera ses premiers emprunts auprès des marchés financiers qu'à compter de l'automne 2014. Les fonds trouvés directement sur les marchés seront exclusivement réservés au financement des investissements des adhérents. Aujourd'hui au nombre de onze, ceux-ci seront prochainement rejoints par trente autres collectivités. Après ces adhésions, l'Agence devra faire face à un besoin potentiel de financement de l'ordre de deux milliards d'euros, a précisé Gérard Collomb, président du Grand Lyon et vice-président du conseil d'administration de la Société territoriale. A terme, l'objectif des responsables de l'agence est de parvenir à emprunter quatre milliards d'euros sur les marchés financiers, soit environ le quart de l'endettement annuel des collectivités françaises.
Selon le président de l'AMF, toutes les collectivités ont la possibilité d'adhérer à l'agence. Les grandes comme les petites seront accueillies dans les même conditions. "C'est un principe fondateur", a-t-il souligné. En précisant que le sort réservé aux dossiers différera simplement en fonction du risque et de la notation financière.
Les conditions de prêts obtenues via l'agence devraient être plus avantageuses que celles des crédits bancaires classiques. En Suède, Kommuninvest est ainsi parvenue à décrocher des taux supérieurs de seulement dix points de base à ceux de l'Etat suédois. Un exemple que les élus français veulent suivre.
Un outil complémentaire de l'offre bancaire
L'agence proposera des crédits de toute durée. Mais s'agissant des emprunts de très longue durée, "on n'est pas forcément les mieux placés par rapport à la Caisse des Dépôts", a indiqué Jacques Pélissard, pour qui l'établissement public est "un outil remarquable".
La présence de l'agence sur le marché du financement des collectivités, aujourd'hui occupé par une poignée d'acteurs, déclenchera un "cercle vertueux", espère Michel Destot, député-maire de Grenoble et président de l'Association des maires de grandes villes de France. "Les contrats pourront être conclus dans de bien meilleures conditions, tant en quantité qu'en qualité et dans des délais d'obtention beaucoup plus restreints". Un sentiment que partage Jacques Pélissard : "Toutes les collectivités bénéficieront de l'émulation qui sera créée".
Si l'agence devait connaître le succès espéré, il n'est en tout cas pas question qu'elle chasse les banques du financement des collectivités. "Nous voulons un partage du marché", affirme Jacques Pélissard. Pour respecter ce principe, une collectivité ne pourra pas recourir à l'agence pour plus de la moitié de ses besoins d'emprunts.