La baisse tendancielle de la vitesse des bus des grandes villes se confirme

Si elle est difficile à objectiver, l’impression se confirme : la vitesse des bus des grandes villes n’a de cesse de se réduire. Ce ralentissement est principalement dû à une augmentation du temps de roulage, aux causes multiples, mais aussi – rançon du succès – à un temps d’échange passagers qui va croissant. Outre ses conséquences sur l’attractivité des bus, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) alerte sur l’augmentation des coûts que le phénomène induit.

Lors d’un échange avec les lecteurs du Parisien en septembre dernier, le président de la RATP, Jean Castex, déplorait que la vitesse commerciale de ses bus soit passée "de 15 km/h en l’an 2000 à 14 km/h en 2022 sur l’ensemble du réseau ; et elle est à peine de 11 km/h dans Paris". "Ce n’est pas incitatif pour le public", concluait-il. Sentant que cette baisse n’était pas uniquement propre au Grand Paris, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a missionné BeeMotion pour en savoir plus.

Les grands réseaux touchés, les petits épargnés

Publiée ce 2 février, l’étude de cette société d’ingénierie en mobilité confirme en grande partie l’impression : la baisse affecte bien l’ensemble des grands réseaux. D’après les chiffres analysés de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), la vitesse moyenne d’exploitation (laquelle intègre les temps de battement aux terminus, et est donc plus lente que la vitesse commerciale) constatée sur 24 réseaux desservant plus de 250.000 habitants est ainsi passée de près de 15,5 km/h en 2013 à 15 km/h en 2018. En revanche, elle progresse sur 69 réseaux desservant moins de 250.000 habitants ; elle y atteignait 17 km/h en 2018. "Du fait de l’extrême difficulté d’avoir des données [pas toujours comparables], il faut manipuler les chiffres avec beaucoup de prudence", prévient néanmoins Bruno Gazeau, à la tête de la Fnaut. Pour appréhender les causes du phénomène, l’étude a sondé les reins et les cœurs de deux lignes "chronobus" de Nantes Métropole, dont la vitesse commerciale est elle aussi à la baisse.

Bon et mauvais cholestérol

• Premier enseignement, cette réduction de la vitesse touche toutes les tranches horaires ; la chute est même un peu plus prononcée aux heures creuses.

• Deuxième enseignement, elle est principalement due à l’augmentation du temps de roulage interstations (qui représente 75% du total). Première cause identifiée, l’urbanisation, qui induit une augmentation de tous les flux de circulation. Celle des voitures, qui rend problématique le franchissement de certaines intersections, mais aussi des piétons – avec l’augmentation du nombre de traversées – ou encore des vélos, notamment depuis le covid. "Vélos et bus ne font pas forcément bon ménage", indique Benoît Oillo, co-auteur de l’étude. S’il confesse ne "pas avoir de données concrètes" en la matière, il observe que "c’est le ressenti des opérateurs". Il souligne que "suite à la pandémie, beaucoup de voies dédiées aux bus ont été supprimées ou doivent désormais être partagées avec les vélos". Olivier Delerue, chef de projet à la Semitan (SEM chargée du service du transport public de l’agglomération nantaise), indique que des contrôles de vitesse ont d’ailleurs été mis en place pour que les conducteurs de bus réduisent leur vitesse pour éviter les accrochages, y compris lorsqu’il n’y a a priori pas de vélo dans la voie. Pour lui, ce qui fait que "cette cohabitation pose de plus en plus de soucis", c’est à la fois la densité et la diversité des cycles – à assistance électronique, cargo, classique… – et leur vitesse.

Parmi les autres causes de l’augmentation du temps de roulage, on ne sera donc pas surpris de retrouver le rappel à l’ordre de la direction pour que les conducteurs respectent les vitesses réglementaires et la réduction des limites maximales de ces dernières (passage de 70 à 50 km/h, ou de 50 km/h à 30 km/h). S’y ajoutent le développement des livraisons "illicites" (à Paris, il est souligné que la suppression des zones de livraison est une réelle difficulté) ou la création d’arrêts supplémentaires, qui "impactent la dynamique de déplacement". Olivier Delerue évoque encore les travaux ou la priorité laissée aux tramways.

• Troisième enseignement, ce ralentissement est également porté par l’allongement de la durée des échanges de passagers (lequel représente 15 à 20% du temps total). Sa cause est simple : l’augmentation de la fréquentation. "C’est du bon cholestérol", image Jean-Marie Beauvais, co-auteur de l’étude. La rançon du succès, en somme, dont il est relevé qu’elle est "mécanique". En revanche, l’attente en station (portes fermées) ou en ligne (aux feux, carrefours, dans les bouchons…) ne semblent guère entrer en ligne de compte.

Impact économique

Qu’il soit bon ou mauvais, en l’espèce ce cholestérol n’est pas sans impact. "Il induit une augmentation des coûts dont on n’a pas conscience", alerte Bruno Gazeau. "Pour maintenir les intervalles, le délégataire est en effet contraint d’ajouter un véhicule, des agents…", souligne-t-il. Comme le relevait Jean Castex, il risque en outre de détourner les voyageurs des bus, même s’il est relevé que "le véritable problème, c’est la variabilité du temps de parcours plutôt que son allongement". Mais, est-il remarqué, "les sources de réduction de la vitesse sont également génératrices de variabilité du temps de parcours".

Des solutions

Pour amoindrir le phénomène, les auteurs dressent plusieurs recommandations, qui ont principalement trait à l’exploitation, à l’aménagement des véhicules, des stations et de la voirie. Parmi elles, on relèvera notamment l’invite à :

- bien dimensionner le temps de parcours théorique en amont ;

- renoncer à la seule montée par l’avant, instaurée pour limiter la fraude, pour privilégier la montée par toutes les portes ;

- limiter la vente des tickets à bord ;

- augmenter la capacité des véhicules, dotés de larges portes, et faciliter la circulation en leur sein (positionnement des barres d’appui, obligation de plier les trottinettes, vélo…) ;

- allonger et élargir les quais pour une meilleure circulation et répartition des voyageurs ;

- verbaliser les véhicules gênants ;

- éviter les distances interstations trop courtes ;

- mettre en place des traversées directes des giratoires, des priorités aux feux, etc.

 

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