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Cour des comptes - Jugements nuancés sur l'hébergement durant la crise sanitaire et l'inclusion bancaire

Deux chapitres du rapport public 2021 de la Cour des comptes concernent plus spécialement le secteur social. Le premier porte sur "L'hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant la crise sanitaire du printemps 2020" (la précision de date est importante, puisqu'il s'agit essentiellement du premier confinement). Le second n'est pas lié à la pandémie de Covid-19, puisqu'il traite des "Politiques publiques en faveur de l'inclusion bancaire et de la prévention du surendettement : des outils adaptés, une mise en œuvre à conforter". Dans les deux cas, la Cour des comptes porte un jugement nuancé mais au final plutôt positif.

La pandémie de Covid-19 – mais aussi les conséquences du confinement et la désorganisation de la plupart des acteurs, y compris les associations – a touché très durement les personnes sans domicile (à la rue comme en hébergement provisoire). La Cour reconnaît que "l'application des mesures sanitaires par ce public particulièrement vulnérable représentait un véritable défi et sa protection a fait l'objet d'une attention spécifique de la part des pouvoirs publics".

Sans surprise – puisque cela semble être la ligne directrice du rapport public 2021 –, le rapport commence par souligner "la faible préparation de l'État pour gérer la crise", même si des cellules de crises pour suivre les publics précaires ont été mises en place dès la fin du mois de février au sein de la DGCS (cohésion sociale) et de la Dihal (hébergement et accès au logement). Mais "cette organisation de crise ne s'est pas appuyée, sauf exception, sur les outils opérationnels de gestion de crise qui auraient dû être disponibles avant le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, notamment sur des plans de continuité d'activité (PCA) à jour". La situation a également été très critique dans les structures d'hébergement durant les premiers jours de la crise. Dans le même temps, les mécanismes d'accès au parc social ont été quasi totalement suspendus.

... mais une réaction forte des pouvoirs publics

Passée cette période initiale, le rapport reconnaît que les pouvoirs publics ont fortement réagi, notamment au travers d'une mobilisation massive de place d'hôtels (libérées par la crise sanitaire), mais aussi par des mesures à destination des campements illicites (occupés notamment par des migrants). Au final, jusqu'à 32.000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence ont été ouvertes, ce qui s'est traduit par une très nette chute des demandes d'hébergement non satisfaites auprès du 115. Le rapport se montre en revanche plutôt critique à l'égard des nombreux recours (sans succès) déposés par des collectifs, fédérations ou associations pour obtenir davantage de mesures et de moyens. En effet, ces recours "ont créé un climat de défiance entre acteurs concernés, peu favorable dans un moment critique pour la meilleure gestion possible de la réponse à la pandémie".

Ces mesures de mise à l'abri se sont doublées de mesures sanitaires spécifiques à ces publics, dont la création de centres d'hébergement spécialisés (CHS) pour les personnes malades, ainsi que l'organisation d'une aide alimentaire exceptionnelle et de chèques d'accompagnement, mis en place pour l'occasion.

Après avoir passé en revue les différents dispositifs, la  Cour des comptes dresse un premier bilan des mesures exceptionnelles prises en faveur des personnes sans domicile pendant l'état d'urgence sanitaire du printemps 2020. Il en ressort notamment que les CHS ont été très peu utilisés (avec un taux d'occupation moyen de 10%). En revanche, et tout en restant prudent sur les données, il apparaît que "les niveaux de mortalité liée au virus n'auraient pas été supérieurs à ceux observés pour l'ensemble de la population". Il reste cependant que "le confinement dans la durée, notamment en réduisant les activités collectives et les possibilités d'accompagnement de ces personnes, aura des conséquences négatives durables sur leur santé et leur insertion et que la période du déconfinement puis du prolongement de la crise sanitaire est apparue plus complexe à gérer, tant pour les personnes sans domicile que pour le personnel qui intervient auprès d'elles". Enfin, le rapport estime le coût des mesures prises à 650 millions d'euros pour le budget de l'État sur l'année 2020.

