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Social / Immigration - La réforme du droit d'asile se précise

Manuel Valls a reçu le rapport Létard-Touraine sur la réforme de l'asile. Face à l'afflux croissant des demandes, ce rapport préconise entre autres l'expérimentation d'antennes locales de l'Ofpra et un schéma de répartition territoriale. Le ministre de l'Intérieur entend effectivement "territorialiser les procédures".

Manuel Valls a reçu, le 28 novembre, le rapport de Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord, et Jean-Louis Touraine, député (PS) du Rhône, sur la réforme de l'asile. Il s'agit en l'occurrence de revoir en profondeur un dispositif et des procédures à bout de souffle face à l'afflux des demandes d'asile (voir nos articles ci-contre), et de réinterroger un droit qui, selon les rapporteurs, est "aujourd'hui menacé par l'afflux d'une immigration économique massive qui témoigne de la pauvreté et des difficultés d'une grande partie du monde".

Une hausse des demandes de 73% en cinq ans

Très fouillé et documenté (394 pages, dont 300 d'annexes), le rapport est le fruit d'une très large concertation avec tous les acteurs concernés (y compris les représentants des élus, avec l'AMF et l'ADF) et des réflexions de quatre groupes de travail thématiques. Il commence par rappeler quelques chiffres désormais bien connus : une hausse des demandes d'asile de 73% en cinq ans (de 35.520 en 2007 à 61.468 en 2012, et sans doute plus de 68.000 en 2013) et un allongement des délais de traitement malgré des renforts en personnels (avec une durée moyenne de 19 mois pour la procédure complète). Les points faibles sont également bien connus : complexité, multiplicité des acteurs, insuffisances dans la prise en charge et l'hébergement (seule une minorité de demandeurs étant effectivement hébergée en centres d'accueil pour demandeurs d'asiles), mais aussi lacunes dans les procédures d'éloignement après un refus.
Face à ce constat déjà bien balisé par différents rapports (voir nos articles ci-contre), Valérie Létard et Jean-Louis Touraine rappellent que la réforme de l'asile devra respecter un certain nombre de principes : renforcement des garanties données aux demandeurs d'asile, respect des normes européennes (avec une transposition obligatoire des nouvelles règles d'ici à 2015), renforcement de l'efficacité (aspect central qui "revêt la plus grande urgence"), solidarité, lisibilité, soutenabilité...

Accélérer l'examen des demandes et professionnaliser la procédure de recours

Les préconisations du rapport peuvent se regrouper en sept grands thèmes. Le premier consiste à faciliter l'accès à la procédure pour les demandeurs d'asile, ce qui passe notamment par une révision des règles de domiciliation, la délivrance de documents de séjour en phase avec la durée de la procédure et une saisine simplifiée de l'Ofpra.
Deuxième priorité : accélérer l'examen de la demande d'asile tout en renforçant les garanties offertes aux demandeurs, avec - entre autres - l'expérimentation d'antennes locales de l'Ofpra. Le troisième thème concerne l'évolution des voies de recours, avec une poursuite de la professionnalisation de la CNDA (Cour nationale du droit d'asile), voire l'expérimentation d'un transfert aux juridictions administratives de droit commun pour accompagner la déconcentration de l'Ofpra.

Vers un "schéma de répartition territoriale"

Le quatrième thème porte sur la mise en place d'un dispositif d'orientation des demandeurs vers leur hébergement. Pour éviter les phénomènes de concentration, ceci suppose - comme pour les mineurs isolés étrangers - une répartition plus équilibrée. Celle-ci suppose elle-même que l'Etat se dote d'un schéma de répartition territoriale, "afin de rééquilibrer les flux de demande d'asile et de faire jouer la solidarité entre les régions". Dans le même esprit, le cinquième axe prévoit de développer une offre unique d'hébergement et de réduire la part des nuitées hôtelières. Au regard de moyens budgétaires nécessairement limités, ce point n'est d'ailleurs pas le plus convaincant du rapport.
Sixième thème : la mise en place d'une nouvelle allocation temporaire d'attente (ATA), qui tienne enfin compte du nombre d'enfants à charge (aujourd'hui, l'ATA tient compte uniquement du nombre d'adultes). Enfin, le dernier axe préconise de mieux gérer les fins de procédure, qui se traduisent par près de 80% de déboutés. Le rapport estime notamment qu'"il pourrait être pertinent de créer des centres dédiés aux déboutés, offrant un accompagnement tourné vers la perspective de retour".

Manuel Valls retient cinq objectifs pour la réforme

Manuel Valls a aussitôt réagi à la remise du rapport. Partageant en tous points le constat des rapporteurs, il relève notamment que la hausse de la demande d’asile "a forcément des conséquences sur le fonctionnement aussi bien de l’ensemble des services publics impactés que des collectivités territoriales" et souligne "les concentrations des demandes sur certains territoires comme Ile-de-France, la Lorraine, l’Alsace, le Rhône, ou certaines villes telles Rennes ou Dijon".
Le ministre de l'Intérieur indique dans son communiqué du 28 novembre que "chacune des pistes que propose le rapport va être explorée". Mais il fixe, dès à présent, cinq objectifs qui devraient constituer l'ossature du projet de loi : réduire "très significativement" les délais d'instruction, améliorer l'accueil et l'accompagnement en offrant de nouvelles garanties, "piloter de manière plus directive" les hébergements des demandeurs d'asile, territorialiser les procédures en impliquant les élus et, enfin, éloigner les déboutés du droit d'asile. Un dernier point qui pourrait bien faire resurgir les fractures apparues au moment de l'affaire Léonarda.

 

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