Depuis dix ans, les familles et les mineurs toujours plus nombreux dans l'hébergement d'urgence
Une étude de la Drees sur l'hébergement d'urgence permanent (du type CHRS), hors hôtels, montre un quasi-triplement en dix ans du nombre de personnes hébergées. Et une hausse de la part des adultes avec enfants, en partie liée à la hausse de la part des étrangers ressortissants hors UE. La durée de séjour dans des places d'urgence permanentes a elle aussi augmenté.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie une étude sur l'hébergement d'urgence permanent. Celui-ci s'entend comme des places d'urgence ouvertes à l'année – par différence avec les places temporaires mobilisées en période hivernale – dans les structures comme les CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale), ainsi que les centres d'hébergement d'urgence (CHU), de stabilisation ou d'insertion hors CHRS. En revanche, le champ de l'étude ne couvre pas les nuitées d'hôtel, mobilisées par les associations sur financement de l'État ou des départements. À la fin de 2016, les places d'urgence permanentes représentaient 33% des places d'hébergement permanentes des structures étudiées : 16% pour les CHRS et 58% pour les autres centres d'accueil.
Près de 30% des places d'hébergement d'urgence permanentes sont occupées par des mineurs
En pratique, l'étude compile les résultats de trois vagues successives de l'enquête quadriennale ES-DS (établissements et services pour adultes et familles en difficulté sociale), menées respectivement en 2008, 2012 et 2016 (avec l'ajout de l'enquête instantanée sur les personnes hébergées en places d'urgence dans la nuit du 21 au 22 février 2017).
Au début de 2017, 26.000 personnes étaient hébergées en places d'urgence permanentes dans un centre d'hébergement, soit 17.000 de plus qu'au début de 2009 et un quasi-triplement en moins de dix ans. Même si la montée en charge est plus ancienne, la crise migratoire de 2015 et l'accroissement de l'offre qui a suivi ne sont bien sûr pas étrangers à cet emballement. Mais plus qu'à cette progression exponentielle, l'étude de la Drees s'intéresse plus spécialement à deux éléments : la place des jeunes et des familles dans ces structures et l'allongement des durées de séjour.
Il apparaît ainsi qu'en 2017, 7.600 personnes accueillies en places d'hébergement d'urgence permanentes étaient mineures, soit près de 30% du total. Leur nombre a presque doublé depuis 2013 et la part de ces mineurs a augmenté de 8 points entre 2013 et 2017. Pour la quasi-totalité, il s'agit d'enfants accompagnant leur famille ou un groupe. Cependant, environ 300 mineurs étaient seuls à cette date. L'étude précise que la part d'étrangers parmi les mineurs hébergés en places d'urgence est très élevée au début de 2017 (69% d'étrangers non ressortissants de l'Union européenne et 9% d'étrangers ressortissants de l'UE), mais elle demeure stable par rapport à 2013 (67% et 8%).
Une nette hausse de la part des adultes avec enfants et 20% de demandeurs d'asile
Parmi les adultes hébergés, 46% sont des hommes isolés, 17% des femmes isolées et 12% des femmes seules avec enfant(s), avec en moyenne 1,7 enfant à charge. Là aussi, l'évolution est nette : la part des hommes isolés baisse de 11 points, alors que celle des adultes avec enfant(s) augmente de 8 points par rapport à 2013. L'étude montre que les Français sont plus souvent seuls et sans enfant (84%) que les ressortissants hors UE (54%). À l'inverse, ces derniers sont plus souvent seuls avec enfant(s) ou en couple avec enfant(s) que les Français (respectivement 16% contre 8% et 22% contre 4%).
La Drees confirme que "cette hausse de la part des adultes avec enfant(s) est liée en partie à la hausse de la part des ressortissants de pays hors de l'UE. Ces derniers représentent deux tiers des personnes hébergées et leur part a augmenté de 6 points depuis 2013". La répartition par nationalité a en effet fortement évolué au sein des sections d'urgence des CHRS. La part des étrangers ressortissants hors UE a ainsi progressé de 15 points, tandis que celle des Français diminuait de 14 points (ils représentent désormais 33% des effectifs). En revanche, dans les autres centres d'accueil, où la part d'étrangers était initialement plus élevée, la répartition est restée à peu près stable.
Par ailleurs, l'étude montre que 19% des personnes hébergées sont des demandeurs d'asile, "ce qui illustre l'incapacité du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés à les accueillir tous dans les établissements dédiés (notamment dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile), et 3% ont le statut de réfugié". Enfin, il apparaît que 15% des adultes hébergés en places d'urgence en février 2017 percevaient un revenu lié à l'exercice d'un travail ou d'un stage. Cette proportion est toutefois inférieure à celle des autres résidents (28% dans les CHRS et 22% dans les autres centres d'accueil).
Une ancienneté moyenne de huit mois et demi
L'étude de la Drees se penche également sur la durée de séjour dans des places d'urgence permanentes. En ce domaine, le cadre juridique a changé, puisque ces places, initialement prévues pour des accueils de très courte durée, ont vu leur statut évoluer avec la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo). Celle-ci prévoit en effet que toute personne hébergée doit pouvoir "y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation".
Lors de l'enquête dans la nuit du 21 au 22 février 2017, la moitié des personnes hébergées dans une section d'urgence permanente y était depuis au moins 135 nuits consécutives, soit environ quatre mois et demi, tandis que 20% des personnes hébergées y étaient (avec une place réservée) depuis au moins 454 nuits consécutives (soit environ 15 mois) et 10% depuis au moins 804 nuits (environ 26 mois). L'ancienneté moyenne d'hébergement dans une section d'urgence permanente est donc nettement plus élevée que la médiane : 261 nuits consécutives, soit un peu plus de huit mois et demi. L'ancienneté est plus importante pour les familles et pour les mères isolées avec enfant(s) que pour les personnes seules.
Au final, l'ancienneté médiane d'hébergement dans des places d'urgence permanentes a plus que doublé entre 2013 et 2017. Mais elle reste néanmoins assez nettement inférieure à celle des autres types de places d'hébergement de ces structures. À la fin de 2016, l'ancienneté médiane dans ces autres places était en effet de 296 jours, soit près de 10 mois, et l'ancienneté moyenne de 490 jours (environ 16 mois).