Cinquième risque - Les associations de handicapés vivent mal leur mise à l'écart de la réforme de la dépendance
Dans sa présentation des grandes orientations de son ministère pour 2011, le 6 janvier, Roselyne Bachelot-Narquin a clairement indiqué que la réforme de la prise en charge de la dépendance ne concernera pas les personnes handicapées, mais uniquement les personnes âgées (voir notre article ci-contre du 6 janvier 2011). Elle a certes "appelé le monde du handicap à participer aux travaux" de réflexion en amont de la réforme. Le handicap n'est cependant pas oublié, puisqu'il constitue le quatrième des chantiers annoncés par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. Celui-ci portera avant tout sur la mise en œuvre de l'accessibilité généralisée à l'horizon 2015, échéance sur laquelle la ministre entend se montrer inflexible, même si elle suscite des doutes chez nombre d'élus et de professionnels.
Le défi de la prise en charge des handicapés vieillissants
Malgré cette attention portée au secteur du handicap, les propos de Roselyne Bachelot-Narquin n'ont pas manqué de faire réagir les associations. L'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) a été la première à le faire en s'étonnant d'une prise de position qui reflète, selon elle, "une profonde méconnaissance de la situation des personnes handicapées mentales vieillissantes". Reprenant une revendication récurrente, l'association demande la mise en place de "mesures spécifiques qui ont légitimement vocation à s’inscrire dans le chantier dépendance", en faveur des personnes handicapées vieillissantes. Outre la mise en œuvre de solutions d'accueil individualisées dans les structures existantes, elle demande aussi la création de 30.500 places pour l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées mentales vieillissantes. Cet appel pourrait bien être entendu et la situation des handicapés vieillissants réintégrer - au moins pour partie - le champ de la réforme de la dépendance. Le jour de Noël, Roselyne Bachelot-Narquin avait d'ailleurs bien pris soin de visiter un foyer d'accueil médicalisé géré par une association affiliée à l'Unapei, précisément pour y rencontrer des personnes handicapées vieillissantes. Et le ministère est bien conscient de la montée en puissance de cette question. Alors que rares étaient les personnes handicapées à atteindre les 60 ans il y a une trentaine d'années, les progrès de la médecine et de la prise en charge médicosociale ont entraîné une augmentation rapide de leur espérance de vie. Or, les établissements pour handicapés ne sont pas adaptés pour accueillir des personnes qui combinent leur handicap et les effets du vieillissement.
Et la convergence ?
Si la question de la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, soulevée par l'Unapei, constitue un enjeu important, mais spécifique, d'autres associations situent le débat sur un autre plan. Pour l'Association des paralysés de France (APF) - qui s'était beaucoup engagée sur ce point - la prise de position de Roselyne Bachelot-Narquin ferme ainsi la porte à l'idée d'une convergence entre la politique en faveur des personnes âgées et celle à destination des personnes handicapées. La position du gouvernement risque également de mettre en porte-à-faux la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qui, comme la journée de solidarité, a été pensée dans l'esprit d'un rapprochement entre ces deux secteurs. Enfin - même s'ils ne se sont pas encore manifestés sur ce point - les départements sont également concernés par la volonté de distinction des deux secteurs affichée par le gouvernement. Nombre d'entre eux réfléchissent ou travaillent en effet à la création de "maisons de l'autonomie", qui regrouperaient la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), les centres locaux d'information et de coordination (Clic) et, le cas échéant, la direction du département chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Si une réforme de la dépendance centrée uniquement sur les personnes âgées ne remet pas nécessairement en cause ces projets, elle risque toutefois d'atténuer fortement leur dimension symbolique et la dynamique de rapprochement qui sous-tend les maisons de l'autonomie. Un sujet que l'Assemblée des départements de France - qui tenait ce 11 janvier le premier atelier de ses Assises de l'autonomie et de la dépendance - pourrait bien inscrire à son ordre du jour.