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Insertion / Emploi - La prime d'activité victime de son succès ?

Le succès de la prime d'activité pourrait commencer à donner des sueurs froides du côté de Bercy. Selon les chiffres publiés par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) dans le cadre de son bilan à mi-COG (voir notre article ci-contre du 5 mai 2016), le nombre de recours à cette prestation a en effet atteint, en seulement trois mois, 2,3 millions d'adultes, soit 3,82 millions de bénéficiaires avec les enfants.

Plus de bénéficiaires que prévu et un montant moyen un peu plus élevé

Ce chiffre se situe au-delà de la prévision lors de la préparation de la loi, qui était alors de deux millions de personnes, ce qui correspondait peu ou prou à un taux de recours de 50% parmi les bénéficiaires potentiels. Le nombre de bénéficiaires est certes très fluctuant, puisque le droit à la prime d'activité varie en fonction de l'évolution des revenus (jusqu'à 1,3 Smic) et que plusieurs dizaines de milliers de personnes sortent chaque mois du dispositif. En mars, le nombre de primes d'activité servies est ainsi retombé à 2,1 millions. Mais, d'un autre côté, le flux des demandes est loin d'être épuisé et le nombre de bénéficiaires devrait donc continuer à progresser au cours de l'année. En théorie, 300.000 bénéficiaires supplémentaires sur l'année par rapport aux prévisions initiales pourraient représenter un surcoût proche de 600 millions d'euros.
Il existe également un autre facteur potentiel de dérapage. Les chiffres de la Cnaf montrent en effet que le montant moyen versé au titre de la prime d'activité est de 164 euros par mois. Or l'équilibre budgétaire de cette nouvelle prestation - née de la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi (PPE) - a été construit sur la base d'un montant moyen de 160 euros (voir notre article ci-contre du 13 octobre 2015). L'écart peut sembler minime, mais, rapporté à douze mois et pour les 2,3 millions de bénéficiaires actuels, le surcoût théorique est de l'ordre de 110 millions d'euros. Sans oublier les surcoûts éventuels - nettement plus modestes - du côté du régime agricole, où la prime d'activité connaît aussi une rapide montée en charge et a déjà dépassé les prévisions initiales (voir notre article ci-contre du 25 avril 2016).

La première prestation "100% dématérialisée"

Dans le schéma d'origine, la mise en place de la prime d'activité ne devait pas avoir d'impact budgétaire et se faire ainsi à "coût nul", dans une enveloppe de quatre milliards d'euros. La suppression du RSA activité et - surtout - de la PPE devait compenser, pour un taux de recours à 50%, le coût de la nouvelle prestation. En pratique, le fait qu'environ 800.000 salariés perdaient le bénéfice de la PPE sans avoir droit pour autant à la prime d'activité (voir notre article ci-contre du 3 octobre 2015) devait couvrir globalement l'amélioration du taux de recours par rapport au RSA activité.
Même s'il est difficile de faire des prévisions sur l'année, cet équilibre semble aujourd'hui caduc. La réponse définitive pourrait venir lors du prochain projet de loi de finances rectificative.
Ce probable dérapage budgétaire - qui est aussi une réussite de la prime d'activité par rapport à l'échec largement reconnu du RSA activité - a plusieurs causes. La publicité faite autour de cette nouvelle prestation, y compris par le gouvernement lui-même, y est sans doute pour beaucoup. Le succès du simulateur en ligne (650.000 accès en moins de 24 heures lors de son ouverture à la fin de 2015) a également joué. Enfin, la possibilité de demander la prestation entièrement en ligne - la première prestation "100% dématérialisée" - a certainement contribué à la rapidité de la montée en charge. Pour la première fois dans l'histoire des prestations sociales, 95% des démarches ont été réalisées en ligne...
Des salariés à revenus modestes ont ainsi pu demander la prime d'activité sans avoir le sentiment de basculer dans un dispositif "d'aide sociale". Or il est de notoriété publique que cette volonté de ne pas basculer du côté "social" a été l'une des principales explications du faible taux de recours au RSA activité.

 

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