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PLF 2014 - Asile : dernier budget - sous-évalué - avant la réforme ?

Dans le cadre de l'examen, par le Sénat, du projet de loi de finances pour 2014, Jean-Pierre Sueur, sénateur (PS) du Loiret, a présenté un rapport pour avis sur les crédits du programme "Immigration et asile". A cette occasion, l'ancien président de l'Association des maires des grandes villes de France a soulevé plusieurs questions sur ce budget sensible.

Une absence complète de fiabilité des prévisions

Celles-ci portent en premier lieu sur la sincérité des inscriptions budgétaires correspondantes. La réponse est connue d'avance depuis plus de dix ans et elle est clairement négative. Le rapport évoque ainsi "un dérapage prévisible en exécution". Par exemple, la dotation pour l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (Huda) est prévue en baisse de 7,7% par rapport à la loi de finances pour 2013, pour s'établir à 115,4 millions d'euros. La capacité d'hébergement est en effet supposée se réduire à 19.410 places contre près de 22.000 en 2013, dispositifs national et déconcentré confondus. Ce recul semble pour le moins surprenant, alors que le plan contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale prévoit la création de 4.000 places de Cada en 2013 et 2014...
Ce poste connaît en réalité un dérapage ininterrompu depuis dix ans, sous le double effet d'une sous-évaluation systématique des crédits en LFI (loi de finances initiale) et d'une hausse quasi continue de la demande d'asile. Le dérapage a atteint des sommets en 2010 et 2011, avec respectivement +274% (30 millions d'euros inscrits pour 112,1 millions réalisés) et +236%. Un effort de rebasage a bien été effectué en 2012 (91 millions d'euros en LFI), mais il s'est révélé insuffisant, avec en fin d'année un dérapage de 48,5%. On notera au passage que, contrairement à la pratique habituelle, le rapport pour avis ne donne aucune estimation pour le réalisé 2013.
La situation n'est pas meilleure pour les crédits affectés à l'allocation temporaire d'attente (ATA). En baisse de 3,6% au PLF 2014 (135 millions d'euros). Là aussi, cette baisse paraît très peu crédible, après des dérapages de 99% en 2010, 192% en 2011 et 67% en 2012. Le rapporteur ne manque d'ailleurs pas de relever que "là encore, le risque d'un dépassement des dotations est important eu égard à ce qui a pu être observé précédemment", d'autant plus que la jurisprudence récente relative à l'éligibilité des demandeurs d'asile à l'ATA laisse présager une augmentation du nombre de bénéficiaires.

Vivement le projet de loi...

Les interrogations sur la fiabilité vont toutefois au-delà des seules questions budgétaires, malgré certains points positifs relevés par le rapport : poursuite de la réduction des délais de traitement des demandes d'asile, création de 2.000 places supplémentaires en Cada (centres d'accueil des demandeurs d'asile), efforts de rapprochement et d'harmonisation des jurisprudences entre l'Ofpra et la Cour nationale du droit d'asile...
Ainsi, le rapporteur et la commission des lois se sont interrogés sur les délais non comptabilisés de la durée de traitement de la demande d'asile (notamment en amont du dépôt des demandes). Un débat existe également sur la liste des pays d'origine sûrs, qui n'ouvrent donc a priori pas droit à une admission au titre de l'asile.
Face à ces interrogations, le rapporteur estime qu'il s'agit là "d'un budget de transition, dans l'attente de la réforme à venir du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, qui ne tenait pas compte des difficultés induites par la transposition des directives européennes, tout particulièrement de la directive Procédure". C'est donc peu dire que le futur projet de loi de réforme de l'asile annoncé par le gouvernement - qui doit également transposer le "paquet asile" adopté par le Parlement européen et le Conseil le 26 juin 2013 - est attendu avec impatience. La concertation sur les pistes de réforme lancée par Manuel Valls en juillet dernier devrait d'ailleurs s'achever dans les prochains jours.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi de finances pour 2014 (adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 19 novembre 2013, examiné au Sénat du 21 novembre au 10 décembre 2013).