Des inquiétudes pour l'avenir

Si elle reconnaît les efforts accomplis l'an dernier, la Cour des comptes s'inquiète en revanche pour l'avenir. Elle estime en effet que "la sortie de ces dispositifs et la préparation de l'avenir s'avèrent particulièrement critiques dans le contexte de prolongement de la crise".

Le rapport se félicite de la pérennisation de nombreuses places d'hébergement – avec un volume du parc appelé à demeurer à un niveau record –, mais regrette que "n'ont pas été exploitées des voies alternatives, y compris des solutions à la fois plus durables pour les personnes sans domicile et moins coûteuses pour les finances publiques, comme l'accélération de l'accès au logement de davantage de personnes qui stagnent dans l'hébergement". En effet, si les résultats du Logement d'abord ont progressé, "ils ne permettent pas de se situer au niveau qu'appelle la crise". Le rapport appelle également à redoubler d'attention pour éviter les risques de sortie du logement.

Ces différents constats conduisent la Cour des comptes à recommander notamment d'organiser un retour d'expérience partagé, de généraliser l'adoption et la mise à jour régulière des PCA et de faciliter, dans la logique de la politique en faveur du Logement d'abord, l'accès à un logement des personnes sans domicile qui y sont éligibles, en capitalisant sur les expériences réussies.

Inclusion bancaire et surendettement : du mieux, mais...

Dans le champ social, la Cour des comptes s'est également penchée sur les politiques publiques en faveur de l'inclusion bancaire et de la prévention du surendettement. Ce chapitre cherche notamment à évaluer les suites du rapport qu'elle avait réalisé sur ce sujet en 2017, à la demande du Sénat.

Le rapport 2021 constate les progrès accomplis, notamment en matière d'encadrement du crédit à la consommation. Il juge néanmoins le dispositif perfectible sur plusieurs points. La Cour appelle ainsi à "améliorer rapidement" le pilotage des dispositifs d'accès à un service bancaire. L'utilisation de la procédure du droit au compte, mise en place en 1984, tend en effet à être moins utilisée depuis le milieu des années 2010, même si cette baisse sur quatre années consécutives coïncide notamment avec une diminution du nombre de dossiers de surendettement et le développement de nouvelles offres bancaires et de comptes de paiement. Par ailleurs, le rapport estime que la procédure du droit au compte est "confrontée à d'importantes limites" : procédure longue qui peut décourager son utilisation, défaut d'implication de certains établissements de crédit, accès impossible pour des publics en difficulté...

Le rapport passe également en revue – avec un jugement assez largement positif – la mission d'accessibilité bancaire confiée à La Banque postale, alternative au système bancaire traditionnel fondée notamment sur un "usage atypique" du livret A et un accompagnement des personnes. De façon plus générale, la Cour juge nécessaire de renforcer les dispositifs d'accompagnement des publics fragiles. À ce titre, elle juge "prometteur" le dispositif des points conseil budget et insiste sur la nécessité d'achever son déploiement.

Le défi des nouveaux modes de consommation

De même, le rapport constate une amélioration de la protection des clients en situation de fragilité financière, malgré certaines limites : système de détection fondé sur des critères très hétérogènes, plafonnement des frais qui doit être complété par une meilleure prévention des incidents, offre spécifique encore méconnue des clients en situation de fragilité financière...

Enfin, la Cour des comptes insiste sur la nécessité de faire évoluer la prévention du surendettement face au "défi des nouveaux modes de consommation". En effet, si le recours au crédit à la consommation est aujourd'hui mieux encadré, de nouvelles formes plus sophistiquées se sont mises en place, comme la location avec option d'achat (LOA) et la location longue durée (LLD), cette dernière n'étant en outre pas assimilée à un crédit.

 

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