TIC et DD - A la recherche de modèles pour transformer les télécentres en milieu rural
"Les nouveaux lieux numériques en zone rurale et périurbaine : télétravail, co-working, formation, services à la personne, e-administration, télémédecine". Tel était le - trop ? - large thème du cinquième Réveil matin du développement durable (DD) 2.0, ce 26 mai à Paris.
Co-organisées par Acidd (Association communication et information pour le DD) et le pôle de compétitivité des contenus et services numériques Cap Digital, ces rendez-vous mensuels proposent un débat matinal au carrefour des préoccupations environnementales et des technologies de l'information (TIC). Les échanges s'appuient sur l'expertise de deux intervenants autour d'un plan classique : état des lieux, échanges d'expériences puis propositions d'actions.
Evolution des usages et comportements
Question du jour pour lancer le débat : le télétravail et les télécentres sont-ils la solution en milieu rural et péri-urbain ? "D'abord, nos modes de vie ne sont plus globalement différents entre urbains et ruraux. Ensuite, s'il existe des modèles de retour sur investissement rapide pour les télécentres en ville, comme à Londres ou Amsterdam, il n'y a pas de modèle économique pour les mêmes espaces de télétravail en zone rurale. Enfin, avec l'augmentation du prix de l'essence et la saturation des réseaux de transports publics - essayez de prendre le TGV de 5h40 en semaine au départ d'Aix-en-Provence sans réservation ! -, sans initiative les gens qui habitent et travaillent à l'extérieur des villes seront bientôt contraints d'y retourner, avec un phénomène de paupérisation puisqu'ils devront revendre leurs maisons à perte", constate Gilles Berhault, président d'Acidd et délégué au DD de l'Institut Télécom.
"Nous sommes toujours en retard d'une anticipation !", réagit Jean-Pierre Quignaux, en charge des questions numériques à l'Assemblée des départements de France (ADF), s'appuyant sur l'exemple des infrastructures de télécommunications. "A partir de 2003-2004, les conseils généraux se sont rendu compte qu'il fallait apporter le haut débit dans les cantons ruraux. Désormais, c'est le très haut débit qu'il faut déployer et le chantier est double : la fibre optique pour le fixe et le très haut débit mobile pour tous", explique-t-il.
Il existe pourtant en France, notamment grâce à l'investissement des collectivités, plus de 4.000 espaces publics numériques (EPN). Ceux-ci sont "squattés", selon Gilles Berhault. "Au départ, lieux de sensibilisation, d'apprentissage, la question de leur transformation se pose alors que les foyers sont désormais massivement équipés. La nouvelle étape devrait prévoir des murs de téléprésence, de la vidéoconférence, des maisons de solidarités, etc." reconnaît Jean-Pierre Quignaux.
Nouveaux lieux numériques
En Hongrie existent par exemple 900 "telecottages" dont le modèle est "très simple", affirme le président d'Acidd : "Dès que des usagers se regroupent, ils reçoivent une aide de la région et de l'Etat pour la création du lieu puis se débrouillent pour en assumer seuls le fonctionnement." "Il faudrait, plutôt que parler de centre, penser réseau et hybridation", défend le chargé de mission de l'ADF. "Les modalités du télétravail peuvent varier : en mobilité, à la maison, dans ces centres, dans des espaces de bureaux en ville à réaménager", justifie-t-il. "Depuis quelques mois, il y a en France, l'émergence de nouveaux lieux numériques qui répondent à ces nouveaux besoins : la stratégie post carbone du territoire de Fontainebleau menée par l'Arene Ile-de-France (agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies) en partenariat avec la ville ou, à Grenoble, avec le cluster Green and Connected Territories (la ville durable et connectée)", reprend Gilles Berhault. "Il ne faudrait pas multiplier les lieux mais mutualiser pour un certain nombre d'usages comme par exemple l'accès au soin, la formation des médecins", intervient Liliane Piot, responsable TIC et vieillissement à la Caisse des Dépôts.
"Au-delà des discours et des batailles sémantiques, le problème en France se situe du côté des institutions qui ne laissent pas la place à l'innovation. Dans le cas du projet de Fontainebleau, il a fallu trouver une personne capable d'assumer ce nouveau lieu numérique sur le territoire. Puis, deuxième étape, faire accepter ce leader comme légitime sur ce territoire. Et, enfin, trouver un lieu d'incubation", a témoigné Thierry Vincent, responsable de développement de l'Arene. Un programme et peut-être même une méthode qui pourrait réveiller et transformer certains EPN du territoire ?