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Jean Castex annonce un plan pour lutter contre les déserts médicaux en Centre-Val de Loire

Le Premier ministre a annoncé un "Plan d’actions pour soutenir la démographie médicale en région Centre-Val-de-Loire", la région française la plus touchée par la désertification médicale, avec entre autres la création d'un enseignement de médecine à Orléans. Une préfiguration de ce qui pourrait être proposé à l'échelle nationale ?

Comme Localtis l'indiquait il y a quelques semaines (voir notre article du 13 décembre 2021), il se confirme que la question des déserts médicaux est bien devenue un thème important de la campagne de la présidentielle. Après les propos d'Emmanuel Macron sur l'offre de soins en milieu rural lors d'un récent déplacement dans la Creuse (voir notre article du 25 janvier 2022), c'est au tour du Premier ministre de faire une annonce surprise sur le lancement d'un "plan d'actions pour soutenir la démographie médicale en région Centre-Val de Loire". Cette annonce fait suite à une réunion à Matignon, le 22 février, avec une délégation d'élus de la région composée notamment du président du conseil régional, de parlementaires, de présidents de conseils départementaux et de maires. Présidée par Jean Castex, la réunion s'est tenue en présence d'Olivier Véran, de Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, et de Marc Fesneau, le ministre des Relations avec le Parlement.

La région la plus touchée par la désertification médicale, malgré les initiatives des collectivités

La région Centre-Val de Loire est la plus touchée par la désertification médicale, avec la densité de médecins la plus faible de France (350 pour 100.000 habitants contre une moyenne nationale de 453). Pour les médecins généralistes, le ratio est de 98 pour 100.000 habitants contre une moyenne de 124 au niveau national. En outre, 35% des généralistes de la région ont aujourd'hui plus de 60 ans et devraient donc cesser leur activité dans les prochaines années. Comme le précise le communiqué du Premier ministre, "les conséquences de cette pénurie, induite par des années de numerus clausus, sont délétères pour l'accès aux soins, puisque 500.000 habitants n'ont pas déclaré de médecin traitant. Cela représente un habitant sur cinq, y compris dans les grandes agglomérations comme Dreux, Montargis et Orléans".

Face à cette situation, les collectivités territoriales ne sont pas restées inactives et n'ont pas hésité à innover. Le Loir-et-Cher a ainsi lancé Païs, la plateforme alternative d'innovation en santé qui se veut "une plateforme d'orientation et de régulation médicosociale" (voir notre article du 19 février 2020), tandis que le Loiret a été le premier département à proposer une complémentaire santé collective à tous ses habitants (voir notre article du 6 octobre 2016). D'autres initiatives sont plus contestées, comme le projet du maire d'Orléans, annoncé en janvier, d'installer dans sa ville une antenne de l'université de Zagreb (Croatie) afin de former des médecins, avec des frais d'inscription de 12.000 euros par an. Comme le montre, de façon plus générale, un récent rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, les initiatives et les bonnes pratiques des collectivités territoriales en matière de lutte contre les déserts médicaux, si elles sont utiles, trouvent néanmoins leurs limites dans les compétences restreintes des collectivités en matière de santé (voir notre article du 21 octobre 2021).

Création d'une antenne universitaire de médecine à Orléans

Le plan d'actions annoncé par Matignon à l'issue de la réunion avec les élus du Centre-Val de Loire entend agir par le biais de la démographie médicale. L'objectif affiché est de "doter la région à court et moyen terme de ressources médicales suffisantes pour répondre aux besoins de santé des citoyens en proximité". Mais compte tenu de la durée des études dans ce secteur, il ne peut s'agir en réalité que d'une solution de moyen et long terme.

La mesure phare de l'annonce du Premier ministre est en effet la création d'un enseignement de médecine à Orléans, qui deviendrait ainsi le second pôle de la région avec l'université de Tours. Le CHR d'Orléans est aujourd'hui le seul de France à ne pas être aussi un CHU. Dans son communiqué, Jean Castex indique qu'il "a annoncé saisir l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'enseignement supérieur dès cette semaine pour définir les voies de la reconnaissance d'un deuxième site de formation médicale en région Centre-Val-de-Loire. Les conclusions sont attendues pour fin mars". Même si cela n'est pas indiqué dans le communiqué, il devrait s'agir d'une université de médecine bi-site, sous la forme d'une antenne hospitalo-universitaire de formation des médecins, plus réaliste que deux universités autonomes distantes de 130 km (et d'une taille trop faible pour Orléans).

Des mesures de portée plus immédiate

Dans l'immédiat, "et dans le but de mieux répartir la formation des étudiants sur le territoire régional, la première année de médecine (parcours d'accès spécifique santé) de l'université de Tours pourra être suivie sur le site d'Orléans par visioconférence dès la prochaine rentrée universitaire". Enfin, le nombre d'étudiants admis en 2e année de médecine (a priori sur Tours pour l'instant) sera porté à 350 dès 2022 et celui des internes à 300 en 2022 et 350 dès 2023. Au passage, Jean Castex rappelle qu'il a déjà annoncé, le 2 décembre, la création d'une faculté d'odontologie de 28 places dès la rentrée 2022.

Enfin, une dernière série de mesures concerne le renforcement de l'offre de soins de proximité. Il s'agit en l'occurrence de l'expérimentation d'un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, du renforcement des hôpitaux de proximité, de l'augmentation de près de 25% du nombre d'infirmiers formés, ou encore du doublement du nombre d'infirmiers en pratique avancée (IPA) formés (passage de 19 à 50 IPA).

L'amorce de mesures nationales ?

C'est peu dire que ces annonces satisfont les élus de la région, qui avaient demandé cette réunion au Premier ministre dans un communiqué du 22 janvier. Dans un tweet du 22 février, François Bonneau, le président (PS) de la région Centre-Val de Loire, "remercie le Premier ministre de son écoute" et évoque "une décision politique majeure". Selon lui, Olivier Véran aurait également annoncé la création de 200 postes hospitalo-universitaires supplémentaires à court terme, afin de renforcer l'encadrement actuel et d'absorber la montée en charge annoncée. Pour sa part, Serge Grouard, le maire (LR) d'Orléans, a expliqué à France 3 Centre-Val de Loire que "nous jouons collectif et c'est ce qui nous permet, je crois, d'être complétement entendus", tandis qu'Eric Chevée, le président du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), insiste sur l'entente entre "les élus et les représentants de la société civile".

Au-delà de la région Centre-Val de Loire, le plan d'action annoncé par le Premier ministre pourrait préfigurer une approche par la démographie médicale que le gouvernement – qui a déjà remplacé le numerus clausus par un numerus apertus (nombre ouvert) moins contraignant (voir notre article du 18 octobre 2021)  – pourrait déployer si l'actuelle majorité est reconduite. Il reste néanmoins que l'entourage d'Emmanuel Macron évoque plutôt la possible annonce de mesures "disruptives" par le futur candidat afin de lutter contre les déserts médicaux.

 

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