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Dépendance - L'ADF plaide pour la convergence personnes âgées / personnes handicapées

Afin de préparer le futur débat sur le projet de loi relatif au cinquième risque - texte spécifique ou mesures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 -, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a décidé de mener une série d'auditions sur ce thème. Elle a ouvert le débat, le 18 janvier, avec une audition conjointe, sous forme de table ronde, de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales, explique cette audition commune par la volonté de pouvoir "véritablement faire le point sur les relations financières existant entre les départements et la CNSA, s'agissant notamment du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA)".

La CNSA, "meilleure chose" arrivée au secteur depuis 2005

Si l'audition n'a pas apporté de révélations, elle permet néanmoins de mieux cerner les positions des uns et des autres. Pour Laurent Vachey, le directeur général de la CNSA, "on sent bien que, dans le débat qui s'engage, une des questions importantes portera sur cette configuration originale d'une politique animée par une caisse nationale répartissant des financements, mais mise en œuvre par des acteurs locaux confrontés à des contraintes financières extrêmement pesantes dans certains départements". Une affirmation d'autant plus pertinente que le directeur général de la CNSA n'a pas caché la forte dégradation du taux de compensation des dépenses assurées par les départements. De 50% environ pour l'APA - lors de la mise en place de la prestation -, il pourrait tomber aux alentours de 27%. De son côté, Luc Broussy, vice-président de la commission des politiques sociales et familiales de l'ADF, a souligné la nécessité de "ne pas céder au catastrophisme", du moins sur le plan démographique. Il a rappelé que la croissance du nombre de personnes âgées dépendantes devrait plutôt ralentir "jusqu'en 2030, date à laquelle pourrait intervenir une explosion", sauf avancée médicale majeure sur la maladie d'Alzheimer. Il a également entrepris un travail pédagogique auprès des députés, en essayant de lever le flou et les confusions qui entourent les notions de dépendance, de cinquième risque et de cinquième branche.
La réflexion de l'ADF sur la notion de dépendance l'a conduite d'ailleurs à reprendre le concept de la CNSA de "convergence sans confusion" entre la prise en charge des personnes âgées dépendantes et celle des adultes handicapés. Une dimension que Luc Broussy regrette de ne pas retrouver dans le rapport de Valérie Rosso-Debord sur la prise en charge de la dépendance. Le représentant de l'ADF a également souligné les inégalités de situation des départements en matière d'APA, les difficultés financières touchant essentiellement, pour des raisons sociodémographiques, les départements à dominante rurale et ouvrière. Vis-à-vis de la CNSA, Luc Broussy a affirmé que "la création de cette caisse est une des meilleures choses qui soient arrivées au secteur depuis 2005". Il souhaite toutefois introduire deux "modifications". La première concerne - dans l'esprit de la convergence - l'extension de la contractualisation actuelle entre CNSA et départements sur le handicap (autour des maisons départementales des personnes handicapées) à une contractualisation qui inclurait aussi les personnes âgées. La seconde porte sur la gouvernance de la CNSA. A défaut d'une remise en cause de la majorité de fait de l'Etat au sein du conseil d'administration (avec les personnalités qualifiées nommées par le gouvernement), l'ADF estime en effet que l'"on pourrait à tout le moins réfléchir à la constitution, à côté d'un comité d'orientation auquel participeraient toutes les associations, d'un conseil réunissant l'Etat, les conseils généraux et les parlementaires, qui serait vraiment responsable du financement et de la caisse".

L'ADF veut "arrêter les compteurs"

Le débat de qualité qui s'est engagé ensuite au sein de la commission a permis de faire ressortir un certains nombre de questionnements, mais aussi de possibles points d'accord. Le rapprochement entre personnes âgées et personnes handicapées suscite ainsi un assez large accord avec, par exemple, l'hypothèse de créations de maisons de l'autonomie, intégrant notamment les Clic (centres locaux d'information et de coordination gérontologique). Les membres de la commission sont en revanche plus dubitatifs sur l'articulation entre la CNSA et les agences régionales de santé (ARS), dont la montée en puissance ne fait que commencer.
La question du financement de la dépendance est, pour sa part, nettement moins consensuelle - Marisol Touraine a notamment rappelé "que le groupe socialiste refuse catégoriquement le recours à une assurance privée, sous quelque forme que ce soit, pour financer en tout ou partie la prise en charge de la perte d'autonomie" - et a fait l'objet de plusieurs questions, à l'égard de la CNSA comme de l'ADF.
Sans se prononcer sur les modalités de financement à retenir, le directeur général de la CNSA a fourni des chiffres significatifs sur le rendement de différentes mesures envisageables : 2,3 milliards d'euros pour une seconde journée de solidarité, 1 à 1,7 milliard d'euros (selon les modalités retenues) pour l'alignement du taux de CSG des retraités imposables sur celui des actifs et 700 à 800 millions d'euros pour l'extension de la contribution de solidarité autonomie (qui pèse aujourd'hui sur les seuls salaires) aux revenus du patrimoine. Sans écarter pour autant cette solution, Laurent Vachey a également indiqué que "l'instauration d'une assurance dépendance obligatoire pour les personnes de plus de 50 ans [...] ne pourrait être une solution qu'à échéance de trente ans, car les assureurs ne couvriront pas les personnes actuellement en situation de perte d'autonomie, le principe même de l'assurance interdisant de couvrir un risque déjà advenu". Pour sa part, Luc Broussy est resté prudent sur les pistes envisageables, en indiquant que sur "la question du financement, personne n'a envie de sortir du bois trop rapidement". Le vice-président de la commission des politiques sociales et familiales de l'ADF a toutefois indiqué que les départements ne remettent pas en cause les quatre milliards d'euros qu'ils versent actuellement pour le financement de la dépendance, mais qu'ils souhaitent "arrêter les compteurs, afin de rééquilibrer leur part avec celle de la solidarité nationale, ce qui permettrait d'augmenter d'un peu plus de deux milliards d'euros la somme globale consacrée à la dépendance". Sur la question des coûts de prise en charge de la dépendance, il a également évoqué des pistes possibles sur les maisons de retraite ou les services à domicile avec, pour ces derniers, la proposition de passage à un budget global. Enfin, en dépit de la question posée par un député, Luc Broussy n'a rien dit sur un éventuel recours à l'assurance. Une façon comme une autre de ne pas "sortir du bois" sur un sujet qui divise...

Jean-Noël Escudié / PCA

Claudy Lebreton : un seul et même débat

"Je préfère que l'on parle d'autonomie plutôt que de dépendance", relève Claudy Lebreton, le président de l'ADF. S'exprimant ainsi ce 26 janvier à l'occasion des voeux de son association, Claudy Lebreton estime en tout cas que le débat national sur la dépendance initié par le chef de l'Etat est "un débat légitime" et s'est félicité que la ministre Roselyne Bachelot ait accepté d'y inclure "un débat philosophique" sur des questions telles que le devenir des personnes âgées dans notre société. Il a également souligné que les présidents de départements comptent bien participer aux travaux conduits par le gouvernement (voir notre article du 4 janvier : "Les instances du débat sur la dépendance se mettent en place"), sachant que la série de rencontres organisées par l'ADF elle-même (les "Assises de l'autonomie et de la dépendance", dont le deuxième atelier devait justement avoir lieu ce 26 janvier) a été envisagée pour nourrir la contribution des départements. "Il ne s'agit pas d'avoir deux débats côte à côte", a insisté Claudy Lebreton.

Claire Mallet

 

 

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