Archives

Finances - Les collectivités lancent leur propre outil de financement

Les élus ayant travaillé à la préfiguration d'une agence de financement des collectivités l'ont fait savoir ce 20 septembre : cette agence, qui accordera des prêts aux collectivités sans passer par l'intermédiaire des banques, sera créée d'ici un an. Les textes législatifs sont prêts. Et les témoignages de collectivités confrontées à une offre de crédit à la fois rare et chère confirment la pertinence du projet.

Une Agence de financement des investissements locaux verra bien le jour. Les membres de l'Association d'étude pour l'agence de financement des collectivités locales (AEAFCL) - créée en avril 2010 à l'initiative des présidents de trois grandes associations d'élus locaux (AMF, Acuf et AMGVF) -, l'ont confirmé ce mardi 20 septembre à l'issue de leur assemblée générale. Ce n'est certes pas une surprise, sachant, qu'en juillet dernier, les travaux de préfiguration de cette agence étaient déjà bien avancés (voir ci-contre notre article du 22 juillet). A peu près au même moment, la Cour des comptes avait, dans son rapport sur la gestion de la dette publique locale, accrédité le principe de création d'une telle structure. La Cour avait certes accompagné cet avis favorable d'un certain nombre de conditions de réussite – autant de conditions qui semblent être parfaitement remplies par le projet de l'AEAFCL.
Cette agence de financement devrait être sur pied d'ici un an et être en mesure de lancer ses premières opérations avant fin 2012. Une proposition de loi devrait ainsi être déposée prochainement – un projet de texte a été préparé – et une première brique devrait être introduite par voie d'amendement dans le projet de loi de finances pour 2012. Etant donné le contexte de crise de liquidité bancaire qui affecte aujourd'hui les collectivités, les élus n'ont visiblement pas envie de traîner. Ce contexte, relève par exemple Gérard Collomb, le président de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf), a de surcroît "fait évoluer l'opinion des interlocuteurs gouvernementaux" qui étaient au départ quelque peu dubitatifs sur l'intérêt et la faisabilité d'une agence de financement. "Du fait de Bâle III et ses nouvelles normes prudentielles bancaires, nous avons dû avancer rapidement", ajoute Gérard Collomb.

Quand les banques refusent de prêter

"Alors qu'auparavant, les collectivités bénéficiaient de réelles facilités de crédit, la crise financière et Bâle III ont totalement changé la donne", confirme Charles-Eric Lemaignan, président délégué de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). Une enquête menée par les associations d'élus auprès des collectivités en témoigne largement : les refus de financement opposés par les banques sont désormais monnaie courante, y compris de la part d'établissements qui répondaient encore favorablement aux demandes en 2010. Et "même pour des montants relativement modestes, de moins de 10 millions d'euros, les offres individuelles [des banques] correspondant à la totalité de la demande deviennent rares. Le volume moyen proposé par les banques est de 28% de la somme demandée, hors réponses négatives. Dans une majorité de cas, "les collectivités se voient donc contraintes de démultiplier les emprunts auprès de plusieurs prêteurs afin de parvenir au volume souhaité", poursuit la synthèse des résultats de cette enquête (disponible dans le dossier de presse en lien ci-contre). Les communes de plus de 50.000 habitants semblent les plus touchées : les grandes banques du secteur local n'ont répondu, en 2011, que dans 30% des cas à la totalité du volume demandé par ces collectivités. Pour les autres communes, les refus de financer restent plus limités. L'accès au crédit est non seulement plus difficile… mais est aussi soumis à une hausse des taux d'intérêt et des marges (commissions, frais de dossier). Bref, le crédit est devenu "rare et cher", tel que le résume Michel Destot, le président de l'Association des maires de grandes villes (AMGVF).
Plusieurs élus l'ont souligné mardi : la future agence n'a évidemment pas vocation à se substituer au financement bancaire, mais bien à le compléter. Ou comment "diversifier les sources de financement des collectivités". Diversifier les financements… et "titiller les banques", reconnaît Charles-Eric Lemaignan. Olivier Landel, le délégué général de l'Acuf, relève pour sa part qu'il s'agira d'un outil de diversification, non seulement des emprunts des collectivités, mais aussi des placements des investisseurs !

Couvrir un quart des besoins du secteur local

Le principe de fonctionnement de l'Agence est en effet de procéder à ses propres émissions obligataires sur les marchés internationaux pour octroyer directement des prêts aux collectivités. Le tout en offrant aux investisseurs – et aux agences de notation – des mécanismes de garantie à même de susciter un coût de l'emprunt avantageux. "L’Agence permettra de réduire les coûts de financement des investissements des collectivités, par la valorisation de leur excellente solidité financière, en créant une émulation saine entre marchés bancaire et obligataire et ouvrira un accès pérenne des collectivités à la liquidité", récapitule l'AEAFCL
Le capital social initial de l'agence sera apporté, sous forme d'un droit d'entrée remboursable, par les collectivités qui y adhéreront. Ensuite, dès la deuxième année, le capital sera alimenté par intégration des profits. "Les grosses collectivités vont forcément intervenir davantage dans la mise de fonds", note à ce sujet Gérard Collomb, qui y voit une façon de faire jouer la solidarité entre collectivités de grande et de petite taille. Plus globalement d'ailleurs, cette notion de "solidarité inter-collectivités" est largement mise en avant par les promoteurs du projet.
Les élus prévoient une soixantaine de collectivités membres lors des deux premières années, mais ont dimensionné le projet pour être à même, d'ici dix ans, de voir adhérer la moitié des collectivités françaises, chacune d'entre elles pouvant recourir à l'agence pour, au maximum, la moitié de ses besoins de crédit. Au final donc, l'agence devrait être en capacité de lever 20 à 25% des besoins d'emprunt du secteur local.
L’Agence sera constituée d'une part d’un établissement public local rassemblant les élus de différents niveaux de collectivités, qui fixera les orientations stratégiques, et d'autre part d'une société anonyme, établissement financier chargé de la gestion opérationnelle. L'AEAFCL précise d'emblée que l'agence se conformera aux exigences de Bâle III, n'offrira "que des produits simples et sécurisés", se dotera de règles en matière de responsabilité sociale et environnementale... et procédera à une évaluation des comptes de chaque collectivité "candidate".