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Centres d'hébergement : le Sénat plaide pour un statut unique

"Hébergement d'urgence : renforcer le pilotage pour mieux maîtriser les financements" : un rapport d'information de la commission des affaires sociale du Sénat formule quatorze propositions. Il préconise en particulier de créer un statut unique pour l'offre d'hébergement généraliste, afin "de rationaliser l'offre et de simplifier le pilotage des dispositifs".

Dans un rapport d'information intitulé "Hébergement d'urgence : renforcer le pilotage pour mieux maîtriser les financements", la commission des affaires sociale du Sénat revient sur un sujet qui a déjà inspiré plusieurs de ses travaux et qui fait l'objet de remarques récurrentes lors de l'examen des projets de lois de finances ou des projets de lois d'exécution (voir par exemple notre article ci-dessous du 12 juillet 2017). Présenté par Jean-Marie Morisset, sénateur (LR) des Deux-Sèvres, et Guillaume Arnell, sénateur (RDSE) de Saint-Martin (Antilles), le rapport est centré sur la gestion et le financement des opérateurs de l'hébergement d'urgence, "politique financée par l'État et mise en œuvre en quasi-totalité par des tiers".

"Les financements courent derrière les besoins"

Ce rapport intervient aussi dans un contexte marqué par une forte pression sur l'hébergement, avec en particulier une demande d'hébergement d'urgence très soutenue "en raison de la progression des situations d'exclusion et des flux migratoires". De 2014 – juste avant la crise migratoire – à 2018, les crédits du programme budgétaire 177 "Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables" sont ainsi passés de 1,47 à 2,1 milliards d'euros, soit une progression de 43% sur cinq ans, mais sans pour autant suffire à faire face à des besoins qui ne cessent de croître (voir notre article ci-dessous du 21 mars 2019). La capacité totale atteint pourtant 146.000 places en 2018 : 45.054 en CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale), 52.347 en CHU (centres d'hébergement d'urgence) et 48.706 en hôtels, solution inadaptée qui aurait dû reculer fortement mais qui continue en réalité de progresser (voir notre article ci-dessous du 12 juillet 2017).

Comme le souligne le rapport, "la sollicitation soutenue et constante des dispositifs a conduit à la sous-budgétisation chronique du programme budgétaire dédié à l'hébergement", amenant ainsi à systématiser l'ouverture de crédits supplémentaires en cours d'année. Selon Jean-Marie Morisset lors de la présentation du rapport, "depuis cinq ans, les financements consacrés à l'hébergement ne font que courir derrière les besoins".

Mettre fin à la porosité entre l'hébergement généraliste et l'accueil des demandeurs d'asile

À ces dérapages budgétaires s'ajoutent les difficultés de gestion pointées par le rapport. Les deux sénateurs soulignent ainsi – tout en reconnaissant les progrès accomplis – les imperfections persistantes des outils de pilotage et de régulation, comme les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) ou les services intégrés d'accueil et d'orientation (Siao). Sur la question de l'hébergement d'urgence en période hivernale, les rapporteurs observent que "les décisions de pérennisation de places gagneraient à être davantage anticipées". Et, sur la question des nuitées hôtelières, ils soulignent en particulier l'insuffisance des contrôles : le Samu social de Paris, qui réserve 35.000 places par jour, dispose de seulement quinze agents pour effectuer les contrôles dans les hôtels.

Enfin, le rapport ne manque pas de soulever le sujet très sensible de l'hébergement, dans le dispositif généraliste, des demandeurs d'asile et des réfugiés, qui relèvent normalement du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA), disposant en 2018 d'un parc d'hébergement dédié de 86.510 places. Pourtant, le rapport constate que "les clarifications opérées entre le financement du parc généraliste et celui dédié aux demandeurs d'asile n'ont pas mis fin à la porosité entre ces deux dispositifs". Il propose donc "de mettre fin à l'accueil de publics relevant du dispositif national d'accueil au sein du parc d'hébergement généraliste, en poursuivant l'accroissement du nombre de places du parc DNA".

En revanche, il estime que les personnes en situation irrégulière "relèvent de l'accueil inconditionnel et peuvent donc être hébergées au sein du parc généraliste". Mais il préconise l'affectation de certaines structures de l'hébergement généraliste à l'accueil prioritaire de ce public, qui a besoin d'un accompagnement spécifique.

La convergence tarifaire est à poursuivre

Au-delà de cette question, le rapport formule un ensemble de quatorze propositions. Il préconise ainsi de créer un statut unique pour l'offre d'hébergement généraliste, en considérant que les différentes catégories d'établissements présentent une finalité et un fonctionnement assez proches et qu'un statut unique permettrait "de rationaliser l'offre et de simplifier le pilotage des dispositifs".

Dans le même esprit, les deux rapporteurs recommandent de consolider les outils de gestion, notamment en formalisant davantage les procédures d'ouverture de places par des appels à candidatures et en développant une gestion prévisionnelle du foncier, ou encore en se dotant d'une meilleure connaissance des coûts des structures d'hébergement. Tout en reconnaissant que la réforme a été "mal comprise par les opérateurs, car certains d'entre eux ont vu leurs dotations baisser alors qu'ils se trouvaient en-dessous des tarifs plafonds", le rapport estime que "la convergence tarifaire est à poursuivre, sans pénaliser les établissements dont le coût est inférieur à la moyenne" et qu'"une réflexion doit être engagée pour étendre cette démarche de convergence à l'ensemble des structures d'hébergement". Il plaide également pour un développement des démarches de contractualisation pluriannuelle, mais aussi pour un renforcement du contrôle de l'État sur les opérateurs (tout particulièrement sur les nuitées hôtelières). Enfin, les deux rapporteurs préconisent d'"augmenter les crédits dédiés au logement adapté pour atteindre les objectifs de création de places fixés par le plan Logement d'abord".

La FAS plutôt favorable, mais...

Dans un communiqué du 9 juillet, la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité) – qui regroupe notamment les CHRS – se montre plutôt favorable au rapport du Sénat. Elle partage "le constat sur l'essoufflement du dispositif d'hébergement d'urgence" et salue certaines des quatorze propositions "qui articulent les objectifs parfois contradictoires que sont la maîtrise des financements publics avec des garanties de fonctionnement des centres d'hébergement tant pour les personnes que pour les organismes gestionnaires".

Ce satisfecit est toutefois sélectif. La FAS est bien sûr favorable au renforcement des moyens pour le dispositif du "Logement d'abord", mais aussi au passage de l'ensemble du parc pérenne d'hébergement généraliste sous le statut de l'autorisation et à l'extension de la démarche de contractualisation pluriannuelle à l'ensemble des centres d'hébergement pérennes.

En revanche, tout en reconnaissant la légitimité de la convergence tarifaire – ce qui n'a pas toujours été le cas – et d'un meilleur contrôle des financements, la FAS estime que la traduction de ces principes "dans les mesures du rapport peut poser partiellement problème avec des propositions visant à un renforcement des contrôles vis-à-vis des associations, à encore plus de reporting, de données chiffres et d'enquête que devront remplir les associations gestionnaires de centres d'hébergement".

Elle se montre aussi réservée sur le principe des appels à candidatures pour la sélection des opérateurs (pourtant appliqué dans tout le champ social) et "craint par ailleurs que la préconisation visant à dédier des centres d'hébergement à l'accueil prioritaire des personnes en situation administrative précaire relevant de l'hébergement généraliste n'aboutisse à une remise en cause des missions d'hébergement et d'accompagnement des personnes telles que définies par la loi et défendues par la Fédération".

 

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